FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1257  de  M.   Cardo Pierre ( Démocratie libérale et indépendants - Yvelines ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  01/04/1999  page :  3099
Réponse publiée au JO le :  01/04/1999  page :  3099
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  enfants
Analyse :  divorce. enlèvement. lutte et prévention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
M. Pierre Cardo. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, la semaine dernière, vous avez rencontré une nouvelle fois votre homologue allemand sur l'épineux problème des enlèvements d'enfants vers l'Allemagne. Etant, comme vous-même, souvent intervenu sur ces problèmes, je suis de plus en plus sollicité par des parents français dont les enfants sont retenus dans un pays étranger en dépit de conventions internationales qui fixent comme principe absolu le droit de l'enfant.
Il semble que, dans de trop nombreux pays, les tribunaux nationaux ignorent volontiers les textes et les accords, leur préférant des considérations nationalistes et politiques.
Si de nombreux pays sont concernés, comme les Etats-Unis, le Liban et le Portugal, le record dans ce domaine semble être détenu par nos voisins allemands: noms d'enfants changés à l'insu du parent français, tracasseries administratives systématiques, chantages aux pensions alimentaires pour de simples droits de visite - le plus souvent théoriques d'ailleurs -, visites en Allemagne sous surveillance, entre autres. Pourtant, certains juges allemands ont récemment manifesté leur volonté de respecter les accords de La Haye puisqu'ils ont ordonné par deux fois le retour des enfants enlevés en France par un commando sur ordre de leur père. Mais le premier jugement fut immédiatement cassé par la Cour constitutionnelle à la demande du père, celle-ci se déclarant, pour la première fois, compétente en matière familiale. Pour le second jugement, cette cour a fait mieux: elle a rendu une décision d'opposition au jugement avant même qu'il ait été prononcé.
Aussi, madame la garde des sceaux, s'il nous intéresse de connaître les résultats concrets de votre entretien avec votre homologue allemand, il me paraîtrait important que le Gouvernement français exprime clairement l'action politique qu'il envisage de conduire pour mettre un terme à ces conflits douloureux qui frappent nombre de couples binationaux.
Nous ne voulons pas que nos enfants soient les victimes innocentes d'un conflit latent entre deux pays et nous ne pouvons rester dans ce que le Président de la République a qualifié lui-même de «loi de la jungle». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j'ai rencontré à Bonn ma collègue allemande, Mme Herta Däubler-Gmelin, il y a une quinzaine de jours, le 22 mars. L'essentiel de nos conversations a porté sur le drame des enfants de couples binationaux séparés, en l'occurrence franco-allemands, dont les parents se déchirent la garde. A cet égard, le cas de Mme Cosette Lancelin est malheureusement exemplaire.
Je suis déterminée à tout faire dans mon domaine de compétence afin que nous puissions trouver des solutions à ces drames. Mais, pour avancer, il nous faut bien situer les responsabilités. Il y a, d'une part, les décisions des tribunaux. Ni en France ni en Allemagne, le pouvoir politique ne peut contester ces décisions. Il y a aussi la responsabilité des parents. Nous devons insister sur le fait que les parents n'ont pas à faire des enfants un enjeu de leurs désaccords et de leurs différends - il ne faut jamais oublier de le rappeler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Il y a aussi ce que nous pouvons faire, nous, responsables politiques, pour trouver des solutions concrètes.
Qu'avons-nous décidé avec Mme Däubler-Gmelin ? D'abord de faire en sorte d'obtenir, dans nos parlements respectifs, la ratification aussi rapide que possible de la convention de Bruxelles 2, qui prévoit qu'un seul tribunal, celui du lieu où habitaient les parents avant de se séparer, sera compétent. Nous appliquerons cette convention dès qu'elle aura été ratifiée en France et en Allemagne.
Nous avons également décidé de créer une commission parlementaire franco-allemande. Elle comprend trois parlementaires français: vous-même, monsieur le député, Mme Pervenche Bérès, députée du Parlement européen, et Mme Dinah Derycke, sénateur. Dans les prochains jours seront désignés trois parlementaires allemands. J'ajoute que, le lundi 22 mars, je me suis entretenue à Bonn avec le président et la vice-présidente de la commission des enfants au Bundestag.
La commission parlementaire franco-allemande sera chargée de faire en sorte que soient véritablement appliquées les décisions judiciaires et que, lorsqu'un droit de visite est accordé, celui-ci puisse s'exercer dans les meilleures conditions possibles.
Voilà comment nous pouvons utilement conjuguer nos efforts. Rien ne serait plus désastreux que de tomber dans des travers xénophobes, ici germanophobes, là-bas francophobes. Nous devons nous défier, surtout ici, à l'Assemblée nationale, de ce type de réflexe et nous attacher à étudier concrètement comment nous pouvons faire avancer les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
DL 11 REP_PUB Ile-de-France O