FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 20941  de  Mme   Neiertz Véronique ( Socialiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  28/11/1994  page :  5850
Réponse publiée au JO le :  30/01/1995  page :  595
Rubrique :  Nationalite
Tête d'analyse :  Perte
Analyse :  Reglementation. anciens militaires originaires de pays qui ont ete sous souverainete francaise
Texte de la QUESTION : Mme Veronique Neiertz demande a M. le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir lui faire connaitre s'il existe des arrets de la Cour de cassation qui, depuis l'affaire Bokassa (arret du 29 mai 1985 - Rev. crit. 1198.625) jusqu'a celle de Mamadou Balde (cass. 1re civile, 23 juin 1992), en passant par celle d'Abdoulaye Diaye (arret du 29 mars 1989, cass. 1re civile), ont enterine la position de la chancellerie selon laquelle les militaires francais sous les drapeaux au jour du transfert de souverainete de leur territoire d'origine perdaient la nationalite francaise ce jour-la et si, a la lumiere des chiffres qu'il serait susceptible de lui communiquer, il pense que la doctrine en la matiere etait reellement controversee, alors que selon une jurisprudence bien etablie (jugement Palka - Tribunal de premiere instance de Douai - 15 decembre 1950) « les membres d'une armee, meme a l'etranger, demeurent couverts par leur pavillon ». Elle lui rappelle que c'est cette soi-disant controverse qui est a l'origine du vote - a la demande du Gouvernement par voie d'amendement - de l'article 43 de la loi no 93-933 du 22 juillet 1993 qui nie cette jurisprudence constante. Elle lui demande s'il estime compatible avec les articles 2 et 17-2 du code civil, et avec les droits fondamentaux des citoyens, que des dispositions legislatives nouvelles puissent avoir pour effet de faire retroactivement perdre a une personne originaire d'un territoire d'outre-mer la nationalite francaise qu'il avait conservee de plein droit lors de l'accession a l'independance dudit territoire. Pour illustrer son propos, elle lui rappelle qu'il a demande, des la fin de l'annee 1993, au Procureur de la Republique pres le Tribunal de grande instance de Paris d'assigner un originaire de Guinee, militaire en activite le 1er octobre 1958, pour que soit annule un certificat de nationalite francaise delivre le 11 decembre 1985 - soit huit ans plus tot - par le juge d'instance de Chalons-sur-Marne, au motif notamment que l'interesse s'etait marie le 15 mai 1958 en Guinee, qui etait alors la France, par l'effet du decret du 24 fevrier 1953 ayant etendu le code de la nationalite aux territoires d'outre-mer. Elle lui demande s'il entend, au nom du principe d'egalite, demander l'annulation de l'ensemble des certificats de nationalite francaise delivres depuis le 19 octobre 1945 sur la base dite de l'assimilation de residence consacree par la jurisprudence rappelee ci-dessus. Elle voudrait savoir, dans la negative, sur quels criteres certains certificats de nationalite seront l'objet d'assignations aux fins d'annulation et pas d'autres, et aussi pourquoi le ministere public a interjete appel des jugements rendus le 24 septembre 1993 a Paris et le 13 septembre 1994 a Creteil alors que le jugement rendu le 25 novembre 1993 a Meaux est devenu definitif. Elle lui demande s'il partage son sentiment selon lequel l'introduction de la retroactivite hors tout fait generateur nouveau propre aux personnes dans le droit de la nationalite est source de discriminations et d'inegalites.
Texte de la REPONSE : Les consequences sur la nationalite de l'accession a l'independance des territoires d'outre-mer d'Afrique et Madagascar anciennement sous souverainete francaise (hormis les iles des Comores et l'ex-territoire francais des Afars et des Issas), ont ete organisees par la loi no 60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalite francaise et sont actuellement regies par le chapitre VII du titre Ier bis du livre Ier du code civil dans sa redaction issue de la loi no 73-42 du 9 janvier 1973 et de la loi no 93-933 du 22 juillet 1993. Ont ete saisies par ces dispositions toutes les personnes domiciliees sur ces territoires lors de leur accession a l'independance, c'est-a-dire selon la definition du domicile de nationalite donnee par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui y possedait « le centre de leurs attaches familiales et de leurs occupations ». Il resulte de l'application de ces textes que les personnes originaires de ces anciens territoires d'outre-mer qui y etaient domiciliees ont perdu la nationalite francaise lors du transfert de souverainete des que la nationalite du nouvel Etat leur a ete conferee par voie de disposition generale. Ces personnes ont toutefois pu, entre le 28 juillet 1960 et le 1er aout 1973 se faire reconnaitre la nationalite francaise en souscrivant la declaration prevue par l'article 152 ancien du code, dans sa redaction de la loi du 28 juillet 1960 a la condition de transferer en France leur domicile de nationalite. La situation des personnes originaires de ces territoires qui pouvaient se trouver encore sous les drapeaux francais au jour du transfert de souverainete n'a fait l'objet d'aucune disposition particuliere. Ces personnes ont en consequence perdu la nationalite francaise des lors que la nationalite du nouvel Etat leur a ete conferee par voie de disposition generale et qu'elles n'avaient pas effectivement transfere hors de ces territoires, le centre de leurs attaches familiales et de leurs occupations. Cette interpretation a constamment ete maintenue tant par la Chancellerie que par les autres administrations concernees. Il a notamment ete considere que les dispositions de l'article 78 du code de la nationalite francaise etaient inapplicables aux personnes concernees par l'accession a l'independance des anciens territoires francais d'outre-mer. Ce texte integre dans le code civil par la loi du 22 juillet 1993, sous l'article 21-26 prevoit, en faveur des etrangers qui souhaitent acquerir la nationalite francaise, que certains sejours a l'etranger, dont la presence hors de France dans une formation reguliere de l'armee francaise, sont assimiles a la residence en France, lorsque cette residence constitue une condition de l'acquisition de la nationalite francaise. Les decisions citees par l'honorable parlementaire qui ont considere que l'assimilation de residence prevue par l'article 78 du code de la nationalite etait applicable aux personnes concernees par l'accession a l'independance des anciens territoires francais d'outre-mer, ont suscite une difficulte de nature a remettre en cause a l'egard de nombreuses personnes les effets de nationalite deja acquis en application des textes precites depuis les dates d'accession a l'independance de ces territoires. C'est pourquoi l'article 43 de la loi no 93-933 du 22 juillet 1993 reformant le droit de la nationalite a precise, a titre interpretatif, le champ d'application de l'article 21-26 du code civil et rappele, qu' « au sens de l'article 78 du code de la nationalite tel qu'il resulte de l'ordonnance no 45-2441 du 19 octobre 1945, de l'ordonnance no 59-64 du 7 janvier 1959 et de la loi no 73-42 du 9 janvier 1973, et sous reserve des decisions de justice passees en force de chose jugee, l'assimilation de residence prevue par ces dispositions n'est applicable qu'aux cas d'acquisition de la nationalite francaise ou de reintegration dans cette nationalite ». La situation des personnes qui, contrairement a cette interpretation, ont pu etre reconnues francaises par une decision de justice passee en force de chose jugee n'est pas modifiee. D'une maniere generale, en revanche, la nationalite francaise des personnes titulaires de certificats delivres en application de dispositions juridiques erronees est susceptible d'etre soumise a l'appreciation des tribunaux judiciaires conformement a l'article 29-3 du code civil. Ces personnes, lorsqu'elles ont ete a tort considerees comme francaises pendant dix annees au moins avant la decouverte de leur extraneite, peuvent regulariser leur situation en souscrivant la declaration de nationalite prevue par l'article 21-13 du code civil, sans que la validite des actes passes anterieurement a la declaration qui etaient subordonnes a la possession de la nationalite francaise puisse etre contestee pour le seul motif que le declarant n'avait pas cette nationalite.
SOC 10 REP_PUB Ile-de-France O