FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 29105  de  M.   Lemoine Jean-Claude ( Rassemblement pour la République - Manche ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  26/04/1999  page :  2462
Réponse publiée au JO le :  12/07/1999  page :  4336
Rubrique :  famille
Tête d'analyse :  divorce
Analyse :  prestation compensatoire. réforme
Texte de la QUESTION : M. Jean-Claude Lemoine attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de la loi du 11 juillet 1975, instituant une prestation compensatoire en cas de divorce. Initialement, l'objectif poursuivi était de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ainsi que le mentionne l'article 270 du code civil. Mais ce souci louable de maintenir le niveau de vie de celui des deux ex-époux dont le salaire est le plus faible, ou qui ne travaille pas, a rapidement montré ses limites. Acquittée sous la forme d'une rente mensuelle dont le montant est fixé par le juge aux affaires familiales sans référence à une grille financière nationale, ce qui éviterait les disparités entre juridictions, la prestation compensatoire est calculée le plus souvent à une période où le débiteur exerce une activité, ce qui le pénalise à terme lorsqu'il prend sa retraite. De plus, cette prestation est indexée sur l'évolution du coût de la vie et peut ainsi atteindre, après plusieurs années, des montants considérables sans rapport avec les moyens du débirentier, surtout s'il s'agit d'une prestation transmissible aux héritiers, et dont le versement doit être poursuivi alors que l'ex-conjoint a contracté un nouveau mariage ou vit en concubinage. Certes, il existe une procédure de révision de la prestation compensatoire. Mais les dispositions de l'article 273 du code civil prévoyant que la prestation ne peut être révisée que lorsque l'absence de révision aurait pour « l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité » sont interprétées restrictivement par les tribunaux et la révision n'est pratiquement jamais accordée. Ainsi, ni le chômage, ni la maladie, ni les accidents et handicaps, tels que la paraplégie ne sont considérés comme étant d'une exceptionnelle gravité. Enfin il n'a été retenu que les disparités de revenus au moment du divorce sans qu'il soit envisagé une possibilité de renversement de la situation. Face au constat dramatique et inique devant lequel se trouvent nombre de débirentiers avec l'application des dispositions de la loi du 11 juillet 1975 instituant la prestation compensatoire, il est indispensable qu'une modification profonde de ces dispositions intervienne rapidement. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Texte de la REPONSE : la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'un certain aménagement des conditions de mise en oeuvre de la prestation compensatoire et notamment de sa révision et de sa transmissibilité aux héritiers du débiteur, actuellement posées par la loi, paraît s'imposer eu égard au contexte socio-économique, sans qu'il y ait lieu cependant de revenir à un régime comparable à celui des pensions alimentaires préexistant à la réforme de 1975, dont les inconvénients ont été unanimement dénoncés. Lors de la discussion au Sénat des deux propositions de loi de MM. About et Pagès relatives à la prestation compensatoire, le 25 février 1998, le Gouvernement a déposé différents amendements en ce sens qui n'ont pas été adoptés par la Haute Assemblée. Les réflexions engagées à la chancellerie sur ce sujet se poursuivent au sein du groupe de travail pluridisciplinaire qui a été installé le 31 août 1998,, sous la présidence de Mme le professeur Dekeuwer-Defossez, et chargé de présenter les propositions de réforme du droit de la famille pour la fin du deuxième trimestre 1999. Il apparaît souhaitable d'attendre les conclusions de ce groupe pour engager la réforme du dispositif en vigueur. C'est en effet dans le cadre d'une étude globale de l'ensemble des questions liées au divorce et à ses conséquences pécuniaires que doit être recherchée une solution tendant à remédier aux difficultés posées par la législation en vigueur relative à la prestation compensatoire. Outre les questions de la transmission de la rente, seront abordés celle de sa durée ainsi que les moyens de faciliter le versement en capital de la prestation compensatoire. Toutefois, il semble difficile de systématiser la suppression de plein droit de la prestation compensatoire en cas de remariage de son bénéficiaire. Une telle solution méconnaîtrait en effet le pouvoir d'appréciation du juge en fonction des circonstances de l'espèce. De plus, la prestation compensatoire est une indemnité forfaitaire versée pour compenser, dans la mesure du possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des conjoints. En instituant cette prestation, le législateur a voulu que les effets pécuniaires du divorce soient réglés une fois pour toutes lors du prononcé de celui-ci. Pour cette raison, la prestation doit en principe être versée en capital et ce n'est qu'à titre subsidiaire, lorsque l'allocation d'un capital n'est pas possible, qu'une rente peut être attribuée. Dès lors, il serait peu justifié que la rente cesse d'être versée de façon automatique en cas de remariage de son créancier. De même, il paraît difficile de rendre la prestation dans tous les cas intransmissible aux héritiers du débiteur alors que le créancier est le plus souvent une femme qui s'est consacrée pendant de longues années à l'éducation des enfants et qui, au moment de la séparation, peut ne pas être en mesure de retrouver du travail et d'assurer son autonomie financière.
RPR 11 REP_PUB Basse-Normandie O