FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 10246  de  M.   Berthol André ( Rassemblement pour la République - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  16/02/1998  page :  801
Réponse publiée au JO le :  01/02/1999  page :  652
Rubrique :  communes
Tête d'analyse :  maires
Analyse :  délégations de fonctions. réglementation
Texte de la QUESTION : M. André Berthol demande à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir lui préciser dans quelles conditions un maire qui aurait accordé une délégation à un adjoint sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales serait susceptible de voir sa responsabilité pénale ou civile engagée du fait des décisions prises par cet adjoint dans le cadre de la délégation qui lui a été consentie. Il souhaiterait notamment qu'il lui fasse part de cas où ces deux types de responsabilités ont pu être mis en oeuvre.
Texte de la REPONSE : La délégation de fonction que le maire, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, peut accorder sous sa surveillance et sa responsabilité à un ou plusieurs adjoints ne réalise pas un transfert de compétence. Elle est faite intuitu personae. Ainsi, l'adjoint délégué ou le cas échéant, le conseiller délégué, n'agit pas en son nom mais au nom du maire. Cette délégation de fonction peut être assimilée à une délégation de signature même si elle couvre le suivi des dossiers. Il en résulte que le maire ne peut être considéré comme déchargé de toute responsabilité. La mise en oeuvre de cette responsabilité s'apprécie de manière différente suivant qu'il s'agit de la responsabilité civile ou de la responsabilité pénale. Pour ce qui me concerne, en premier lieu, la responsabilité civile du maire, cette dernière pourra être mise en oeuvre devant les juridictions de l'ordre judiciaire s'il a commis une faute presonnelle détachable de l'exercice de ses fonctions ou distincte d'une faute de service (CE, Sas, 28 juillet 1951, Laruelle et Delville). Tel est le cas lorsque l'acte en cause a été commis avec l'intention de nuire ou présente une particulière gravité. S'agissant de la situation concrète du maire qui a accordé une délégation de compétence, la faute susceptible d'engager sa responsabilité peut s'analyser plus spécialement comme une faute dans la surveillance qu'il doit exercer sur le délégataire en application de l'article L. 2122-18 précité. Pour ce qui concerne en second lieu la responsabilité pénale du maire, il convient de distinguer les conditions générales dans lesquelles elle peut être recherchée des conditions particulières liées à l'existence d'une délégation. Tout d'abord, d'un point de vue général, cette responsabilité pénale ne peut être recherchée que si, conformément au principe posé par l'article 121-3 du code pénal, les faits constitutifs d'un crime ou d'un délit ont été commis intentionnellement. Ce principe est toutefois assorti d'exceptions. L'article 121-3 précité dispose ainsi que la caractérisation de l'élément intentionnel n'est pas requise en cas de délit de mise en danger de la vie d'autrui. Il en est de même, lorsque la loi prévoit, en cas de délits d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements. L'article 121-3 dispose encore que, même dans cette dernière hypothèse, il ne peut y avoir délit si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales reprend et complète cette atténuation de la responsabilité pénale du maire ou d'un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation. Ensuite, et pour ce qui concerne le problème plus spécifique de la délégation, le principe selon lequel « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait », posé par l'article 121-1 du code pénal, n'implique pas que le maire soit déchargé de toute responsabilité du fait de l'existence d'une délégation. Dans une étude relative à la responsabilité pénale des agents publics en cas d'infractions non-intentionnelles, le Conseil d'Etat a considéré que « le rapprochement entre la délégation de pouvoir donnée à un agent public et celle donnée par un chef d'entreprise à un subordonné méritait une attention particulière » et « qu'il ne semble pas y avoir d'obstacle de principe à une transposition de la jurisprudence de la Cour de cassation au cas de délégations de compétence à l'intérieur de l'administration ». La Cour de cassation a jugé que sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise peut s'exonérer de sa responsabilité, s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour exercer sa mission. Un raisonnement analogue serait donc applicable au maire. Sa responsabilité pénale pourrait donc être mise en cause, si par exemple il ne donnait pas à son adjoint les moyens matériels et administratifs de remplir la mission qu'il lui délègue ou s'il maintenait une délégation, tout en sachant que le délégataire est incompétent ou en fait un usage frauduleux. Toutefois, la solution proposée par l'étude précédemment mentionnée ne peut être considérée comme reflétant de manière certaine la position des tribunaux de l'ordre judiciaire, en l'absence de décision de la Cour de cassation. Des tribunaux ont condamné des maires, en constatant expressément qu'ils ne justifiaient pas d'une délégation de pouvoir. Le tribunal de grande instance de Limoges a ainsi relevé dans un jugement condamnant un maire pour blessures involontaires que le prévenu ne justifiait d'aucune délégation de pouvoir (TGI Limoges, 11 mai 1994, n° 690/24). Un arrêt non définitif rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 15 décembre 1997 a constaté, dans le cadre d'une poursuite pour construction sans permis et déboisement sans autorisation, que le maire n'apportait pas la preuve de l'existence d'une délégation de pouvoir dans le domaine considéré et qu'il a pris personnellement la décision d'exécuter les travaux litigieux (CA Aix-en-Provence, 7e chambre, n° 977/7). En revanche, le tribunal de grande instance de Montpellier a condamné un maire pour blessures involontaires causées par un feu d'artifice alors que son adjoint, lui aussi condamané du même chef, était titulaire d'une délégation de pouvoir (TGI Montpellier, 22 décembre 1993, n° 4895/93). Le tribunal a jugé que si l'organisation du spectacle incombait à l'adjoint, cette délégation n'avait cependant pas dessaisi le maire de ses pouvoirs de police et qu'il lui appartenait, à ce titre d'interdire le tir s'il présentait un caractère dangereux.
RPR 11 REP_PUB Lorraine O