FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 14599  de  M.   Pélissard Jacques ( Rassemblement pour la République - Jura ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  18/05/1998  page :  2752
Réponse publiée au JO le :  29/06/1998  page :  3649
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  prise illégale d'intérêts
Analyse :  élus locaux. location d'une parcelle communale
Texte de la QUESTION : M. Jacques Pélissard appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inadaptation à la réalité du monde rural de l'article 432-12 du code pénal interdisant aux élus des petites communes exerçant la profession d'agriculteur de louer un terrain communal. De nombreux maires de petites communes rurales, notamment dans le Jura, exercent parallèlement à leur fonction élective la profession d'agriculteur. Or, les maires concernés qui louent, souvent depuis de nombreuses années, des terrains communaux par bail à ferme, sont, au regard de la loi, dans une situation très délicate. En effet, aux termes de l'article L. 411-46 du code rural, ils ont droit au renouvellement de leur bail parvenu à échéance. Toutefois, selon l'article 432-12 du code pénal, ils remplissent les conditions du délit de prise illégale d'intérêts dès lors qu'ils sont investis d'un mandat public électif, qu'ils ont en outre un intérêt personnel dans l'opération et, enfin, qu'ils assument la charge d'administrer les biens communaux. La seule alternative qui semblerait s'offrir à eux serait ainsi de renoncer à l'une de leurs activités. Pourtant, cette décision paraît difficilement acceptable au regard des dispositions de l'article 432-12, alinéa 4, permettant aux maires des communes de 3 500 habitants « d'acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle ». La logique voudrait donc que la location d'un terrain communal leur soit autorisée. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Cette situation et d'autant plus pénalisante qu'elle peut impliquer, comme c'est le cas pour une petite commune du Jura de 85 habitants, que le maire, se voyant refuser le renouvellement du bail qu'il avait conclu avant d'être élu, patisse non seulement d'une perte de sa surface exploitée, mais aussi, et c'est plus grave, de ses quotas laitiers correspondants. Dès lors, afin de remédier à cette situation véritablement problématique, induite par les dispositions de la loi du 22 juillet 1992 modifiant les éléments constitutifs du délit d'ingérence (dit désormais « prise illégale d'intérêts »), élaborée, certes, dans l'optique louable de fixer des règles de moralisation de la vie publique, mais inadaptée à la réalité des petites communes rurales, le Sénat a adopté le 10 février dernier une proposition de loi visant à autoriser les élus des communes de moins de 3 500 habitants à conclure des baux ruraux avec leur collectivité. Compte tenu de la pertinence de l'objet de ce texte, il souhaite savoir si le Gouvernement est favorable à sa transmission et à son examen à l'Assemblée nationale, ou, à défaut, s'il entend élargir le champ de la dérogation prévue par l'article 432-12 du code pénal afin d'autoriser la location, par les élus des communes de moins de 3 500 habitants exerçant la profession d'agriculteur, d'un terrain communal.
Texte de la REPONSE : la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article 432-12 du code pénal n'a pas la portée générale et absolue qu'il évoque s'agissant de la passation ou du renouvellement des baux ruraux par les élus des petites communes rurales. Ce texte incrimine en effet le fait de prendre, recevoir ou conserver un intérêt dans une affaire sur laquelle la personne en cause exerce un contrôle « au moment de l'acte ». Lorsque l'acte consiste dans une opération unique, même si les effets peuvent s'en prolonger dans le temps, la personne qui accède à l'exercice des fonctions publiques peut conserver l'intérêt qu'elle y a perçu sans risque d'être inquiétée pénalement. Tel est le cas d'un bail portant sur des terres communales conclu avec une personne qui est ultérieurement élue maire de la commune ; cette personne peut continuer à utiliser les terres et à en payer le loyer, puisqu'elles ont été prises à bail dans des conditions légales. En revanche, lorsque les actes effectués ne se limitent pas à un simple renouvellement ou à la continuation d'un événement antérieur mais traduisent, par exemple par des changements significatifs dans les conditions du bail, une nouvelle manifestation de volonté, la personne qui a accédé à une fonction publique lui donnant contrôle de l'affaire ne peut plus s'y livrer. Sur un plan plus général, il convient de rappeler qu'à la suite du dépôt de la proposition de loi finalement votée par le Sénat le 10 février 1998, la Chancellerie avait créé, notamment avec des membres du Sénat, un groupe de travail pour examiner de manière très précise les conditions de mise en oeuvre du délit de prise illégale d'intérêts en matière de baux ruraux et ainsi parvenir à une efficace prévention du délit. Le rapport de ce groupe de travail a été, en accord avec le rapporteur de la proposition de loi évoquée ci-dessus, diffusé aux parquets par circulaire du 7 avril 1998 ; il sera également adressé pour information aux préfets. La diffusion de ce document devrait permettre de régler la plupart des difficultés rencontrées en ce domaine et rendre inutile une modification de la loi au bénéfice d'une catégorie particulière de personnes.
RPR 11 REP_PUB Franche-Comté O