FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 22432  de  M.   Le Nay Jacques ( République et Liberté - Morbihan ) QE
Ministère interrogé :  travail, emploi et formation professionnelle
Ministère attributaire :  travail et affaires sociales
Question publiée au JO le :  02/01/1995  page :  34
Réponse publiée au JO le :  15/01/1996  page :  271
Date de signalisat° :  08/01/1996
Rubrique :  Droits de l'homme et libertes publiques
Tête d'analyse :  Atteintes a la vie privee
Analyse :  Utilisation de la videosurveillance dans les entreprises
Texte de la QUESTION : M. Jacques Le Nay interroge M. le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle sur le developpement des pratiques de videosurveillance dans les entreprises. En effet, ces pratiques sont susceptibles de porter atteinte au principe fondamental du droit au respect de la vie privee des personnes, dans l'entreprise. Dans le cadre de l'application des dispositions fixees par la Commission nationale de l'informatique et des libertes sur la videosurveillance, la loi autorise-t-elle l'installation, dans les ateliers, de cameras destinees a la surveillance permanente de tous les postes de travail ?
Texte de la REPONSE : L'installation des cameras dans des lieux ou les salaries exercent leur activite n'est possible que sous reserve du respect de certaines dispositions et dans des limites qui visent a preserver les libertes individuelles et le respect de la vie privee. La loi d'orientation et de programmation relative a la securite no 95-73 du 21 janvier 1995 a prevu, dans son article 10, la possibilite de mettre en place un systeme de videosurveillance dans les lieux et etablissements ouverts au public, y compris dans les entreprises privees entrant dans cette definition, sous reserve d'une autorisation prealable du representant de l'Etat et d'une information claire et permanente sur l'existence d'un tel systeme. La CNIL a recemment rappele que la mise en oeuvre de dispositifs de videosurveillance dans de tels lieux doit etre compatible avec le respect des droits et libertes individuelles, et de la vie privee. Pour cela, il faut que le principe de proportionnalite par rapport au but poursuivi soit respecte (deliberation no 94-056 du 21 juin 1994). Par ailleurs, la loi no 92-1446 du 31 decembre 1992 a insere dans le code du travail des dispositions protectrices des salaries contre l'utilisation abusive de techniques nouvelles. L'article L. 102-2 du code du travail enonce le principe selon lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertes individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiees par la nature de la tache a accomplir ni proportionnees au but recherche. En application de cette disposition, l'utilisation de cameras dans l'entreprise doit etre justifiee par un interet legitime preponderant pouvant etre caracterise, notamment, par l'existence de risques particuliers de vols dans l'entreprise, la surveillance d'un poste de travail particulierement dangereux ou la mise en place d'une protection speciale resultant d'une obligation de secret-defense. Le recours a une telle pratique dans le seul but de controler l'activite professionnelle des salaries pourrait etre condamne par les tribunaux. La mise en place de la videosurveillance doit egalement respecter les dispositions visant a informer et a proteger les salaries contre une atteinte a leurs libertes individuelles. Le reglement interieur doit comporter une clause mentionnant l'installation de cameras pour des raisons de securite (articles L. 122-33 et L. 122-35 du code du travail). Le salarie doit etre averti de cette installation, puisque aucune information le concernant personnellement ne peut etre collectee par un dispositif qui n'a pas ete prealablement porte a sa connaissance (article L. 121-8 du code du travail). Le comite d'entreprise doit egalement etre informe et consulte prealablement a l'installation du systeme de videosurveillance (article L. 432-2-1 du code du travail). Enfin, l'article L. 422-1-1 du code du travail permet au delegue du personnel qui constate une atteinte aux libertes individuelles dans l'entreprise, qui ne serait pas justifiee par la nature de la tache a accomplir ni proportionnee au but recherche, de saisir l'employeur afin que celui-ci prenne les dispositions necessaires. Le non-respect par l'employeur de ces obligations pourrait conduire les juges a ordonner le retrait des cameras.
RL 10 REP_PUB Bretagne O