FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 42543  de  M.   Marlin Franck ( Rassemblement pour la République - Essonne ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  02/09/1996  page :  4673
Réponse publiée au JO le :  02/12/1996  page :  6325
Rubrique :  Delinquance et criminalite
Tête d'analyse :  Provocation au suicide
Analyse :  Champ d'application
Texte de la QUESTION : M. Franck Marlin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'interpretation jurisprudentielle du delit cree par la loi no 87-1133 du 31 decembre 1987 : la provocation au suicide. Au moment de son adoption, le texte insere dans le nouveau code penal (art. 223-13) avait fait la quasi-unanimite dans un but de protection de la sante. Les dernieres statistiques, de 1990, fixent le nombre de suicides a 11 403 et celui des tentatives de suicide a 120 000. Ce qui en fait la premiere cause de mortalite chez les adultes jeunes, ages de vingt-cinq a trente-cinq ans. Les pouvoirs publics doivent donc reagir face a ce phenomene, qui ne doit pas etre considere par la collectivite nationale comme l'expression tragique d'une detresse personnelle mais qui devrait etre aborde dans sa dimension sociale. Il se fait donc le porte-parole des concitoyens particulierement sujets aux intentions suicidaires et qui se trouvent confrontes au silence des tribunaux. En effet, les procureurs, notamment, classent systematiquement sans suite certaines affaires, en se fondant implicitement sur l'article 111-4 du code penal. Tel est le cas precisement de dossiers ou les faits revelent l'incitation repetitive et le harcelement psychologique constant au sein d'un couple. Le fond du probleme est l'interpretation qu'il faut donner a la notion imprecise de « provocation au suicide d'autrui » et a son champ d'application. Il lui demande, a ce titre, s'il ne juge pas opportun de la clarifier, ce qui eviterait tout sentiment d'exclusion et d'incomprehension chez celui qui souffre de vivre.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaitre a l'honorable parlementaire que l'article 223-13 du nouveau code penal, qui reprend les dispositions de l'ancien code issues de la loi du 31 decembre 1987, reprime de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende le fait de provoquer au suicide d'autrui, lorsque la provocation a ete suivie du suicide ou d'une tentative de suicide. Les peines sont portees a cinq ans d'emprisonnement lorsque la victime est un mineur de quinze ans. Si la loi ne definit pas precisement la nature des comportements constituant une provocation au suicide, et reprime par la meme les provocations directes ou indirectes, il semble toutefois, sous reserve de l'interpretation souveraine des tribunaux, que ne sauraient tomber sous le coup de cet article que les agissements qui ont pour objectif avere d'inciter une personne a se donner la mort. En revanche, une personne qui, sans souhaiter le suicide d'autrui, adopterait un comportement qui serait de nature a entrainer un tel drame, ne parait pas commettre le delit prevu par cet article. Cette interpretation du texte ne resulte pas du principe d'interpretation stricte de la loi penale prevu par l'article 111-4 du code penal, que rappelle l'honorable parlementaire, mais de la regle posee par l'article 121-3 de ce code, selon laquelle il n'y a point de delit « sans intention de le commettre ». Il appartient donc aux tribunaux de rechercher si une personne dont le comportement a pu entrainer le suicide d'un tiers - ce qui peut etre le cas au sein d'un couple - etait ou non animee de l'intention coupable de provoquer la mort d'autrui. Si tel n'est pas le cas, sa responsabilite ne pourra relever que du domaine de la morale, et non celui de la loi penale.
RPR 10 REP_PUB Ile-de-France O