FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 30770  de  M.   Deprez Léonce ( Union pour la démocratie française et du Centre - Pas-de-Calais ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  16/10/1995  page :  4311
Réponse publiée au JO le :  13/11/1995  page :  4817
Rubrique :  Elections et referendums
Tête d'analyse :  Politique et reglementation
Analyse :  Bulletins blancs. comptabilisation
Texte de la QUESTION : M. Leonce Deprez appelle l'attention de M. le ministre de l'interieur sur les reflexions et propositions du centre d'information civique (CIC) quant au vote blanc. La reconnaissance du vote blanc en tant que suffrage exprime apparait necessaire pour une juste representation de la volonte des electeurs et ne peut etre consideree comme une marque de desinteret ou de demission. Ainsi que l'ont constate les differents services du CIC, a l'ecoute des electeurs, le vote blanc est l'expression d'un reel choix de l'electeur, etabli en son ame et conscience, qui l'utilise afin de manifester son impossibilite d'opter pour un des candidats ou pour une des listes en presence soit par defiance, soit par reaction ou par revendication. Le vote blanc est l'expression d'une volonte de participation et son pourcentage, malheureusement toujours confondu avec celui des votes nuls, devient important : 5 p. 100 lors des elections regionales de mars 1992, 5,28 p. 100 au premier tour et 9,54 p. 100 au second tour des elections legislatives de 1993. Il a atteint 5,98 p. 100 au second tour de la recente election presidentielle, soit 1 902 148 votes blancs et nuls. Il lui demande la suite qu'il envisage de reserver a la proposition du CIC pour lequel « la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprime est donc necessaire a la juste representation de la volonte des electeurs ainsi qu'a la credibilite d'une election ».
Texte de la REPONSE : La regle selon laquelle les bulletins blancs ne sont pas comptabilises parmi les suffrages exprimes est traditionnelle dans notre droit electoral. Elle a ete pour la premiere fois codifiee dans l'article 30 du decret reglementaire du 2 fevrier 1852 ; elle a ete reprise dans l'article 9 de la loi du 29 juillet 1913, lequel est devenu par la suite l'article L. 66 du code electoral. Il convient tout d'abord d'etablir nettement la signification qu'on doit accorder aux bulletins blancs. La personne qui prend soin de confectionner elle-meme, et a l'avance (puisqu'il n'est pas mis a la disposition de l'electeur dans les bureaux de vote), son bulletin blanc pour l'inserer ensuite dans l'enveloppe electorale manifeste le scrupule d'accomplir exactement son devoir electoral en meme temps que le souci de n'avantager aucun des candidats ou aucune des listes en presence. Qu'en serait-il de cette volonte de neutralite si les bulletins blancs etaient comptabilises parmi les suffrages exprimes ? 1. - Dans les elections a la representation proportionnelle : pour ce type de scrutin, les sieges sont attribues a des listes, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues. Les bulletins blancs ne peuvent, par hypothese, entrainer l'attribution de sieges au profit d'une liste qui n'existe pas. Que ces bulletins soient ou non comptabilises parmi les suffrages exprimes ne modifie en rien la repartition mathematique des sieges entre les listes en presence. La reforme suggeree n'aurait d'autre effet que de compliquer inutilement les operations de depouillement, puisqu'il devrait etre prevu une totalisation speciale pour les bulletins blancs, celle-ci n'existant pas a l'heure actuelle, les bulletins blancs etant totalises avec les nuls. 2. - Pour les elections au scrutin majoritaire a deux tours : le decompte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimes aurait pour effet d'elever le chiffre de la majorite absolue. L'election d'un candidat ou d'une liste a l'issue du premier tour serait ainsi rendue plus difficile, ce qui augmenterait le nombre des seconds tours. Le resultat final n'aurait cependant guere de chance d'etre modifie au second tour dans le cas d'un candidat ou d'une liste qui a obtenu au premier tour plus de voix que tous ses adversaires reunis. Il n'en reste pas moins que les votes blancs auraient joue au detriment du candidat ou de la liste arrive en tete, et au detriment d'eux seuls. A la limite, on peut d'ailleurs se trouver dans une impasse juridique, dans l'hypothese ou le nombre des bulletins blancs representerait la majorite absolue des suffrages au premier tour ou leur majorite relative au second. Aucun candidat ne pourrait en effet alors etre proclame, si bien qu'on ne pourrait que constater la vacance du ou des sieges a pourvoir, avec la perspective d'une election partielle pour la combler. 3. - Pour l'election du President de la Republique : l'article 7 de la Constitution prevoit que « le President de la Republique est elu a la majorite absolue des suffrages exprimes ». Dans le regime actuel, si cette condition n'est pas realisee au premier tour, elle l'est necessairement au second, puisque ne peuvent alors se presenter que « les deux candidats qui, le cas echeant apres retrait de candidats plus favorises, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ». On concoit aisement que, si les bulletins blancs entrent dans le decompte des suffrages exprimes, donc dans le calcul de la majorite absolue, ils joueront automatiquement au premier tour a l'encontre du candidat arrive en tete, son election etant ainsi rendue plus difficile. Mais, consequence plus grave, il peut tres bien se faire qu'au second tour aucun des candidats n'obtienne la majorite absolue, surtout si les deux adversaires ne sont separes que par un nombre de voix relativement reduit. 4. - Pour les referendums : en cas de referendum, un projet est adopte a la majorite des suffrages exprimes. Il ne pourrait donc en etre ainsi que si le nombre des bulletins « oui » etait superieur au nombre des bulletins « non » et « blancs » reunis. Le projet pourrait meme etre rejete si aucun electeur n'avait vote « non », des lors que les votes « blancs » l'emporteraient sur les votes « oui ». Pour les referendums, voter blanc reviendrait ainsi a voter non. Comptabiliser les bulletins « blancs » parmi les suffrages exprimes serait donc sans effet pratique pour les elections a la representation proportionnelle. Dans tous les autres scrutins, en revanche, une telle reforme irait a l'encontre de la volonte de neutralite manifestee par les electeurs qui auraient depose un bulletin blanc dans l'urne, favorisant en outre la formation de majorites purement negatives. Compte tenu des observations qui precedent, l'auteur de la question comprendra que la proposition du Centre d'information civique a laquelle il se refere ne puisse recevoir l'assentiment du Gouvernement.
UDF 10 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O