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Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Louis Masson rappelle a M. le ministre de l'interieur qu'en reponse a sa question ecrite no 27449 concernant la certification des comptes des partis politiques et l'obligation d'utiliser un formulaire, il a pretendu faire reference a l'esprit de la loi. Or, la loi indique tres clairement que la certification des comptes doit etre effectuee « par deux commissaires aux comptes ». La loi n'indique en aucun cas que la certification doit etre effectuee « par deux commissaires aux comptes appartenant a des cabinets differents ». Il est donc particulierement surprenant que la reponse ministerielle evoque « l'esprit de la loi » alors que, noir sur blanc, le texte de la loi est bien clair. Il souhaiterait donc qu'il lui indique si son ministere dispose d'une ligne telephonique directe avec le paradis afin de faire parler les esprits ou si dorenavant, quelles que soient les lois votees par le Parlement, le pouvoir reglementaire se sent investi d'attributions lui permettant d'inventer de toute piece des complements legislatifs qui n'existent pas. Par ailleurs, la reponse ministerielle indique egalement que l'utilisation des formulaires est imposee a ses ressortissants par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Or, celle-ci est un organisme prive. La reponse conclut que la Commission nationale des comptes de campagne peut ecarter des documents de certification ne correspondant pas aux exigences de cette Compagnie. Cela impliquerait de sanctionner les partis politiques ne repondant pas aux exigences de ladite Compagnie. Il souhaiterait la aussi savoir en fonction de quels elements juridiques le ministere de l'interieur peut affirmer qu'un organisme prive qui, en l'espece, n'a ete investi ni par la loi, ni par le pouvoir reglementaire, d'une quelconque autorisation de reglementer les comptes des partis politiques pourrait inventer des exigences obligatoires n'ayant aucun fondement juridique. A tout le moins, si la reponse ministerielle ne comportait pas d'erreur flagrante, il souhaiterait qu'il lui indique s'il ne serait pas plus judicieux de supprimer purement et simplement le Parlement. En effet, au vu de la reponse ministerielle, celui-ci semble ne plus avoir d'attributions legislatives puisque, quelles que soient les lois votees, n'importe quel fonctionnaire d'un ministere et n'importe quel organisme prive pourraient en modifier completement le sens et la portee.
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Texte de la REPONSE :
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Dans la reponse commune apportee a ses questions ecrites no 27449 et no 27580 posees le 19 juin 1995 (Journal officiel, AN, questions et reponses, 31 juillet 1995, page 3364), il a ete souligne de facon liminaire que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'etait soumise a aucun pouvoir hierarchique. En consequence, les decisions que cette commission est appelee a prendre dans l'exercice de sa mission ne sauraient etre controlees, a fortiori reformees, par le ministre de l'interieur. La reponse precitee s'est donc bornee a exposer les motifs qui, aux yeux de ce ministere, pouvaient justifier les positions adoptees par la commission a propos des deux problemes souleves par l'honorable parlementaire. S'agissant de la certification des comptes des partis par deux commissaires aux comptes issus de cabinets distincts, il peut etre rappele a l'auteur de la question qu'une mesure identique a ete adoptee pour l'application de l'article 223 (dernier alinea) de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les societes commerciales. Celui-ci dispose que les societes astreintes a publier des comptes consolides sont tenues de designer au moins deux commissaires aux comptes. Cette obligation a ete introduite par la loi no 84-148 du 1er mars 1984 qui a accru le role des commissaires aux comptes tout en renforcant l'essentiel exigence de leur independance. Pour que ce double controle soit effectif et incontestable, il est apparu indispensable que les commissaires aux comptes appeles a controler de telles societes soient independants, non seulement a l'egard de la societe controlee, mais aussi a l'egard l'un de l'autre. Concernant les societes faisant appel public a l'epargne, lesquelles sont en pratique presque toutes tenues de publier des comptes consolides, la commission des operations de bourse, le 29 septembre 1992, a juge qu'il devait etre mis fin aux situations dans lequelles les deux commissaires aux comptes appartenaient au meme cabinet. Le Conseil national des commissaires aux comptes a alors precise, le 8 avril 1993, que « dans tous les cas ou il est fait obligation de designer plusieurs commissaires aux comptes, ceux-ci ne peuvent accepter le mandat que s'ils appartiennent a ou representent deux cabinets distincts ». Dans sa reponse a la question ecrite no 2387 posee le 5 aout 1993 par M. Andre Fosset, senateur, le ministere de la justice se felicitait d'ailleurs de cette mesure, dont la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'est inspiree pour la transposer au cas des comptes deposes par les partis et groupements politiques. S'agissant de la norme 43 de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes relative a la certification des comptes de partis ou groupements politiques, l'honorable parlementaire doit noter que cette compagnie, qui n'est pas un ordre professionnel, est certes un organisme prive, mais investi a certains egards d'une mission de service public, comme l'a reconnu le tribunal des conflits (13 fevrier 1984, no 2314 et no 2315). La profession de commissaire aux comptes est en effet une profession reglementee. L'instance precitee a competence pour imposer a ses membres des normes professionnelles (et notamment des normes de rapport, de comportement, d'ethique). Elle peut, le cas echeant, engager des poursuites disciplinaires devant les instances ad hoc. En adoptant la norme precitee, elle ne parait pas avoir excede les limites de ses attributions. Au demeurant, on doit remarquer que la Commission nationales des comptes de campagne et des financements politiques n'a, a ce jour, jamais sanctionne une formation politique pour le motif que la norme de certification des comptes n'avait pas ete exactement respectee. En definitive, et sur les deux problemes souleves par l'honorable parlementaire, seul le juge de l'exces de pouvoir eventuellement saisi pourrait apporter une reponse definitive en disant si la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a fait en la circonstance une juste application des dispositions adoptees par le legislateur.
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