Texte de la QUESTION :
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M. Léonce Deprez attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le nécessaire éclaircissement des règles de recours à la sous-traitance. En effet, la multiplication des procès-verbaux dressés par l'administration du travail à l'encontre d'entreprises donneurs d'ordre, et portant sur la requalification de contrats de sous-traitance en contrats de travail, est susceptible de conduire à une inflation de mises en examen dans les prochains mois, comme l'indique l'UFEX (Union française de l'express). Si la sous-traitance est parfaitement légale, elle peut dériver en faux travail indépendant ou prêt de main-d'oeuvre illicite. Il lui demande si la loi ne devrait pas mieux définir avec netteté la frontière entre la sous-traitance et le prêt de main-d'oeuvre comme le suggère le défenseur de la société Moulinex poursuivie pour prêt de main-d'oeuvre illicite et marchandage devant le tribunal correctionnel de Caen en début d'année.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire appelle l'attention de Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le nécessaire éclaircissement des règles de recours à la sous-traitance et sur la nécessité d'une définition plus nette de la frontière entre sous-traitance et prêt de main-d'oeuvre. La sous-traitance consiste pour une entreprise donneur à transférer une partie de sa fabrication à une autre entreprise dénommée sous-traitante. Cette opération qui constitue dans son principe une activité légale donne lieu à l'établissement d'un contrat commercial. Le contrat doit avoir pour objet l'exécution d'une tâche nettement définie que le donneur d'ordre ne veut ou ne peut pas accomplir lui-même avec son personnel, pour des raisons d'opportunité économique ou de spécificité technique. la rémunération du sous-traitant doit être fixée au départ forfaitairement en fonction de l'importance objective des travaux à réaliser sans tenir compte du nombre de salariés utilisés et du nombre d'heures qui seront effectuées, le risque de l'opération devant être assuré par le sous-traitant. Le sous-traitant doit être le seul employeur du personnel utilisé, géré et rémunéré par lui, qu'il encadre et dirige dans l'accomplissement de sa tâche et qui demeure soumis à sa seule autorité : le personnel du sous-traitant ne doit pas être intégré de fait chez le donneur d'ordre, en jouissant notamment des mêmes conditions de travail que les salariés de ce dernier. Enfin, même s'il est admis, dans certains cas, la possibilité pour le personnel du sous-traitant d'employer le matériel de l'entreprise utilisatrice, les matériels nécessaires à l'exécution des travaux doivent être fournis par le sous-traitant à ses salariés. Ces différents critères ont été dégagés par la jurisprudence étant précisé que toute opération de sous-traitance se définit comme un prêt de main-d'oeuvre accompagné d'une prestation de services effective. Le prêt de main-d'oeuvre consiste, pour une entreprise, à mettre tel ou tel de ses salariés à la disposition d'une autre entreprise, pour une durée déterminée. Cette mise à disposition de personnel, lorsqu'elle constitue l'objet exclusif du contrat entre deux entreprises (c'est-à-dire lorsqu'elle ne s'accompagne pas, contrairement à la sous-traitance d'une prestation de services), peut être réalisée soit dans un but lucratif, sous certaines conditions prévues par la loi, soit dans un but non lucratif, auquel cas les entreprises peuvent y recourir librement. Sont considérées comme réalisées à titre non lucratif les mises à dispositions pour lesquelles l'entreprise se fait rembourser à prix constant par l'entreprise d'accueil les seules rémunérations et charges sociales correspondant à l'emploi des personnes détachées. Aux termes de la jurisprudence, la facturation et la perception par l'entreprise d'origine de frais de gestion modérés et justifiés ne présentent pas un motif valable de requalification du prêt de main-d'oeuvre qui demeure à but non lucratif. En ce qui concerne les opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre, et par lequel le prestataire facture à son client une prestation dont le montant est supérieur au coût de la main-d'oeuvre mise à disposition, l'article L. 125-3 du code du travail précise qu'elles ne peuvent s'opérer que dans le seul cadre du travail temporaire, avec les garanties qu'impose la loi. En dehors de ce cas, ce type d'opération est illicite. Par ailleurs, toute forme de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, effectué à titre exclusif ou non exclusif (c'est-à-dire que le prêt de main-d'oeuvre s'intègre dans une prestation plus large telle qu'une opération de sous-traitance et n'est donc pas l'objet exclusif du contrat entre les deux entreprises) est soumise aux dispositions de l'article L. 125-1 du code du travail. En vertu de cet article, est constitutif du délit de marchandage toute opération de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif qui a pour effet de causer un préjudice aux salariés détachés ou d'éluder l'application à leur égard de textes légaux, réglementaires ou conventionnels en vigueur dans l'entreprise utilisatrice. Les objets de la sous-traitance et du prêt de main-d'oeuvre sont donc différents par nature. Pour autant des confusions peuvent intervenir lorsque la réalisation d'un contrat de sous-traitance est effectuée dans les locaux de l'entreprise donneur d'ordre ou lorsqu'une opération de prêt de main-d'oeuvre est présentée sous la forme d'un contrat de sous-traitance notamment en vue de se soustraire aux contraintes ou de contourner les interdictions imposées par la loi. La diversité des situations de sous-traitance et la multiplicité des critères retenus par la Cours de cassation au fil d'une jurisprudence fournie construite sur les cas d'espèce qui lui sont soumis rendraient inopérante une définition légale par nature trop générale de la sous-traitance. Quant au prêt de main-d'oeuvre, les articles L. 125-1 et L. 125-3 précités sont suffisamment explicites sur la licéité des opérations de fourniture de main-d'oeuvre. C'est pourquoi la loi laisse au juge le soin d'apprécier ce qui relève de la vraie ou de la fausse sous-traitance. Enfin, il n'est pas dans les intentions du gouvernement de réglementer la fausse sous-traitance dès lors que l'arsenal répressif existe pour sanctionner tant le prêt de main-d'oeuvre illicite que le marchandage. Les sanctions pénales encourues par les personnes physiques reconnues coupables sont fixées à l'article L. 152-3 du code du travail. Si la loi ne précise pas quelles sont les personnes punissables, la Cour de cassation a estimé que le concontractant du prestataire engage lui aussi sa responsabilité en tant que coauteur de l'infraction. La volonté des tribunaux de sanctionner tous les participants à l'opération incriminée est donc manifeste. Par ailleurs, l'article L. 152-3-1 du code du travail fixe les peines encourues par les personnes morales. Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 121-2 du code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales n'est pas exclusive de celle des personnes physiques qui la dirigent dès lors qu'elles sont reconnues comme auteurs ou complices des mêmes faits et que l'infraction a été commise, pour le compte de la personne morale, par ses organes ou représentants.
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