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Texte de la QUESTION :
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M. Thierry Mariani appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la législation applicable en matière de financement des partis politiques dans notre pays. Il souhaiterait savoir de façon très précise si la législation en vigueur sur le financement de la vie politique permet à la « maison des élus » de la commune d'Orange (84100), de mettre à disposition de façon permanente, et semble-t-il exclusive, des locaux et un numéro de téléphone au bénéfice d'un parti politique, en l'occurrence le Front national. En effet, de récents tracts, distribués à Valréas (84600), soit à environ 35 kilomètres d'Orange, font mention d'un numéro de téléphone (04-90-34-91-30) qui n'est autre que celui de la « maison des élus » de la municipalité d'Orange, auquel il est possible de contacter la « section de l'enclave » du Front national, c'est-à-dire en fait la section de Valréas. Aussi, face à cette situation, il demande, d'une part, de bien vouloir lui communiquer la législation en vigueur régissant ces questions, et de lui faire connaître, d'autre part, les actions qu'il entend conduire pour faire cesser ces procédés s'ils s'avéraient être illégaux et s'il s'avérait que le fonctionnement du Front national dans le Haut-Vaucluse soit financé par les contribuables orangeois, non seulement pour Orange, mais aussi pour les communes environnantes.
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Texte de la REPONSE :
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Les questions soulevées par l'honorable parlementaire imposent de prendre en considération deux séries de dispositions : d'une part, celles du code général des collectivités territoriales relatives au fonctionnement des groupes d'élus et à la mise à disposition de locaux communaux, d'autre part, celles relatives au financement de la vie politique. L'article L. 2121-27 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 27 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République prévoit que « dans les communes de plus de 3 500 habitants, les conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale qui en font la demande peuvent disposer sans frais du prêt d'un local commun », dans les conditions prévues par l'article R. 318-1 du code des communes. Ce dernier article énonce notamment que, dans les communes de 10 000 habitants et plus, les conseillers concernés peuvent, à leur demande, disposer d'un local administratif permanent, alors que la mise à disposition d'un local peut n'être que temporaire et limitée à quatre heures hebdomadaires dans les communes de 3 500 à 10 000 habitants. La mise à disposition de ce local est destinée à permettre aux conseillers minoritaires de préparer les réunions du conseil municipal et de délibérer entre eux des différentes questions intéressant la commune dans des conditions propres à faciliter l'exercice de leur mandat électif dans le respect de la démocratie communale ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (AN 1re lecture, séance du 27 mars 1991, JO, p. 468). Le cas des conseillers appartenant à la majorité municipale n'a pas été expressément traité, dans la mesure où il est permis de penser que les maires réservent spontanément quelque facilité aux élus qui les soutiennent pour exercer leur mandat. Par ailleurs, l'article L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales dispose que « des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande. Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public. Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation ». Cette disposition a permis de donner une valeur législative à un principe jurisprudentiel, défini par le Conseil d'Etat dans sa décision du 30 septembre 1942 (Sieur Guillou - Lebon, p. 265), selon lequel « il appartient à une commune de mettre, dans la mesure compatible avec l'intérêt général et l'exécution des services publics, les salles de la mairie à la disposition des groupements qui en font la demande », les décisions prises par le maire à ce sujet relevant « des pouvoirs dont il est investi comme administrateur des biens de la commune ». Il appartient toutefois au conseil municipal, en vertu de la loi, de fixer « en tant que de besoin » le montant de la location des salles communales. Ces dispositions doivent être rapprochées de celles relatives au financement des partis politiques, fixées par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique. L'article 11-4 de cette loi, modifié en dernier lieu par la loi n° 95-65 du 11 janvier 1995, prohibe le financement des partis ou groupements politiques par les personnes morales, tant privées que publiques. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mise à disposition de locaux municipaux au bénéfice d'un parti ou groupement politique n'est pas prohibée par le législateur, dès lors qu'elle s'effectue selon les modalités fixées par le code général des collectivités territoriales. Le Conseil d'Etat a rappelé ce principe dans une décision du 15 mars 1996 Cavin, qui, bien que fondée sur l'état de la législation antérieure à la loi du 6 février 1992, impose de fonder le refus d'une mise à disposition de locaux municipaux à un parti politique soit sur les nécessités de l'administration des propriétés communales, soit sur celles du maintien de l'ordre public. En revanche, depuis l'intervention de la loi du 19 janvier 1995, la mise à disposition de locaux municipaux à des partis ou groupements politiques soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1988 modifiée ne peut être accordée qu'à titre onéreux. Dans le cas évoqué par l'honorable parlementaire, l'affectation des locaux sis 2 et 2 bis, rue Antony-Real à Orange, répondait bien initialement au souci du législateur de mettre un local à disposition des élus de l'opposition municipale. Cette situation a évolué depuis 1995 sans qu'on puisse affirmer qu'aucun élu de l'opposition municipale n'utilise les locaux en cause. Il semble que la majorité municipale dispose des locaux du 2 bis et que le 2 reste à disposition d'élus de l'opposition, ce qui ne signifie pas qu'ils l'occupent en permanence. En ce qui concerne les conditions financières de la mise à disposition des locaux concernés par la commune d'Orange au bénéfice du Front national, il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, lors de l'examen des comptes consolidés de la formation mise en cause, de déterminer si les dispositions de la loi du 11 mars 1988 modifiée ont été méconnues. La formation politique est alors passible de sanctions prévues aux articles 11-6 à 11-8 de ladite loi.
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