Rubrique :
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Delinquance et criminalite
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Tête d'analyse :
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Crimes contre l'humanite
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Analyse :
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Definition. politique et reglementation
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Texte de la QUESTION :
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M. Charles Cova souhaite attirer l'attention de M. le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de la notion de crime contre l'humanite. Le recent proces de Paul Touvier vient de demontrer que notre pays avait le courage de s'arreter sur les pages sombres de son passe afin de juger le comportement de certains Francais qui, collaborant avec l'Allemagne nazie, s'etaient rendus responsables et coupables de crime contre l'humanite. Le deroulement de la justice ne doit pas s'arreter la. D'autres individus sont concernes. Leurs comportements justifient la plus grande fermete de l'Etat francais et des institutions judiciaires face a leurs exactions commises dans le passe durant la Seconde Guerre mondiale ou lors de la guerre d'Indochine. Il est difficile de comprendre comment un Francais, commissaire politique d'un camp au service du Viet-Minh, ne puisse pas etre aujourd'hui inquiete par des poursuites judiciaires. Il semble, en l'occurrence, que les caracteres de permanence et d'universalite de la notion de crime contre l'humanite soient insuffisants et meritent d'etre examines soit par le Gouvernement, soit par le legislateur afin de remedier a ce qui apparait aux Francais comme un deni de justice. Sur ce point precis, il souhaiterait connaitre les intentions et les projets de monsieur le ministre d'Etat.
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Texte de la REPONSE :
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Dans ses arrets du 1er avril 1993 (affaire Boudarel) et des 27 novembre 1992 et 21 octobre 1993 (affaire Touvier), la Cour de cassation a considere que la qualification de crime contre l'humanite, telle que definie par le statut du tribunal militaire international de Nuremberg annexe a l'accord de Londres du 8 aout 1945, ne pouvait pas s'appliquer a des faits commis apres la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'incrimination resultant de la Charte de Nuremberg est ainsi considerablement plus reduite que celles retenues par les articles 211-1 et suivants du nouveau code penal. En raison de son caractere plus severe, la nouvelle definition de ces crimes ne peut toutefois s'appliquer qu'a des faits commis posterieurement a l'entree en vigueur du nouveau code, c'est-a-dire apres le 1er mars 1994. Il en resulte notamment que ne peuvent etre qualifiees de crimes contre l'humanite des exactions commises lors de la guerre d'Indochine. En depit du caractere eminemment regrettable d'une telle consequence au regard de l'equite, il ne parait pas possible que le Parlement vienne remettre en question cette jurisprudence par l'adoption d'une loi qui completerait la loi du 26 decembre 1964 declarant imprescriptible par nature les crimes contre l'humanite, afin de definir de facon estensive la notion de crime contre l'humanite resultant du statut du tribunal de Nuremberg. Le caractere veritablement interpretatif d'une telle disposition paraitrait en effet hautement constestable et une telle loi porterait des lors atteinte au principe constitutionnel de non-retroactivite de la loi penale. En tout etat de cause, a supposer qu'un tel texte soit adopte, il ne permettrait pas la poursuite des auteurs de faits commis pendant la guerre d'Indochine, en raison des dispositions de la loi du 18 juin 1966 portant amnistie de tous les crimes commis en liaison avec les evenements consecutifs a l'insurrection vietnamienne, comme l'a d'ailleurs rappele la Cour de cassation dans son arret du 1er avril 1993. Il n'est en effet pas possible de soutenir que les crimes contre l'humanite, imprescriptibles par nature, ne peuvent faire l'objet d'une amnistie. Une telle regle n'a d'ailleurs pas ete inseree dans le nouveau code penal.
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