FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 20276  de  M.   Aubron Jean-Marie ( Socialiste - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  19/10/1998  page :  5663
Réponse publiée au JO le :  25/01/1999  page :  487
Rubrique :  communes
Tête d'analyse :  maires
Analyse :  pouvoirs. déchets ménagers. dépôt. contrevenants
Texte de la QUESTION : M. Jean-Marie Aubron demande à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir lui indiquer si un maire est en droit de faire ouvrir les sacs d'ordures ménagères pour identifier les contrevenants aux horaires de dépôt de ces ordures sur la voie publique. Dans l'affirmative, il souhaiterait qu'il lui indique si les agents chargés de cette tâche doivent avoir la qualité d'agent de police judiciaire. Dans la négative, s'exposent-ils à des poursuites pénales pour atteinte à la vie privée ?
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire interroge le ministre de l'intérieur sur le droit des personnes au respect de leur vie privée à l'égard de leurs sacs d'ordures ménagères, pour identifier un déposant qui a laissé ses déchets ménagers aux endroits déterminés par l'autorité de police, mais en dehors des heures prévues pour le ramassage des ordures. Il semble, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, que l'ouverture et l'examen des sacs d'ordures ménagères ne portent pas atteinte au droit au respect de la vie privée. La nature juridique des ordures ménagères paraît en effet faire obstacle à ce que la protection particulière dont bénéficie le domicile leur soit étendue. Selon le droit civil, les objets jetés à la poubelle, sont res derelictae, des choses abandonnées par leur propriétaire. La doctrine civiliste considère que cette volonté d'abandon ne peut se discuter qu'à l'égard d'un objet précieux jeté par inadvertance et récupéré par un tiers, chiffonnier ou toute autre personne. En principe, le problème ne se pose pas, l'abandon est volontaire, ce qui exclut, en cas d'ouverture, toute poursuite pour atteinte à la vie privée. La mise des ordures ménagères dans des sacs poubelle en plastique et le dépôt des sacs aux lieux prévus pour leur enlèvement traduit la volonté manifeste du déposant de voir ces objets collectés, puis subir un processus d'élimination ou de retraitement dans des installations appropriées. Le déposant n'ignore pas qu'au cours de ces opérations ses ordures ménagères seront dispersées parmi d'autres, car leur conditionnement en sacs n'entraîne aucun respect de l'intégrité de l'emballage, ni de l'inviolabilité du contenu. La mise en sacs des ordures ménagères se fait, par commodité, dans le seul intérêt de la salubrité publique. L'ensemble de ces considérations permet de penser que la fouille d'un sac poubelle ne relève pas des articles 56 et suivants du code de procédure pénale applicables aux perquisitions domiciliaires, qui ne peuvent être effectuées que par un officier de police judiciaire, sur commission rogatoire d'un juge d'instruction. Le fait de ne plus être titulaire de droits sur ses déchets ménagers n'exonère pas pour autant les particuliers de toute responsabilité vis-à-vis de ces objets. Leur responsabilité civile peut se trouver engagée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, si leurs ordures causent un dommage aux tiers, par exemple aux agents chargés de la collecte, du fait de la présence de déchets médicaux à risques infectieux, comme des seringues usagées (TGI Paris, 29 septembre 1997). Par ailleurs, certains dépôts d'ordures ménagères sont susceptibles de constituer une contravention de police. La violation des horaires de dépôt sur la voie publique peut constituer une contravention de 1re classe en application de l'article R. 610-5 du code pénal qui réprime la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les arrêtés de police. L'article R. 632-1 du code pénal sanctionne d'une contravention de 2e classe le fait d'abandonner des ordures dans un lieu non autorisé L'article R 635-8 punit ces faits, lorsqu'ils sont commis à l'aide d'un véhicule, de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. L'identification des contrevenants à ces dispositions peut être réalisée à l'aide de documents contenus dans leurs sacs d'ordures ménagères, ainsi que cela a été jugé par la cour d'appel d'Agen, dans un arrêt du 9 janvier 1997, pour une infraction à l'article R. 635-8 du code pénal. Les agents de police municipale, chargés d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire en vertu de l'article L 2212-5 du code général des collectivités territoriales, peuvent donc examiner les sacs d'ordures ménagères qui seraient abandonnés sur la voie publique en violation d'un arrêté de police municipale. Ces agents sont tenus à l'obligation de discrétion professionnelle pour toutes les informations concernant la vie privée des déposants que l'examen des sacs pourrait mettre à jour. Ce procédé n'est évidemment pas exclusif des moyens classiques de contrôle de l'exécution des arrêtés de police que constituent les patrouilles de police sur la voie publique.
SOC 11 REP_PUB Lorraine O