FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2490  de  M.   Rigal Jean ( Radical, Citoyen et Vert - Aveyron ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  01/09/1997  page :  2757
Réponse publiée au JO le :  13/10/1997  page :  3445
Rubrique :  élections et référendums
Tête d'analyse :  réglementation
Analyse :  bulletins blancs. comptabilisation
Texte de la QUESTION : M. Jean Rigal appelle tout particulièrement l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le vote « blanc » lors des élections et référendums. Aux termes de l'article L. 66 du code électoral, les bulletins blancs ne sont pas comptabilisés parmi le suffrages exprimés ; ils sont totalisés avec les bulletins nuls. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer sa position quant à la reconnaissance du vote « blanc » en tant que suffrage exprimé.
Texte de la REPONSE : La règle selon laquelle les bulletins blancs ne sont pas comptés parmi les suffrages exprimés est traditionnelle dans notre droit électoral. Elle a été pour la première fois codifiée dans l'article 30 du décret réglementaire du 2 février 1852 ; elle a été reprise dans l'article 9 de la loi du 29 juillet 1913, lequel est devenu par la suite l'article L. 66 du code électoral. Il convient tout d'abord d'établir nettement la signification qu'on doit accorder aux bulletins blancs. La personne qui prend soin de confectionner elle-même, et à l'avance (puisqu'il n'est pas mis à la disposition de l'électeur dans la salle de vote), son bulletin blanc pour l'insérer ensuite dans l'enveloppe de scrutin manifeste le scrupule d'accomplir exactement son devoir électoral en même temps que le souci de n'avantager aucun des candidats ou aucune des listes en présence. Qu'en serait-il de cette volonté de neutralité si les bulletins blancs étaient comptabilisés parmi les suffrages exprimés ? 1. Pour les élections à la représentation proportionnelle : dans ce type de scrutin, les sièges sont attribués à des listes, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues. Les bulletins blancs ne peuvent, par hypothèse, entraîner l'attribution de sièges au profit d'une liste qui n'existe pas. Que ces bulletins soient comptabilités ou non parmi les suffrages exprimés ne modifie en rien la répartition mathématique des sièges entre les listes en présence. La réforme suggérée n'aurait d'autre effet que de compliquer inutilement les opérations de dépouillement, puisqu'il devrait être prévu une totalisation spéciale pour les bulletins « blancs », celle-ci n'existant pas à l'heure actuelle, puisque les bulletins « blancs » sont comptés avec les « nuls ». 2. Pour les élections au scrutin majoritaire à deux tours : le décompte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés aurait pour effet premier d'élever le chiffre de la majorité absolue. L'élection d'un candidat ou d'une liste au premier tour serait ainsi rendue plus difficile, ce qui augmenterait le nombre de cas où il faudrait procéder à un second tour. Le résultat final ne pourrait cependant guère avoir de chance d'être modifié à l'issue du second tour si un candidat ou une liste a obtenu au premier tour plus de voix que tous ses adversaires réunis. Il n'en reste pas moins que les votes blancs auraient joué au détriment du candidat ou de la liste arrivés en tête, et au détriment d'eux seuls. A la limite, on peut d'ailleurs se trouver dans une « impasse » juridique, dans l'hypothèse où le total des bulletins blancs représenterait la majorité absolue des suffrages au premier tour ou leur majorité relative au second. Aucun candidat ne pourrait en effet alors être proclamé élu, si bien qu'on ne pourrait que constater la vacance du ou des sièges à pourvoir, avec la persperctive d'une élection partielle pour la combler. 3. Pour l'élection du Président de la République : l'article 7 de la Constitution prévoit que « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Dans le régime actuel, si cette condition n'est pas réalisée au premier tour, elle l'est nécessairement au second, puisque ne peuvent alors se présenter que « les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour » On conçoit aisément que, si les bulletins blancs entrent dans le décompte des suffrages exprimés, donc dans le calcul de la majorité absolue, ils joueront automatiquement au premier tour à l'encontre du candidat arrivé en tête, son élection étant ainsi rendue plus difficile. Mais, résultat plus grave, il peut très bien se faire qu'au second tour aucun des candidats n'obtienne la majorité absolue, surtout si les deux adversaires ne sont séparés que par un nombre de voix réduit. 4. Pour les référendums : en cas de référendum, un projet est adopté à la majorité des suffrages exprimés. Le projet ne pourra donc être adopté que si le nombre des bulletins « oui » est supérieur au nombre des bulletins « non » et blancs réunis. Le projet pourrait même être rejeté si aucun électeur n'avait voté « non », dès lors que les votes « blancs » l'emporteraient sur les votes « oui ». Pour les référendums, le paradoxe est donc complet : voter blanc reviendrait à voter « non ». Ainsi, comptabiliser les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés serait sans effet pratique pour les élections à la représentation proportionnelle. Dans tous les autres scrutins, en revanche, une telle réforme irait à l'encontre de la volonté de neutralité manifestée par les électeurs qui auraient déposé un bulletin blanc dans l'urne et, dans certains cas, on pourrait même se trouver dans une situation sans issue. L'auteur de la question comprendra, dans ces conditions, que le Gouvernement ne saurait cautionner une proposition qui tendrait à inclure les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés.
RCV 11 REP_PUB Midi-Pyrénées O