FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 33820  de  M.   Marsaudon Jean ( Rassemblement pour la République - Essonne ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  08/01/1996  page :  126
Réponse publiée au JO le :  12/02/1996  page :  799
Rubrique :  Elections et referendums
Tête d'analyse :  Politique et reglementation
Analyse :  Bulletins blancs. comptabilisation
Texte de la QUESTION : M. Jean Marsaudon appelle l'attention de M. le ministre de l'interieur sur les dispositions relatives au bulletin blanc dans le systeme electoral francais. En effet, aux termes de l'article L. 66 du code electoral, les bulletins blancs sont assimiles aux bulletins nuls. A ce titre, ils n'entrent pas en compte dans le resultat du depouillement. Pourtant le bulletin blanc n'est ni neutre, ni nul. Il exprime un choix politique : soit que l'electeur ne se reconnait dans aucun candidat, soit il refuse de se definir par rapport a une question posee ou il en rejette la formulation. En tout etat de cause, l'electeur participe au scrutin et exprime son choix par un moyen legal et valable. Des lors, il semble anormal que son bulletin ne soit pas comptabilise parmi les suffrages exprimes. Il lui demande son avis sur ce sujet et si l'on peut envisager une reforme de la loi electorale en ce domaine.
Texte de la REPONSE : La regle selon laquelle les bulletins blancs ne sont pas comptes parmi les suffrages exprimes est traditionnelle dans notre droit electoral. Elle a ete pour la premiere fois codifiee dans l'article 30 du decret reglementaire du 2 fevrier 1852 ; elle a ete reprise dans l'article 9 de la loi du 29 juillet 1913, lequel est devenu par la suite l'article L. 66 du code electoral. Il convient tout d'abord d'etablir nettement la signification qu'on doit accorder aux bulletins blancs. La personne qui prend soin de confectionner elle-meme, et a l'avance (puisqu'il n'est pas mis a la disposition de l'electeur dans la salle de vote), son bulletin blanc pour l'inserer ensuite dans l'enveloppe de scrutin manifeste le scrupule d'accomplir exactement son devoir electoral en meme temps que le souci de n'avantager aucun des candidats ou aucune des listes en presence. Qu'en serait-il de cette volonte de neutralite si les bulletins blancs etaient comptabilises parmi les suffrages exprimes ? 1/ Dans les elections a la representation proportionnelle : dans ce type de scrutin, les sieges sont attribues a des listes, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues. Les bulletins blancs ne peuvent, par hypothese, entrainer l'attribution de sieges au profit d'une liste qui n'existe pas. Que ces bulletins soient comptabilises ou non parmi les suffrages exprimes ne modifie en rien la repartition mathematique des sieges entre les listes en presence. La reforme suggeree n'aurait pour effet que de compliquer inutilement les operations de depouillement, puisqu'il devrait etre prevu une totalisation speciale pour les bulletins « blancs », celle-ci n'existant pas a l'heure actuelle, puisque les bulletins « blancs » sont comptes avec les « nuls ». 2/ Pour les elections au scrutin majoritaire a deux tours : le decompte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimes aurait pour effet premier d'elever le chiffre de la majorite absolue. L'election d'un candidat ou d'une liste au premier tour serait ainsi rendue plus difficile, ce qui augmenterait le nombre de cas ou il faudrait proceder a un second tour. Le resultat final ne pourrait cependant guere avoir de chance d'etre modifie a l'issue du second tour si un candidat ou une liste a obtenu au premier tour plus de voix que tous ses adversaires reunis. Il n'en reste pas moins que les votes blancs auraient joue au detriment du candidat ou de la liste arrives en tete, et au detriment d'eux seuls. A la limite, on peut d'ailleurs se trouver dans une « impasse » juridique, dans l'hypothese ou le total des bulletins blancs representerait la majorite absolue des suffrages au premier tour ou leur majorite relative au second. Aucun candidat ne pourrait en effet alors etre proclame elu, si bien qu'on ne pourrait que constater la vacance du ou des sieges a pourvoir, avec la perspective d'une election partielle pour la combler. 3/ Pour l'election presidentielle : l'article 7 de la Constitution prevoit que « le President de la Republique est elu a la majorite absolue des suffrages exprimes ». Dans le regime actuel, si cette condition n'est pas realisee au premier tour, elle l'est necessairement au second, puisque ne peuvent alors se presenter que « les deux candidats qui, le cas echeant apres retrait de candidats plus favorises, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ». On concoit aisement que, si les bulletins blancs entrent dans le decompte des suffrages exprimes, donc dans le calcul de la majorite absolue, ils joueront automatiquement au premier tour a l'encontre du candidat arrive en tete, son election etant ainsi rendue plus difficile. Mais, resultat plus grave, il peut tres bien se faire qu'au second tour aucun des candidats n'obtienne la majorite absolue, surtout si les deux adversaires ne sont separes que par un nombre de voix reduit. 4/ Pour les referendums : en cas de referendum, un projet est adopte a la majorite des suffrages exprimes. Le projet ne pourra donc etre adopte que si le nombre des bulletins « oui » est superieur au nombre des bulletins « non » et « blancs » reunis. Le projet pourrait meme etre rejete si aucun electeur n'avait vote « non », des lors que les votes « blancs » l'emporteraient sur les votes « oui ». Pour les referendums, le paradoxe est donc complet : voter « blanc » reviendrait a voter « non ». Ainsi, comptabiliser les bulletins blancs parmi les suffrages exprimes serait sans effet pour les elections a la representation proportionnelle. Dans tous les autres scrutins, en revanche, une telle reforme irait a l'encontre de la volonte de neutralite manifestee par les electeurs qui auraient depose un bulletin blanc dans l'urne et, dans certains cas, on pourrait meme se trouver dans une situation sans issue. L'auteur de la question comprendra, dans ces conditions, que le Gouvernement ne saurait cautionner une proposition qui tendrait a inclure les bulletins blancs parmi les suffrages exprimes.
RPR 10 REP_PUB Ile-de-France O