FICHE QUESTION
10ème législature
Question N° : 976  de  M.   Mercieca Paul ( Communiste - Val-de-Marne ) QG
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  29/06/1995  page :  699
Réponse publiée au JO le :  29/06/1995  page :  699
Rubrique :  Politique exterieure
Tête d'analyse :  Turquie
Analyse :  Genocide armenien. reconnaissance
DEBAT : M. le president. La parole est a M. Paul Mercieca.
M. Paul Mercieca. Le tribunal de grande instance de Paris vient de rendre un jugement important dans le proces intente par le Forum des associations armeniennes de France et par la LICRA a l'historien americain Bernard Lewis, qui contestait la realite du genocide armenien en 1915; pour la premiere fois en France, une sanction juridique condamne la negation du genocide de 1915.
Dans ses attendus, le jugement cite une declaration de 1985 de l'ONU, qui fait figurer le massacre des Armeniens au nombre des genocides recenses au XXe siecle. Il cite egalement la resolution du Parlement europeen du 18 juin 1987, qui reconnait la realite du genocide armenien et considere le refus par la Turquie de l'admettre comme un obstacle a l'entree de ce pays dans l'Union europeenne.
La plainte se referait a la loi Gayssot du 13 juillet 1990, mais seuls les crimes perpetres par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale sont concernes par cette loi. C'est la raison pour laquelle des deputes de divers groupes, tant de la majorite que de l'opposition, ont depose des propositions visant a completer la loi Gayssot pour reprimer la contestation des genocides, et notamment de celui dont le peuple armenien fut victime.
Les deputes communistes se sont toujours prononces pour la reconnaissance du genocide dont fut victime le peuple armenien; il depose regulierement des propositions de loi en ce sens. Le reconnaitre, c'est se prononcer pour que ce crime contre l'humanite s'inscrive dans les memoires et serve d'enseignement pour en empecher le renouvellement toujours possible, comme le montrent des evenements recents.
En cette annee de son quatre-vingtieme anniversaire, la France se doit de reconnaitre ce genocide et je souhaite connaitre la position du Gouvernement a cet egard.
Je lui demande de faire en sorte que les propositions de loi tendant a renforcer la lutte contre les theses revisionnistes et a reconnaitre le genocide armenien viennent rapidement en discussion devant notre assemblee. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. Francois Rochebloine. Tres bien !
M. le president. La parole est a M. le ministre des affaires etrangeres.
M. Herve de Charette, ministre des affaires etrangeres. Monsieur le depute, la France se sent solidaire des Armeniens qui ont ete victimes des massacres dont le quatre-vingtieme anniversaire vient d'etre celebre.
L'acte de genocide a ete defini par la convention pour la prevention et la repression du crime de genocide, qui a ete signee a Paris le 9 decembre 1948 et est entree en vigueur le 12 janvier 1951.
En droit international, le principe de non-retroactivite s'applique, notamment en matiere penale, ce qui veut dire, helas ! que le massacre des Armeniens d'Asie mineure ne releve pas en droit international de cette convention.
Bien entendu, nul ne saurait oublier que les deux tiers de la population armenienne de l'ancien Empire ottoman ont ete extermines entre 1915 et 1916 sur l'ordre de gouvernements de ce pays. Les autorites turques n'ont toujours pas reconnu la responsabilite du regime Jeunes-Turcs dans ces massacres.
Aussi la memoire armenienne en est-elle profondement blessee de generation en generation. Il appartient desormais aux Turcs de se mettre en regle avec leur histoire.
Le Gouvernement francais, quant a lui, n'oublie pas la blessure qui affecte la memoire de la communaute armenienne. Il la comprend d'autant mieux que la memoire des Armeniens de France est aujourd'hui partie integrante de celle de la nation francaise. La France a en effet accueilli bon nombre d'Armeniens rescapes de ces massacres, et notre devoir est de rendre hommage aux victimes du genocide que denoncent leurs descendants.
La republique d'Armenie, desormais independante, accorde la priorite a la recherche des moyens d'assurer pour l'avenir la stabilite d'une region si souvent dechiree par des conflits, le processus actuel de normalisation engage par Erevan et Ankara en temoigne. Par les contacts qu'il entretient avec les Etats concernes, notre pays souhaite conforter l'Armenie dans ses efforts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. Charles Ehrmann. Vive l'Armenie !
COM 10 REP_PUB Ile-de-France O