FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 12110  de  M.   de Chazeaux Olivier ( Rassemblement pour la République - Hauts-de-Seine ) QE
Ministère interrogé :  culture et communication, porte-parole du gouvernement
Ministère attributaire :  culture et communication
Question publiée au JO le :  23/03/1998  page :  1556
Réponse publiée au JO le :  22/06/1998  page :  3394
Rubrique :  langue française
Tête d'analyse :  défense et usage
Analyse :  Internet
Texte de la QUESTION : M. Olivier de Chazeaux appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les modalités d'application de loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à « l'emploi de la langue française » aux sites et publicités sur Internet. En principe, les pages Web éditées en France devraient être soumises à cette loi (dite « loi Toubon »), sauf lorsqu'elles ont été conçues pour être intégralement diffusées en langue étrangère. La loi semble connaître des difficultés d'application dans le domaine des contrats électroniques et des publicités qui accompagnent des pages rédigées en langue française. Ainsi, un moteur de recherche en français, qui affiche sur sa page Web des bandeaux publicitaires hypertextes non traduits, commettrait une infraction caractérisée en ne sélectionnant pas des offres commerciales que les utilisateurs de tels services ont ciblé en fonction de la langue qu'ils ont choisie d'utiliser pour effectuer leur recherche. De la même manière, la loi pourrait sanctionner les messages électroniques envoyés en masse, ce type d'envoi ne constituant pas forcément une correspondance privé et pouvant s'analyser dans beaucoup de cas comme un « mailing » publicitaire à vocation commerciale. Il apparaît donc nécessaire de préciser certaines notions. Il lui demande donc quelle est la nature juridique des sites et publicités sur Internet au regard de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à « l'emploi de la langue française » et plus particulièrement si ces derniers sont éventuellement assimilables soit à des organes de presse soit à des programmes audiovisuels.
Texte de la REPONSE : Les publicités commerciales répondant à l'obligation d'emploi de la langue française en vertu de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 le sont indépendamment du support utilisé pour assurer leur diffusion. Le second alinéa de cet article institue une obligation d'emploi de la langue française « dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service », pour « toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ». Les réflexions récemment conduites au Conseil national de la consommation sur le thème de la langue française et la protection du consommateur dans le commerce électronique et sur l'internet confirment cette analyse. En effet, le droit communautaire comme le droit national considèrent que la ou les langues officielles du pays de commercialisation constituent, sauf rares exceptions, le moyen le plus adéquat pour assurer efficacement la protection du consommateur. Le respect de cet objectif conduit donc à ne pas traiter différemment des autres supports, au regard des obligations créées par la loi du 4 août 1994, les publicités diffusées par l'intermédiaire de l'internet. Les offres de ventes diffusées sur l'internet présentant ces éléments à l'intention du marché des consommateurs français entrent donc dans le champ d'application de la loi. Les spécificités techniques de l'internet et le fait qu'un site soit accessible par tout consommateur au-delà des frontières, ainsi que l'évolution très rapide et complexe de ce support posent de multiples questions. Cependant, nombre de ces interrogations peuvent en fait trouver une réponse, et il convient de recentrer le débat sur les informations purement commerciales s'adressant au marché français et entrant dans le cadre où sont prévues des mesures de protection du consommateur. En effet, la loi et sa circulaire d'application ont prévu des exceptions qui peuvent s'appliquer à l'internet, par exemple pour les activités d'exportation des opérateurs français, pour les correspondances privées à teneur non commerciales, les programmes visant l'apprentissage des langues étrangères ou conçus pour être intégralement ou en partie en langue étrangère. Par analogie, les informations de ce type circulant sur l'internet ne sont pas soumises à des obligations linguistiques, et les identifier ne devrait pas poser davantage de problèmes que pour les autres supports. Quant aux publicités qui accompagnent des pages rédigées en langue française, dans le cas, par exemple, de moteurs de recherche en français qui affichent sur leurs pages « Web » des bandeaux publicitaires hypertextes, le respect des principes de protection des consommateurs rappelé précédemment devrait conduire à adapter les offres commerciales en fonction de la langue que les utilisateurs emploient pour effectuer leurs recherches ; cette sélection est techniquement possible et déjà utiliséepar des moteurs de recherche francophones ou plurilingues. D'autre part, la transmission d'un message électronique auprès de destinataires ciblés, dès lors qu'elle est effectuée en masse, ne relève pas de la correspondance privée, mais est assimilable à une opération de publipostage à vocation commerciale. A ce titre, un tel message devrait être rédigé en français dès lors que les destinataires visés sont français. Cependant, comme l'observe le plan gouvernemental « Préparer l'entrée de la France dans la société de l'informtion » de janvier dernier, le caractère spécifique et profondément novateur de l'internet interdit la transposition des schémas établis pour l'audiovisuel ou la télématique, puisque les flux de données transitant par le réseau ne connaissent pas de frontières et ne sont pas gérés par une autorité unique, chacun pouvant à tout moment et de sa propre initiative être émetteur et récepteur d'informations. Le Gouvernement a donc adopté en ce domaine une démarche nationale et internationale progressive et concertée afin de déterminer le cadre juridique de l'internet en tenant compte à la fois de l'éthique de comportement et d'autorégulation adoptée par les différents acteurs de l'internet (utilisateurs, producteurs de contenus) et de la nécessaire coordination à mettre en place au niveau intergouvernemental. Cette démarche a donné lieu depuis deux ans à des travaux interministériels, dont le dernier en date a abouti au rapport élaboré par M. Francis Lorentz à la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le commerce électronique. La France procède également à une concertation entre les représentants des consommateurs et ceux des entreprises et des professionnels de l'internet, qui a conduit le conseil national de la consommation, durant l'année écoulée, à établir des modèles de contrats et des règles déontologiques, notamment pour les questions linguistiques. Au niveau communautaire, un groupe ad hoc du Conseil a été chargé d'établir la position internationale de l'Union européenne : dans ce cadre, le Gouvernement a élaboré un mémorandum français sur le commerce électronique, qui aborde le thème de la protection du consommateur, en reprenant notamment les conclusions du rapport Lorentz sur la nécessité d'appliquer à ces transactions le droit du pays de résidence du consommateur, et de préserver la diversité culturelle et linguistique. Dans le prolongement de ce rapport, le Gouvernement a récemment décidé, parmi les dix mesures retenues pour le développement du commerce sur l'internet en France, de créer un dispositif de concertation présidé par Francis Lorentz, dans lequel les enjeux linguistiques liés à l'internet pourraient être étudiés. Au niveau mondial, la France participe à la concertation menée pour préparer la conférence ministérielle de l'OCDE sur le commerce électronique qui se tiendra à Ottawa en octobre 1998, et qui réunira tant les représentants de ses Etats membres que ceux d'autres organisations internationales, des professionnels et des consommateurs, afin de rechercher un consensus sur les principes à adopter pour assurer notamment la protection du consommateur.
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O