FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 113  de  M.   Blum Roland ( Union pour la démocratie française - Bouches-du-Rhône ) QOSD
Ministère interrogé :  enseignement scolaire
Ministère attributaire :  enseignement scolaire
Question publiée au JO le :  14/01/1998  page :  242
Réponse publiée au JO le :  21/01/1998  page :  393
Rubrique :  grandes écoles
Tête d'analyse :  classes préparatoires
Analyse :  bizutage. lycée Thiers. Marseille
Texte de la QUESTION : Le 10 septembre 1997 après midi, des élèves de la classe préparatoire vétérinaires du lycée Thiers de Marseille se livrent à des actions de bizutage à l'extérieur de l'établissement. Des photos sont prises par les mêmes élèves à cette occasion. Le proviseur, informé des faits, suspend les élèves ayant bizuté, prévient le procureur de la République qui d'ailleurs estime ne pas devoir donner suite et convoque pour le 2 octobre le conseil de discipline. Dès le 19 septembre, une enquête est ouverte. Deux inspecteurs généraux de l'éducation nationale se rendent au lycée Thiers et auditionnent élèves, professeurs, parents d'élèves, proviseur et proviseur adjoint. Ils récupèrent les photos et ayant estimé leur enquête terminée, chacun pense que l'incident est clos. Le 2 octobre, le conseil de discipline inflige aux élèves une lourde sanction : 20 jours d'exclusion. L'affaire aurait dû en rester là. Il est certain que les actions de bizutage doivent être interdites et le cas échéant lourdement sanctionnées. Le règlement intérieur du lycée a été violé et force doit rester à la loi. Mais il comprend mal, avec toute la communauté scolaire du lycée Thiers, l'acharnement de madame le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire à relancer, après le conseil de discipline du 2 octobre, une affaire qui aurait dû être close. Pourquoi, alors qu'ils avaient eux-mêmes estimé leur enquête terminée et indiqué à M. le proviseur qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre lui, les mêmes inspecteurs généraux sont-ils à nouveau envoyés à Marseille le 6 octobre 1997, cette fois-ci accompagnés du doyen de l'inspection générale pour diligenter une deuxième enquête ? Pourquoi mettre de l'huile sur le feu en remettant à TF 1 des photos remises en toute confiance par les élèves au proviseur qui les a lui-même données à M. le recteur d'académie ? Pourquoi accuser de complicité de bizutage des professeurs de la classe vétérinaires qui y sont totalement étrangers ? Pourquoi enfin une procédure disciplinaire à l'encontre du proviseur accusé d'avoir fabriqué un faux emploi du temps, alors que chacun connaît son professionnalisme et qu'il a pris dans cette affaire immédiatement toutes les mesures qui s'imposaient dans l'intérêt des élèves, des familles, des professeurs et du lycée ? Cette malheureuse histoire n'est pas la seule qui se soit produite en France mais son sentiment est qu'une fois de plus on la médiatise parce qu'il s'agit de Marseille. Toute la communauté scolaire du lycée Thiers souhaite à présent que le dossier soit définitivement classé et qu'aucune sanction ne soit prise contre le chef d'établissement. M. Roland Blum appelle l'attention de Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire sur le fait qu'une sanction quelle qu'elle soit, si elle était prononcée, serait très mal ressentie car injuste envers une personnalité qui depuis 1990 s'acquitte au lycée Thiers avec dignité et efficacité de la mission qui lui a été confiée.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Roland Blum a présenté une question, n° 113, ainsi rédigée:
«Le 10 septembre 1997 après-midi, des élèves de la classe préparatoire vétérinaire du lycée Thiers de Marseille se livrent à des actions de bizutage à l'extérieur de l'établissement. Des photos sont prises par les mêmes élèves à cette occasion. Le proviseur, informé des faits, suspend les élèves ayant bizuté, prévient le procureur de la République, qui, d'ailleurs, estime ne pas devoir donner suite, et convoque pour le 2 octobre le conseil de discipline. Dès le 19 septembre, une enquête est ouverte. Deux inspecteurs généraux de l'éducation nationale se rendent au lycée Thiers et auditionnent élèves, professeurs, parents d'élèves, proviseur et proviseur adjoint. Ils récupèrent les photos et, ayant estimé leur enquête terminée, chacun pense que l'incident est clos. Le 2 octobre, le conseil de discipline inflige aux élèves une lourde sanction: vingt jours d'exclusion. L'affaire aurait dû en rester là. Il est certain que les actions de bizutage doivent être interdites et, le cas échéant, lourdement sanctionnées. Le règlement intérieur du lycée a été violé et force doit rester à la loi. Mais il comprend mal, avec toute la communauté scolaire du lycée Thiers, l'acharnement de Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire à relancer, après le conseil de discipline du 2 octobre, une affaire qui aurait dû être close. Pourquoi, alors qu'ils avaient eux-mêmes estimé leur enquête terminée et indiqué à M. le proviseur qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre lui, les mêmes inspecteurs généraux sont-ils à nouveau envoyés à Marseille le 6 octobre, cette fois-ci accompagnés du doyen de l'inspection générale pour diligenter une deuxième enquête ? Pourquoi mettre de l'huile sur le feu en remettant à TF 1 des photos remises en toute confiance par les élèves au proviseur qui les a lui-même données à M. le recteur d'académie ? Pourquoi accuser de complicité de bizutage des professeurs de la classe vétérinaire qui y sont totalement étrangers ? Pourquoi enfin une procédure disciplinaire à l'encontre du proviseur, accusé d'avoir fabriqué un faux emploi du temps, alors que chacun connaît son professionnalisme et qu'il a pris, dans cette affaire, immédiatement toutes les mesures qui s'imposaient dans l'intérêt des élèves, des familles, des professeurs et du lycée ? Cette malheureuse histoire n'est pas la seule qui se soit produite en France, mais son sentiment est qu'une fois de plus on la médiatise parce qu'il s'agit de Marseille. Toute la communauté scolaire du lycée Thiers souhaite à présent que le dossier soit définitivement classé et qu'aucune sanction ne soit prise contre le chef d'établissement. M. Roland Blum appelle l'attention de Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire sur le fait qu'une sanction, quelle qu'elle soit, si elle était prononcée, serait très mal ressentie car injuste envers une personnalité qui depuis 1990 s'acquitte au lycée Thiers avec dignité et efficacité de la mission qui lui a été confiée.»
La parole est à M. Roland Blum, pour exposer sa question.

M. Roland Blum. Madame le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire, le 10 septembre 1997, dans l'après-midi, des élèves de la classe préparatoire de «véto» du lycée Thiers se livrent à des actions de bizutage à l'extérieur de l'établissement.
Le proviseur, informé des faits, suspend les élèves ayant bizuté, prévient le procureur de la République - lequel estime d'ailleurs ne pas devoir donner suite - et convoque pour le 2 octobre le conseil de discipline.
Dès le 19 septembre, à votre demande, une enquête est ouverte, deux inspecteurs généraux de l'éducation nationale se rendent au lycée Thiers et auditionnent élèves, professeurs, parents d'élèves, proviseur et proviseur-adjoint. Ils estiment leur enquête terminée, et chacun pense que l'incident est clos.
Le 2 octobre, le conseil de discipline inflige aux élèves une lourde sanction: vingt jours d'exclusion. L'affaire aurait dû en rester là.
Nous sommes tous d'accord sur le fait que les actions de bizutage doivent être interdites et, le cas échéant, lourdement sanctionnées. Le règlement intérieur du lycée a été violé et force doit rester à la loi. Mais nous comprenons mal votre acharnement à relancer, après le conseil de discipline du 2 octobre, une affaire qui aurait dû être close.
Pourquoi, alors qu'ils avaient eux-mêmes estimé leur enquête terminée et indiqué à M. le proviseur qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre lui, les mêmes inspecteurs généraux sont-ils à nouveau envoyés à Marseille le 6 octobre, accompagnés du doyen de l'inspection générale cette fois, pour diligenter une deuxième enquête ?
Pourquoi accuser de complicité de bizutage des professeurs de la classe de «véto» qui sont totalement étrangers à l'affaire ?
Pourquoi, enfin, déclencher une procédure disciplinaire à l'encontre du proviseur, accusé d'avoir fabriqué un faux emploi du temps, alors que chacun connaît son professionnalisme et qu'il a pris immédiatement toutes les mesures qui s'imposaient dans l'intérêt des élèves, des familles, des professeurs et du lycée ?
Toute la communauté scolaire du lycée Thiers a été choquée par l'avertissement que vous avez cru devoir infliger au proviseur le 25 octobre dernier. Cette sanction est totalement injuste envers une personnalité qui, depuis 1990, s'acquitte dans ce lycée de la mission qui lui a été confiée avec dignité et efficacité.
C'est la raison pour laquelle, dans un souci de justice et d'équité, je vous demande de retirer cette sanction, d'autant que, dans une affaire similaire, à Orléans, et pour des faits beaucoup plus graves, le proviseur n'a pas été sanctionné.
Je voudrais enfin savoir s'il n'y a pas, derrière cette affaire, une manoeuvre visant à faciliter le transfert des classes préparatoires du lycée Thiers vers l'université.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le député, je ne peux pas laisser assimiler, comme vous venez de le faire, la situation de Marseille et celle d'Orléans. A Orléans, en effet, c'est le proviseur lui-même qui a mis fin au bizutage et qui a saisi le procureur de la République, eu égard aux faits qui s'étaient produits dans son établissement. La situation du lycée Thiers à Marseille est totalement différente.
Le 19 septembre 1997, le ministère reçoit des appels de détresse relatifs à des faits de bizutage qui se seraient déroulés une semaine plus tôt au lycée Thiers, à Marseille. Il est important de rappeler qu'une semaine plus tôt, j'avais précisément diffusé dans l'ensemble des établissements scolaires une circulaire très ferme rappelant l'interdiction du bizutage entre élèves.
J'ai en effet dépêché une mission d'inspection confiée à l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale. Celle-ci a mis en lumière que le 11 septembre 1997, jour de la rentrée des classes préparatoires vétérinaires du lycée Thiers à Marseille, les élèves de première année avaient été encadrés par quatorze bizuteurs qui ont contraint la classe à déambuler sur la plage du Prado en sous-vêtement et à se vautrer dans des boîtes de pâtée pour chiens mélangée à de l'huile et autres ingrédients, ainsi qu'à des simulacres de scènes pornographiques dans un appartement privé. Les bizuteurs ont pris des photos destinées à être vendues dans l'établissement dès le lendemain.
Ce n'est qu'après que le ministère eut pris connaissance des faits que le proviseur s'est décidé à agir et qu'il a exclu temporairement les quatorze élèves en vue de leur passage en conseil de discipline.
Le 2 octobre, le conseil de discipline a prononcé une exclusion de vingt jours à l'encontre de ces élèves. Cette sanction n'a jamais été contestée par les quatorze bizuteurs, qui n'ont pas fait appel.
Mais, parallèlement à l'action à l'encontre des élèves qui s'étaient livrés à ces pratiques dégradantes, la lecture du rapport de l'IGAEN a fait apparaître que ces faits avaient pris naissance dans l'enceinte de l'établissement scolaire.
C'est pourquoi j'ai confié une nouvelle mission à l'IGAEN. Elle a fait apparaître l'organisation d'un faux cours pendant lequel l'enseignant chargé de la matière s'est éclipsé pour céder la place à une personne étrangère à l'établissement, en fait un ancien élève, un «cube» qui avait échoué au concours et revenait dans la classe pour organiser les bizutages.
Au surplus, l'emploi du temps mis au point par le chef d'établissement et signé de sa main prévoyait que les élèves n'auraient pas dû quitter l'établissement le 11 septembre 1997 mais auraient dû être en cours.
L'ambiguïté des termes figurant dans la rédaction de l'emploi du temps préparé par le proviseur a donc rendu possibles les faits de bizutage du 11 septembre 1997.
J'indique à la représentation nationale que le rapport de l'IGAEN - que le proviseur ainsi que les enseignants ont eu en main et que je vous ferai parvenir, monsieur le député, car gouverner autrement, c'est aussi rendre publics les rapports expliquant certaines décisions - conclut de la manière suivante: «L'examen précis de l'emploi du temps fait ressortir qu'il n'y avait pas cours le jeudi après-midi. On peut s'interroger sur l'utilité de cette césure dans l'emploi du temps eu égard aux risques liés aux pratiques de bizutage qui se trouvent, de la sorte, si ce n'est encouragées, du moins largement facilitées, d'autant que cet après-midi libre est précédé, en classe «véto», d'une matinée essentiellement consacrée au faux cours.
«Ce faux cours s'est déroulé avec la bienveillance, pour ne pas dire la complicité des professeurs, et, apparemment, en méconnaissance de l'équipe de direction. Les professeurs nous ont dit ce qu'ils pensaient de ce dernier point». En l'occurrence, il n'était pas possible pour l'équipe de direction d'ignorer le déroulement du bizutage.
Dès lors, la question est de savoir si un ministre doit se satisfaire de la seule sanction prononcée à l'encontre d'élèves, sans prendre en considération la complaisance, voire les fautes qui ont pu être commises par le ou les adultes responsables, c'est-à-dire dans ce cas les professeurs et le chef d'établissement.
Lors de l'examen du projet de loi relatif au bizutage, tous les parlementaires ont rappelé la nécessité de voir l'autorité disciplinaire prendre ses responsabilités en assumant le nécessaire devoir de sanction à l'égard de pratiques dont tout le monde reconnaît aujourd'hui le caractère dégradant. En l'espèce, il m'est apparu qu'une procédure disciplinaire devait être engagée à l'encontre du proviseur.
Le 17 octobre, j'ai indiqué à la communauté scolaire que j'avais parfaitement entendu les appels à la clémence, mais j'ai rappelé également que je ne pouvais pas oublier les appels de détresse et le sort des élèves, forcément marqués à vie par ces atteintes inadmissibles.
Au vu de tous ces éléments, j'ai pris la sanction minimale qui puisse être prise à l'égard d'un chef d'établissement, à savoir l'avertissement. Il lui appartient, en tant que chef d'établissement, de prendre à son tour les sanctions appropriées à l'égard des enseignants.
J'ai écrit aux élèves des classes préparatoires pour leur dire que, désormais, le travail devait reprendre.
Tels sont les faits, dans toute leur simplicité.
Je tiens, pour finir, à souligner qu'il n'a jamais été question de médiatiser cette affaire parce qu'il s'agit de Marseille. Mais pourquoi aurait-il fallu l'étouffer sous prétexte qu'il s'agit d'un lycée prestigieux ?
Beaucoup plus simplement nous avons voulu agir avec fermeté pour garantir en toutes circonstances la dignité des élèves et éviter que les plus fragiles d'entre eux ne renoncent à leurs études, comme c'est encore trop souvent le cas, ou ne recourent à certaines extrémités pour échapper à des pratiques d'un autre âge.
Il s'agit de mettre définitivement fin à la loi du silence sur des pratiques qui s'apparentent parfois au sadisme de jeunes entre eux et sur la complaisance inadmissible d'adultes qui s'abritent derrière la tradition. La loi actuellement en deuxième lecture punira de six mois de prison ces atteintes intolérables à la dignité humaine et contraires aux principes d'éducation qui doivent toujours prévaloir dans les établissements scolaires.
Le renforcement de l'instruction civique dans le secondaire et la création d'un cours d'instruction civique en classe de première permettront, je l'espère, d'éveiller les futurs jeunes adultes à leurs responsabilités.
Il est au demeurant étonnant de constater que c'est dans les classes préparatoires débouchant sur des métiers destinés d'abord à soigner - médecine, pharmacie, dentaire, vétérinaire - que se déroulent les faits de bizutage les plus graves et les plus inadmissibles, révélateurs de l'incapacité des adultes qui les encadrent à imposer à des jeunes pourtant issus très souvent de familles non défavorisées des pratiques respectueuses des autres.
J'espère que la nouvelle loi - que vous n'avez malheureusement pas votée, monsieur le député - permettra de mettre fin à des pratiques inadmissibles à notre époque.
M. le président. La parole est à M. Roland Blum.
M. Roland Blum. Madame le ministre, j'ai pris acte de votre réponse mais je ne partage pas du tout votre point de vue car je n'ai pas la même appréciation des faits.
Vous avez indiqué que le proviseur d'Orléans avait prévenu le procureur de la République. Je me permets de vous rappeler que celui de Marseille l'avait fait aussi, immédiatement, et que le procureur de la République n'a pas cru devoir donner suite.
En ce qui concerne la position prise par le proviseur, vous avez évoqué le rapport de l'inspection générale. Celui-ci indique que «le proviseur et l'équipe de direction n'ont pas failli à leur tâche. Ils avaient tenu normalement leur rôle éducatif au moment de la rentrée. Le vendredi 19 septembre, ils ont agi avec la célérité qui convenait».
Je ne suis donc pas du tout de votre avis et je rappelle par ailleurs que je vous ai demandé, à la fin de ma question, si vous aviez l'intention de maintenir les classes préparatoires au lycée Thiers ou de les transférer à l'université.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le député, je vous fais remettre à l'instant le rapport de l'inspection générale. Vous pourrez ainsi prendre connaissance de la totalité des faits et je pense que, dès lors, vous ne pourrez plus contester la responsabilité éducative des adultes à l'égard des élèves.
Par ailleurs, il n'est bien évidemment pas question, contrairement à certaines rumeurs, de supprimer les prépas vétérinaires du lycée Thiers; ce que nous voulons, c'est mettre un terme, dans tout le pays, aux pratiques de bizutage odieuses que l'on constate trop fréquemment.
UDF 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O