FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2800  de  M.   Jacquat Denis ( Union pour la démocratie française - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  culture et communication, porte-parole du gouvernement
Ministère attributaire :  culture et communication, porte-parole du gouvernement
Question publiée au JO le :  08/09/1997  page :  2821
Réponse publiée au JO le :  24/11/1997  page :  4191
Rubrique :  culture
Tête d'analyse :  langues et cultures régionales
Analyse :  statut. Alsace-Moselle
Texte de la QUESTION : M. Denis Jacquat appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement, sur le souhait de l'association culture et bilinguisme d'Alsace-Moselle, que soit donné un statut juridique à la langue régionale d'Alsace-Moselle afin que celle-ci bénéficie d'une place officielle dans la sphère publique. Il la remercie de bien vouloir lui faire connaître ses intentions en la matière.
Texte de la REPONSE : Comme les autres langues régionales, les langues d'Alsace-Moselle bénéficient dans le droit français d'un statut qui leur reconnaît une place dans la sphère publique. Elles sont mentionnées dans de nombreux textes relatifs à l'enseignement, les activités culturelles ou les médias. Ainsi la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 portant sur l'enseignement des langues et dialectes locaux, dite « Deixonne », a ouvert la possibilité de favoriser leur étude dans les régions où ils sont en usage, sur la base du volontariat, à tous les niveaux de l'enseignement. Elle a été complétée par plusieurs circulaires d'application (la dernière date de 1995). La loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 a confirmé la préoccupation d'assurer aux langues régionales leur place dans la formation dispensée par le système éducatif. Son article 1er dispose que « Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur [...] dispensent une formation adaptée dans ses contenus et ses méthodes aux évolutions économiques, sociales et culturelles du pays et de son environnement européen et international. Cette formation peut comprendre un enseignement, à tous les niveaux, de langues et cultures régionales ». Au baccalauréat les langues régionales peuvent selon les sections être présentées au titre de l'épreuve obligatoire de langue vivante 2 ou 3 ou d'une épreuve optionnelle facultative. L'article 11 de la loi du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française dispose que « la langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers ». S'agissant des médias, les quotidiens et revues en langue régionale peuvent obtenir un numéro d'agrément auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse afin de bénéficier de tarifs postaux préférentiels et d'avantages fiscaux. Cette aide, qui bénéficie d'une enveloppe financière importante, est l'instrument principal de la politique générale de soutien public au pluralisme et à la promotion de la diversité culturelle et linguistique dans la presse. Les langues régionales figurent dans les cahiers des charges et missions des télévisions et radios publiques : le cahier des charges de France 3 précise en son article 16 que « la société contribue à l'expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain » ; celui de Radio France dispose que la société « veille à ce que les stations locales contribuent à l'expression des langues régionales » (article 6). Il en est de même dans les autres activités culturelles. Par exemple, le décret du 16 juin 1959 modifié relatif au soutien financier de l'Etat à l'industrie cinématographique dispose que les aides sont accordées aux oeuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France ; les directions régionales des affaires culturelles veillent à promouvoir les spectacles et manifestations de qualité consacrés aux cultures et langues régionales pour lesquelles elles sont sollicitées. En outre, un effort particulier a été engagé depuis plusieurs années en faveur de la diffusion de la chanson d'expression française sur les radios privées et publiques, sous la forme de quotas. La notion de chansons d'expression française recouvre toute chanson interprétée en français ou dans une langue régionale, comme le rappelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa lettre n° 88 de janvier 1997, qui rend compte du bilan positif de ces dispositions. La seule limite au statut des langues régionales dans la sphère publique découle de l'article 2 de la Constitution (« la langue de la République est le français »), qui a entériné une tradition multiséculaire : seule la langue française peut être utilisée devant les tribunaux pénaux, civils et administratifs, et dans les relations avec les autorités administratives et les services publics. Cet usage du français, langue de la cohésion nationale et du lien social, dont l'apprentissage gratuit est assuré pour tous, constitue une garantie pour l'égalité d'accès des citoyens à la justice et aux services publics, ainsi que pour le recrutement et les carrières dans les fonctions publiques. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 1996 sur la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, a interprété l'article 2 de la Constitution comme imposant en France l'usage du français aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics. De même, dans son avis du 24 septembre 1996, le Conseil d'Etat, consulté sur l'éventuelle signature par la France de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, adoptée en 1992 par le Conseil de l'Europe, observe que les dispositions figurant dans le droit français pour favoriser la présence des langues régionales dans la vie publique leur assurent déjà dans ces domaines un statut conforme aux principes énoncés par la Charte ; cependant, celle-ci prévoit un véritable droit à l'utilisation de langues régionales ou minoritaires dans les rapports avec la justice et les autorités administratives, qui serait contraire à l'article 2 de la Constitution française. Le Gouvernement, qui est très attaché à la préservation des cultures et langues régionales, veille à ce que l'ensemble des textes et des mesures pris en leur faveur soient respectés et améliorés si cela se révèle nécessaire, afin qu'ils jouent pleinement leur rôle dans le respect de la Constitution. A Strasbourg, lors du sommet du Conseil de l'Europe, le 11 octobre dernier, le Premier ministre a évoqué les actions menées par cette organisation en matière culturelle et linguistique. Il a rappelé que l'affirmation de l'identité de l'Europe était fondée notamment sur le développement du patrimoine linguistique et culturel, et qu'à ce titre une attention toute particulière devait être portée aux langues et cultures régionales. A cette fin, il a annoncé qu'il confierait à Mme Nicole Pery, député des Pyrénées-Atlantiques, une mission destinée à faire un bilan complet de la politique menée en ce domaine et à tracer de nouvelles perspectives.
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