FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 20581  de  M.   Brard Jean-Pierre ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation
Ministère attributaire :  fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation
Question publiée au JO le :  26/10/1998  page :  5792
Réponse publiée au JO le :  25/01/1999  page :  481
Rubrique :  fonctionnaires et agents publics
Tête d'analyse :  recrutement
Analyse :  accès des Témoins de Jéhovah. conséquences
Texte de la QUESTION : M. Jean-Pierre Brard attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les conséquences de la suppression du service national au regard de l'accès à la fonction publique des Témoins de Jéhovah. En effet, le refus des Témoins de Jéhovah d'effectuer le service national, plus particulièrement celui de porter les armes, préservait, jusqu'à présent, la fonction publique de cette secte dont la dangerosité a été dénoncée dans le rapport parlementaire sur les sectes datant de 1996. La suppression du service national qui ouvre ainsi la possibilité aux Témoins de Jéhovah de devenir fonctionnaires lui paraît donc très préoccupante et il souhaiterait que le Gouvernement lui indique quelles mesures il compte prendre afin de protéger nos concitoyens et plus particulièrement les enfants contre tout risque de prosélytisme que ne manqueraient pas de pratiquer les membres de la secte la plus importante de France en nombre d'adeptes.
Texte de la REPONSE : Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, « la liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires, aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur appartenance éthnique ». Cet article est la traduction staturaire de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel « [...] Tous les citoyens étant égaux à ses yeux (la loi), sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Il en résulte que la liberté de pensée et garantie à toute personne désirant entrer dans la fonction publique. Il en va de même de la liberté de pratique dès lors que cette pratique est sans incidence sur le bon fonctionnement du service. Ainsi, dans une décision du 8 décembre 1948, Pasteau, le Conseil d'Etat a-t-il considéré que le fait d'écarter un candidat sur le seul fondement de ses croyances religieuses était illégal dès lors que dans l'exercie des fonctions précédentes aucun manquement au devoir de stricte neutralité ne pouvait être reproché. Il conclut en ces termes : qu'« ainsi le ministre a entendu dénier d'une façon générale aux candidates ayant des croyances religieuses l'aptitude aux fonctions d'assistante sociale (...) et instituer une incapacité de principe qui est contraire à la législation en vigueur ». Cette jurisprudence a été confirmée dans des termes identiques dans une décision du 3 mai 1950, Jamet. Par conséquent aucune interdiction a priori et présentant un caractère général ne pourraît être justifiée. Toutefois, l'administration concerve la possibilité d'interdire à titre individuel l'accès à la fonction publique à un candidat qui ne présenterait pas toutes les garanties nécessaires pour l'exercice de ses futures fonctions. C'est ce qui ressort notamment de la décision du Conseil d'Etat du 10 mai 1912, Abbé Bouteyre dans laquelle le juge administratif a admis que le ministre de l'éducation nationale pouvait légalement refuser à un prêtre l'accès au cours de l'agrégation. Des décisions plus récentes confirment ce pouvoir d'appréciation de l'administration qui peut notamment fonder son rejet de candidature sur l'attitude antérieure du candidat. Ainsi dans un arrêt du 10 juin 1983, Raoult le Conseil d'Etat a admis que le garde des sceaux pouvait légitimement écarter un candidat du concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature en justifiant sa décision par la participation de l'intéressé, antérieurement à sa candidature, à la rédaction et à la diffusion d'un journal dont le contenu constituait une « manifestation publique d'opinion (...) incompatible avec la réserve et la pondération qui s'imposent à un candidat à l'exercice des fonctions de magistrat ». Cette position est constante. On peut notamment citer une décision du 27 janvier 1992, ministre de l'intérieur c/Castellan. Ce pouvoir d'appréciation est toutefois soumis au contrôle du juge administratif qui peut censurer l'analyse de l'administration (Conseil d'Etat, 18 mars 1983, Mulsant). De même, après la titularisation d'un fonctionnaire l'administration reste vigilante quant au respect de l'obligation de neutralité qui s'impose à tout agent public. La violation de cette obligation, notamment par un fonctionnaire qui, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, ferait du prosélytisme, entraînerait l'application de sanctions disciplinaires. Enfin, il convient de signaler que en cas de faute grave, l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susmentionnée prévoit que l'agent concerné peut être immédiatement suspendu et cela jusqu'à l'achèvement de la procédure disciplinaire.
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O