FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 31775  de  M.   de Chazeaux Olivier ( Rassemblement pour la République - Hauts-de-Seine ) QE
Ministère interrogé :  santé et action sociale
Ministère attributaire :  santé et handicapés
Question publiée au JO le :  21/06/1999  page :  3763
Réponse publiée au JO le :  09/10/2000  page :  5811
Rubrique :  pharmacie et médicaments
Tête d'analyse :  médicaments
Analyse :  importations. politiques communautaires
Texte de la QUESTION : M. Olivier de Chazeaux appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur les conditions d'importation personnelle des produits pharmaceutiques. Les principes fondamentaux de droit communautaire garantissant en effet aux patients le droit d'importer des produits pharmaceutiques pour leur usage personnel. Les liens de plus en plus étroits entre les Etats membres de l'Union européenne et la libre circulation des produits rendront de plus en plus fréquentes de telles importations. L'article R. 5142-13 du code de la santé publique reconnaît aux particuliers le droit d'importer des médicaments sans autorisation de mise sur le marché à condition qu'ils les transportent personnellement, mais paraît imposer de lourdes démarches administratives si le transport est effectué par une autre voie. Ces démarches risquent de rendre impossible en pratique l'importation de médicaments par d'autres voies que le transport personnel. Ceci semble incompatible avec l'article 18 du traité instituant la Communauté européenne (art. 30 du traité de Rome), et risque d'aller à l'encontre des obligations communautaires de la France. En outre, l'article R. 5142-15, dans la mesure où il s'applique également aux importations personnelles, crée un autre obstacle à l'importation de produits pharmaceutiques par un particulier en exigeant que soit remis aux autorités de douane une copie certifiée conforme de l'autorisation de mise sur le marché. Cette formalité administrative serai très lourde pour un particulier. Il lui demande d'indiquer si l'administration interprète l'article R. 5142-13 du code de la santé publique comme interdisant l'importation par un patient, autre que le transport personnel, de médicaments à usage personnel sans formalité administrative préalable ni copie certifiée conforme de l'autorisation de mise sur le marché ? Dans la négative, quelles modifications de l'article R. 5142-13 du code de la santé publique l'administration envisagerait-elle afin de mettre la réglementation française en conformité avec les obligations communautaires de la France ?
Texte de la REPONSE : Si l'un des principaux objectifs de la construction européenne est d'instaurer la liberté de circulation des marchandises entre les Etats membres, les dispositions communautaires n'instaurent une libre circulation des médicaments que dans la mesure où ces produits répondent à certaines exigences de qualité et de sécurité pour le patient : du fait de leur spécificité et des enjeux de santé publique, les médicaments ne sauraient être purement et simplement bénéficiaires des règles relatives à la libre circulation des produits. Ainsi, le premier considérant de la directive 65/65/CEE du conseil du 26 janvier modifiée, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques dispose que « toute réglementation en matière de production et de distribution de spécialités pharmaceutiques doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique ». L'article 3 de cette même directive prévoit donc qu'aucun médicament ne peut être mis sur le marché d'un Etat membre sans qu'une autorisation de mise sur le marché (AMM) n'ait été délivrée par l'autorité compétente de cet Etat membre - en France, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé - ou par la Communauté européenne dans le cas des AMM centralisées. En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), « parmi les biens ou intérêts protégés par l'article (30) du traité, la santé et la vie des personnes occupent le premier rang et il appartient aux Etats membres, dans les limites imposées par le traité, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection et, en particulier, du degré de sévérité des contrôles à effectuer ». En ce sens, les dispositions nationales relatives à l'importation des médicaments (articles L. 5124-13, R. 5142-12 à R. 5142-15 du code de la santé publique) sont conformes à la réglementation communautaire : les médicaments, pas plus qu'ils ne peuvent être mis sur le marché sans AMM, ne peuvent être importés sans autorisation préalable. S'agissant des médicaments importés par les particuliers pour leur propre usage par une autre voie que le transport personnel et dans des quantités n'excédant pas trois mois aux conditions normales d'emploi ou pendant la durée de traitement prévue par l'ordonnance, leur importation est ainsi contrôlée, qu'elle s'effectue à partir d'un autre Etat membre ou d'un pays tiers et que ces médicaments bénéficient ou non d'autorisations dans ledit Etat de provenance. Une telle procédure, à l'instar de celle qui existe dans d'autres Etats membres, est justifiée au regard de l'article 30 du traité, à condition de ne pas être disproportionnée au regard du but recherché et que la sauvegarde de l'intérêt de la santé publique ne puisse être satisfaite par des moyens moins contraignants. Ainsi, dans un arrêt C-62-90, Commission contre République Fédérale d'Allemagne du 8 avril 1992, si la Cour a jugé comme étant contraire à l'article 28 et non justifié par l'article 30 le fait d'interdire purement et simplement, sauf rares exceptions, l'importation par un particulier pour ses besoins personnels de médicaments qui, délivrés uniquement sur ordonnance dans l'Etat membre d'importation, ont été prescrits par un médecin et achetés en pharmacie dans un autre Etat membre, elle a en revanche estimé qu'un « Etat membre peut contrôler, au nom de la protection de la santé publique, l'importation de médicaments délivrés uniquement sur ordonnance dans l'Etat membre d'importation » (attendu 24). La CJCE n'exige donc pas que l'importation de médicaments par les particuliers pour leurs besoins personnels soit libre dès lors que ces médicaments ont été régulièrement prescrits et délivrés dans un autre Etat membre. Le régime du contrôle de l'importation de médicaments par les particuliers qui découle de l'article R. 5142-13 du code de la santé publique n'impose cependant pas de lourdes démarches administratives. Il ne constitue nullement une interdiction d'importation opposée aux particuliers. Au terme de cet article, ou bien l'importation par les particuliers n'est soumise à aucune formalité lorsque le médicament est transporté personnellement dans des quantités compatibles avec un usage thérapeutique personnel n'excédant pas trois mois ou la durée de traitement prévue par l'ordonnance, ou bien elle nécessite une autorisation d'importation délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé lorsqu'elle est faite par une autre voie. Dans ce dernier cas, il n'y a pas lieu en principe de distinguer selon que le médicament a ou non une AMM en France. Par ailleurs, les particuliers ne sont jamais tenus de fournir une copie certifiée conforme, telle que mentionnée à l'article R. 5142-15 du code, de l'AMM dont bénéficie le cas échéant en France la spécialité dont l'importation est envisagée. A cet égard, les précisions suivantes peuvent être apportées : dans la pratique, les services de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sont très peu sollicités s'agissant de la délivrance d'autorisations d'importation pour des médicaments en provenance d'autres Etats membres, plus de 99 % des dossiers traités concernant en effet les importations depuis des pays tiers. En second lieu, si pour certains produits faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'importation l'Agence procède, au cas par cas, à des vérifications en interrogeant notamment les autorités sanitaires de l'Etat de provenance, les éléments requis et au vu desquels l'autorisation d'importation sera délivrée sont toujours proportionnels aux objectifs de protection de la santé publique poursuivis. Ainsi, l'autorisation d'importation n'est pas exigée lorsque le médicament importé, autorisé dans le pays de provenance, n'est soumis en France, où il existe des spécialités similaires, à aucune condition particulière de prescription. En tout état de cause, un tel contrôle étant pleinement justifié par la sauvegarde de la santé publique, il n'y a pas lieu de modifier l'article R. 5142-13 du code. En effet, il existe des trafics internationaux de médicaments via le réseau Internet, qui permettent d'acquérir sur de nombreux serveurs de volumineuses quantités de médicaments dont la prescription est en France soumise à une réglementation très sévère. Il est en outre possible de découvrir, toujours via Internet, de nombreuses sociétés de vente par correspondance. Les autorités sanitaires ne pouvant laisser se développer au détriment de la santé de la population de tels trafics, il est nécessaire de contrôler l'entrée en France des colis de médicaments ainsi commandés, qui plus est illégalement, la vente de médicaments par correspondance étant strictement interdite. Il s'agit également de lutter contre une revente de ces produits échappant à tout contrôle et enfreignant la réglementation pharmaceutique.
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O