FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 23912  de  M.   Michel Jean-Pierre ( République et Liberté - Haute-Saône ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  13/02/1995  page :  802
Réponse publiée au JO le :  11/12/1995  page :  5256
Date de signalisat° :  04/12/1995
Rubrique :  Systeme penitentiaire
Tête d'analyse :  Detenus
Analyse :  Malades incurables
Texte de la QUESTION : M. Jean-Pierre Michel appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les problemes graves que posent les modalites d'execution des peines d'emprisonnement pour les detenus atteints de maladies incurables, notamment le sida. Ces detenus font actuellement l'objet soit de transfert a l'etablissement d'hospitalisation public national de Fresnes, soit, encore trop rarement, de mesures de suivi en milieu ouvert. En effet, l'article D. 131 du code de procedure penale qui autorise le placement d'un detenu a l'exterieur est limitatif et ne permet pas d'envisager les cas graves. C'est pourquoi il lui demande d'envisager de completer cet article de la maniere suivante : « les condamnes, quelle que soit la peine qui leur reste a subir, dont l'etat de sante a ete reconnu incompatible avec la detention, peuvent etre places a l'exterieur pour y suivre le traitement adapte a leur etat ». Par ailleurs, le probleme se pose egalement pour les prevenus et il serait utile de modifier dans le meme sens les textes sur le controle judiciaire.
Texte de la REPONSE : Depuis 1988, une enquete est regulierement conduite afin d'evaluer aupres des services medicaux des etablissements penitentiaires le nombre des personnes incarcerees atteintes par le virus de l'immunodeficience humaine dont la seropositivite est connue par le personnel de sante. En 1990, les resultats de cette enquete indiquaient que 5,8 p. 100 de la population carcerale etait infectee par le virus de l'immunodeficience humaine. En 1994, ce taux n'est plus que de 2,8 p. 100 ce qui represente 1 620 detenus. Parmi ces 1 620 personnes, 221, soit 14 p. 100, etaient malades du sida. Ces detenus peuvent beneficier tout d'abord de l'organisation des soins en milieu carceral. En effet, depuis 1989, les etablissements penitentiaires les plus concernes par l'infection par le virus de l'immunodeficience humaine (maison d'arret de Fleury, centre penitentiaire de Fresnes, centre penitentiaire de Marseille, maison d'arret des Hauts-de-Seine, maison d'arret de la Sante) sont incites a passer des conventions avec les centres d'information et de soins de l'immunodeficience humaine (CISIH), services hospitaliers specialises dans les soins aux personnes atteintes par le virus de l'immunodeficience humaine. Actuellement, 27 CISIH interviennent en milieu penitentiaire. Surtout, la loi 94-43 du 18 janvier 1994, en transferant la charge de l'integralite des soins en milieu penitentiaire au service public hospitalier va permettre aux unites de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) des etablissements penitentiaires de dispenser des soins aux detenus avec des moyens humains et materiels superieurs a ceux dont disposait l'administration penitentiaire. Lorsque l'etat de sante du detenu n'est plus compatible avec les soins susceptibles d'etre assures au sein de l'etablissement penitentiaire, son transfert vers l'etablissement d'hospitalisation public national de Fresnes ou un hopital du secteur public de droit commun est organise. Le recours a l'hospitalisation dans un service du secteur public hospitalier des personnes incarcerees est frequent et sa mise en oeuvre facilitee par la loi du 18 janvier 1994. Ainsi, en 1994, sur les 221 detenus malades du sida, 56 etaient hospitalises. Par ailleurs, l'article D. 375 du code de procedure penale dispose que lorsque le medecin estime que l'etat de sante d'un detenu risque d'etre affecte par la prolongation de la detention, il en avise le chef d'etablissement qui en informe aussitot s'il y a lieu l'autorite judiciaire competente. Le droit positif offre alors plusieurs possibilites en fonction de l'etat de sante du detenu : mise en liberte du prevenu par le juge d'instruction et placement sous controle judiciaire avec obligation de soins en application de l'article 138-10/ du code de procedure penale ; placement en semi-liberte du condamne par le juge de l'application des peines au vu de la « necessite de subir un traitement medical » (article 132-25 du code penal), sachant que la mesure n'a pas imperativement a etre assortie d'un retour quotidien a l'etablissement penitentiaire ; placement a l'exterieur du condamne par le juge de l'application des peines pour traitement medical (article D. 131 du code de procedure penale) ce qui peut aussi etre envisage dans les cas graves ; liberation conditionnelle du condamne par le juge de l'application des peines ou, pour les peines superieures a 5 ans, par le ministre de la justice sous condition de se soumettre a des soins medicaux ; suspension ou fractionnement de l'execution de la peine correctionnelle du condamne par le juge de l'application des peines ou le tribunal correctionnel pour « motif grave d'ordre medical » (article 720-1 du code de procedure penale). S'il est certain que le benefice des mesures judiciaires d'amenagement de peine est limite par des conditions liees au reliquat de peine restant a subir (pour la semi-liberte, la liberation conditionnelle, le placement a l'exterieur) ou a la nature de la peine (suspension de peine), le condamne peut toujours solliciter une mesure de grace aupres du President de la Republique. Ces demandes, qui sont frequentes, peuvent etre traitees en urgence et la grace dans ce cas, notamment lorsque le pronostic vital est en cause, est rarement refusee aux detenus. Une reforme legislative instaurant une liberation systematique ou meme la suppression des conditions liees au reliquat de peine restant a purger pour l'octroi de la liberation conditionnelle ou du placement a l'exterieur en cas d'etat de sante tres defaillant n'est donc pas envisagee, ces possibilites permettant de faire face aux situations, dans l'equilibre de toutes les considerations en cause.
RL 10 REP_PUB Franche-Comté O