FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1231  de  M.   Gaymard Hervé ( Rassemblement pour la République - Savoie ) QOSD
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  09/10/2000  page :  5678
Réponse publiée au JO le :  11/10/2000  page :  6557
Rubrique :  établissements de santé
Tête d'analyse :  maternités
Analyse :  maintien. Moûtiers
Texte de la QUESTION : M. Hervé Gaymard souhaiterait attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation de la maternité de Moûtiers en Savoie. Il lui demande quel avenir le Gouvernement lui réserve.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Hervé Gaymard a présenté une question, n° 1231, ainsi rédigée:
«M. Hervé Gaymard souhaiterait attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation de la maternité de Moûtiers en Savoie. Il lui demande quel avenir le Gouvernement lui réserve.»
La parole est à M. Hervé Gaymard pour exposer sa question.
M. Hervé Gaymard. Madame la secrétaire d'Etat à la santé, nous avons déjà eu l'occasion de nous entretenir de ce dossier il y a six mois, ici même, mais je crois qu'il est aujourd'hui utile de faire le point.
Moûtiers dispose d'une maternité flambant neuve, complètement refaite en 1991-1992, dotée d'un personnel compétent et dévoué, et des équipements les plus modernes. Cette maternité dessert plus de deux cantons, soit environ 32 000 habitants. Ce secteur sanitaire compte 500 à 550 naissances par an. Mais la maternité assure à peine 200 à 250 accouchements car elle ne dispose que d'un seul gynécologue-obstétricien, et l'insuffisance de l'offre de soins se traduit par un effet de fuite bien connu.
Or il serait question de fermer cette maternité. Si ce projet devait se concrétiser, il aurait deux conséquences très graves sur lesquelles je voudrais attirer l'attention.
Ce secteur sanitaire est constitué de deux cantons de montagne, Moûtiers et Bozel, et d'une partie du canton d'Aime. De nombreuses communes sont situées à plus de quarente-cinq minutes de la maternité de Moûtiers. Si elle venait à fermer, le trajet jusqu'à la maternité de repli d'Albertville serait beaucoup trop long: cela mettrait en danger la santé des parturientes.
D'autre part, la maternité d'Albertville ne peut matériellement accueillir toutes les parturientes qui accouchent actuellement à Moûtiers. J'ai rendu visite à une amie à la maternité d'Albertville il y a quelques jours; je puis vous assurer que tous les lits y sont occupés pour les mois à venir.
Cet été, quelques semaines seulement avant la publication du schéma régional d'organisation sanitaire, nous avons eu vent des projets de fermeture. C'est dire qu'il y a eu un défaut de concertation sur ce sujet, sans compter que le poste de directeur de l'agence régionale d'hospitalisation a été vacant beaucoup trop longtemps: quatre mois entre le départ de M. Pelissier et l'arrivée de M. Ritter, en pleine élaboration du SROS.
Le comité de défense de la maternité de Moûtiers, qui réunit, notamment, les médecins, les personnels hospitaliers et les élus, a aussitôt fait une proposition de bon sens au ministère. Sur un tel sujet, il faut éviter aussi bien la technocratie que la démagogie. La technocratie consiste à appliquer des règles de manière brutale, uniquement parce que des normes administratives ont été définies. La démagogie consiste à ne pas vouloir impliquer les citoyens dans la décision.
Nous avons donc proposé de créer un second poste de gynécologue-obstétricien à la maternité de Moûtiers. Ce poste serait commun à deux établissements de santé, la maternité de Moûtiers et celle de Bourg-Saint-Maurice, située vingt-huit kilomètres plus haut dans la vallée, de manière que les gynécologues des deux maternités puissent avoir une vie meilleure, en assurant moins de gardes. En tant qu'élus locaux, nous étions également prêts à ne pas bénéficier d'aides de l'Etat et à financer ce second poste sur une ressource locale qui pourrait être durablement affectée à l'hôpital de Moûtiers. Enfin, dans un souci de responsabilisation des populations, nous suggérions de mener cette expérience sur trois ans; nous aurions vu alors où en étaient les choses, si le nombre d'accouchements avait augmenté ou non à la maternité de Moûtiers.
Cette proposition de bon sens tient toujours et les financements sont disponibles.
Je poserai donc deux questions très simples.
D'une part, le Gouvernement accepte-il ou non cette expérimentation ? Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de réponse officielle.
D'autre part, a-t-il l'intention ou non de fermer au mois de janvier la maternité de Moûtiers, comme le bruit en court avec insistance ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le député, vous nous interrogez à nouveau sur le devenir de la maternité de Moûtiers en Savoie. Elu de cette région et particulièrement de ce secteur, vous êtes très attaché, et je le comprends, à défendre ce qui vous paraît être l'intérêt de la population.
Malgré tout, il apparaît clairement dans vos arguments que la maternité de Moûtiers ne présente plus des conditions satisfaisantes de sécurité et d'accueil des parturientes. En effet, vous n'avez pas réussi à attirer des candidatures de gynécologues obstétriciens en dépit du voeu des élus locaux et de leur offre, laquelle ne me semble d'ailleurs pas recevable en l'état actuel de la réglementation et des dispositions de sécurisation de l'activité hospitalière. Cette situation montre bien les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour attirer des praticiens dans un exercice hospitalier qui repose sur un très petit nombre de personnes, ce qui fait que le service n'a plus les moyens de s'organiser correctement.
Je le rappelle, le choix des pouvoirs publics en ce domaine n'a pas été et n'est pas pour l'instant la contrainte. Nous n'avons pas d'outil nous permettant d'obliger un praticien à aller exercer là où il ne veut pas aller. En effet, nous ne sommes pas revenus, vous le savez, sur la disposition prévoyant la liberté de choix des praticiens, y compris hospitaliers.
En revanche, le choix des pouvoirs publics a été et est toujours de favoriser, par des mesures incitatives, la constitution d'équipes garantissant de bonnes conditions d'exercice de l'activité, et de veiller à la bonne organisation des activités, notamment en matière de sécurité sanitaire.
Vous évoquez le deuxième schéma régional d'organisation sanitaire de la région Rhône-Alpes, qui a été arrêté effectivement le 30 septembre 1999. Vous rappelez que le directeur de l'ARH a été absent pendant quatre mois. La concertation a cependant eu lieu, même si vous considérez qu'elle a été trop courte, le SROS a pu être adopté.
Il préconise, dans la vallée de la Tarentaise, une organisation de l'activité de périnatalité reposant sur une maternité avec néonatalogie, une maternité de premier niveau et un centre périnatal de proximité, situés respectivement à Albertville, Bourg-Saint-Maurice et Moûtiers.
Le SROS a fait l'objet de la part du centre hospitalier de Moûtiers d'un recours hiérarchique, rejeté par décision du 17 mai 2000 après examen par le comité national d'organisation sanitaire et sociale. L'établissement, ainsi qu'il en avait la possibilité, a formé un recours contentieux devant le tribunal administratif de Grenoble en vue d'obtenir l'annulation de cette décision, ce recours est actuellement en attente de jugement.
Parallèlement, une demande d'autorisation de pratiquer l'activité d'obstétrique a été déposée par le centre hospitalier de Moûtiers pendant la période exceptionnelle de dépôt des demandes s'étendant, pour la région Rhône-Alpes, du 1er février au 31 juillet 2000. En vertu de la procédure prévue au code de la santé publique, la demande sera examinée lors de la séance du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale de Rhône-Alpes, le 5 décembre prochain. Ensuite, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation prendra une décision qu'elle notifiera à l'établissement avant le 31 janvier 2001.
A ce stade, il ne m'appartient pas d'intervenir dans ce dossier qui relève des compétences des autorités réglementaires sanitaires régionales, et pour lequel une procédure contentieuse est en cours. Je reste toutefois convaincue qu'une solution satisfaisante existe. Les trois hôpitaux de la Tarentaise se sont constitués en syndicat interhospitalier, ce qui montre l'intérêt de l'incitation à l'organisation multisite que nous préconisons. Il faut maintenant les amener à élaborer un projet médical commun, notamment en matière d'obstétrique et de néonatologie.
Les difficultés de recrutement médical que rencontrent les établissements de la Tarentaise, dont vous vous faites l'écho et que j'atteste, sont liées pour partie à l'absence d'un tel projet médical commun. Les praticiens, confrontés à la dispersion des équipements et aux difficultés de liaison, ne souhaitent pas s'engager tant qu'ils ne savent pas exactement à quoi ils s'exposent, ni de quoi sera faite leur pratique médicale. Le projet médical commun doit développer une véritable coopération et des complémentarités entre les trois sites qui rassurent et sécurisent la pratique des professionnels.
Les pouvoirs publics accompagneront de leur mieux ce projet, je le confirme.
L'agence régionale de l'hospitalisation s'emploie depuis plusieurs mois à nouer le dialogue entre les différentes parties prenantes.
A l'égard de l'hôpital de Moûtiers, afin que celui-ci puisse assurer au mieux ses missions, l'ARH a pris en mai dernier des engagements qu'elle a déjà mis en oeuvre. Au mois de juillet 2000, elle a ainsi financé cinq postes d'infirmier diplômé d'Etat et un poste de praticien hospitalier pour les urgences, ce qui représente un engagement de plus de deux millions de francs en année pleine; l'hôpital a également pu d'acquérir un véhicule sanitaire d'urgence.
A ces mesures s'ajoutera prochainement un plan d'apurement financier pour les trois établissements d'Alberville, de Bourg-Saint-Maurice et de Moûtiers, de l'ordre de 16,5 millions de francs.
La réalisation de cette opération de réorganisation du tissu sanitaire de la Tarentaise représente un enjeu important pour l'amélioration de la prise en charge de la population. A cet égard, je rejoins tout à fait votre préoccupation, monsieur Gaymard. Je ne doute pas que les trois établissements de soins concernés vont réussir, dans les mois à venir, avec le soutien qui leur est apporté, à réaliser leur projet médical commun. Celui-ci apportera la lisibilité dont les personnels ont aujourd'hui besoin, et rendra en conséquence plus attractifs les emplois actuellement non pourvus.
L'année prochaine, l'activité périnatale devrait donc être tout à fait satisfaisante dans cette région qui vous est chère.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.
M. Hervé Gaymard. Madame la secrétaire d'Etat, nous sommes évidemment d'accord sur le fait que ces trois hôpitaux doivent travailler ensemble, et ils le font d'ailleurs depuis bientôt cinq ans. Des avancées en matière de réorganisation, notamment concernant l'assainissement financier de ces trois établissements, ont déjà pu être enregistrées. Mais pour ce qui concerne la maternité de Moûtiers, vous ne serez pas étonnée si je vous dis que votre réponse ne me satisfait pas.
Je ferai deux rapides observations.
La première sur la question de la sécurité. Vous connaissez l'adage: «Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage.» Mais, aujourd'hui, il n'y a pas de problèmes de sécurité à la maternité de Moûtiers. Toutes les statistiques sanitaires officielles - qui sont transparentes - montrent que, depuis dix ans et même plus longtemps, les résultats sont plutôt meilleurs que dans beaucoup de grandes maternités. Un dossier complet, fort bien fait et réalisé par le comité de défense de la maternité, a d'ailleurs été remis au Premier ministre lors de sa visite à Courchevel, l'hiver dernier. Il ne faut donc pas parler de problèmes de sécurité parce que, jusqu'à présent, il n'y en a pas.
Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Jusqu'à présent !
M. Hervé Gaymard. Seconde observation: s'il n'y a pas eu de recrutement de gynécologue à Moûtiers, c'est parce que ce recrutement n'a jamais été autorisé. Tout ce que nous demandons, c'est de pouvoir recruter un deuxième gynécologue, y compris en le payant nous-mêmes localement, pour une expérimentation de trois ans. Il prendrait le relais du gynécologue de la maternité de Bourg-Saint-Maurice, qui devrait alors partir à la retraite.
J'insiste: si nous n'avons pas de gynécologue, ce n'est pas seulement en raison du problème de démographie médicale que vous connaissez bien, cela tient aussi au fait que, jusqu'à présent, nous n'avons pas été autorisés à le recruter.
Je tenais à faire ces deux observations en contrepoint à votre réponse, madame la secrétaire d'Etat.
RPR 11 REP_PUB Rhône-Alpes O