|
Texte de la QUESTION :
|
La fonction publique occupe dans les départements d'outre-mer, en général, et en Guadeloupe en particulier, une place extrêmement importante tant du point de vue quantitatif qu'en raison de son attractivité. Pléthorique, elle l'est puisque, entre 1961 et 1982, l'effectif de cette tranche de la population active en Guadeloupe a été multiplié par 4. De 1969 à 1982, le taux de progression des agents des collectivités locales (communes, département) est de 15,1 %, alors que pour la France hexagonale, pour la même période, ce taux est de 5,4 %. L'analyse du statut des agents publics des collectivités locales outre-mer révèle une très forte représentation des agents non titulaires même après la mise en place des lois de décentralisation et notamment celles cadrant la fonction publique territoriale, en l'occurrence, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, complétée et modifiée par les lois n° 84-594 du 12 juillet 1984, n° 85-1221 du 22 novembre 1985, n° 87-529 du 13 juillet 1987 et n° 94-1134 du 27 décembre 1994. De 1969 à 1976, au sein des effectifs de l'Etat en Guadeloupe, les non-titulaires ont progressé de 37 %. Pour la même période, dans le nombre des personnels à temps complet de la fonction publique locale, les agents non titulaires ont progressé de 199,7 %. Hormis une étude de 1994 de l'INSEE qui estime le nombre des agents non titulaires sur la totalité des DOM au 30 décembre 1992 à 321 300 individus, nous ne disposons malheureusement pas à ce jour de données chiffrées fines permettant de quantifier cette catégorie d'agents au sein des communes, départements et régions d'outre-mer. Selon le rapport Lise-Tamaya remis au Premier ministre en juillet 1999, le nombre des agents non titulaires (pour l'essentiel de catégorie C), est évalué à environ 30 000 sur l'ensemble des DOM (soit 57 % en Guadeloupe, 69 % en Martinique, 71 % en Guyane, et 75 % à la Réunion), représentant 68 % des personnels employés par les collectivités locales. Sur les 30 000, 65 % d'entre eux ont été embauchés depuis plus de dix ans. Bien que cinq années séparent ces deux analyses, la différence entre ces estimations est stupéfiante ; mais c'est dire toute la difficulté d'estimation du nombre de ce type d'agents. Le gonflement incontestable de cette fonction publique territoriale en Guadeloupe, assortie de la singularité de recrutement de personnels non titulaires, donc en situation de précarité statutaire puisque juridiquement irrégulière, est la manifestation patente du caractère attractif de l'emploi au sein de collectivités publiques. On peut expliquer cette singularité de l'outre-mer tant par des raisons sociologiques (c'est-à-dire sociales et économiques sous-tendues par le contexte du chômage explosif qui règne dans ces départements) que politiques (en raison des engagements des élus locaux pour assurer un emploi sécurisant à moindre coût, à certains administrés en détresse sociale, sans pour autant que le contrôle de légalité s'y oppose) ; le dénominateur commun de ces deux facteurs étant bien entendu une situation de chômage endémique qui plombe les sociétés d'outre-mer marquées par une démographie galopante. S'il s'agit aujourd'hui de respecter la lettre de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, pour les embauches à venir, il est du devoir de l'Etat de jeter les bases nécessaires pour la reconnaissance d'un statut ad hoc à l'avantage de ce type de personnels, sans pour autant que leur intégration vienne grever les budgets des collectivités territoriales outre-mer. Un rapport spécifique de l'inspection générale de l'administration dépendant du ministère de l'intérieur, dont M. Philippe Melchior est l'auteur, remis au Gouvernement en janvier 1995, a avancé une série de propositions passant à la fois par la voie conventionnelle et législative. Depuis lors, exception faite de procédures mises en oeuvre par la préfecture de la Réunion, aucune politique gouvernementale cohérente n'a été préconisée ni par voie de circulaires, ni par voie législative. En tout état de cause, cette dichotomie entre droit positif et faits est source de nombreux conflits sociaux durs et durables, et les revendications d'intégration avec versement des majorations de salaire en plus du paiement des jours de grève ont pu ainsi motiver la longue grève conduite sous l'égide du syndicat UGTG, qui a touché trois mois durant (de juin 1999 à août 1999) les communes des Abymes, de Pointe-à-Pitre et de Baie-Mahault, toutes trois situées en Guadeloupe. Un accord-cadre de fin de conflit et un protocole d'accord spécifique à chaque municipalité ont été signés le 27 août 1999, programmant la mise en place de deux types de commissions de conciliation : les premières commissions, bénéficiant de l'appui des services de l'Etat, seront chargées au niveau communal « d'examiner l'aspect juridique et financier des situations individuelles (...) et tout autre point litigieux relevant de la fonction publique territoriale » ; la seconde catégorie de commission, rayonnant quant à elle sur toute la Guadeloupe et mise en place par le préfet, devra « d'une part dans un délai de trois mois remettre un rapport, et examiner puis régler d'autre part les problèmes de même nature pouvant exister dans les autres communes ». Ces grèves ne sont pas les premières et la paix sociale en Guadeloupe se trouve être sous menace constante, tant que le Gouvernement n'aura pas défini une doctrine claire réaffirmant une application rigoureuse des dispositions de la loi du 26 janvier 1984, assortie d'un contrôle de légalité inspiré de la circulaire « Constantin » prise à la Réunion, de manière à permettre aux agents jusqu'ici non titulaires de bénéficier de garanties collectives par une démarche conventionnelle, sans pour autant que le fonctionnement même des communes, départements et régions d'outre-mer soit compromis par la pesanteur des frais de personnels. L'organisation de la fonction publique relève de la compétence exclusive de l'Etat, et cette mission n'a été que très partiellement remplie pour ce qui concerne les DOM en général et la Guadeloupe en particulier. M. Philippe Chaulet demande donc à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation de lui préciser les mesures qu'il entend engager à court terme pour permettre aux collectivités territoriales d'outre-mer de régulariser dans le long terme la situation de ces agents non titulaires.
|
|
Texte de la REPONSE :
|
L'honorable parlementaire appelle l'attention du Gouvernement sur la situation des agents publics non titulaires employés par les communes des départements d'outre-mer, plus particulièrement dans le département de la Guadeloupe. L'Etat a fait procéder à un état des lieux par une mission de l'inspection générale de l'administration. Le rapport « Melchior », du nom de son principal rédacteur, établit un diagnostic de la situation, rappelé par l'honorable parlementaire. 33 000 agents non titulaires des collectivités locales des DOM ont été recensés en 1994. Depuis cette date, leur nombre connaît une certaine décroissance en raison des efforts de régularisation réalisés par les collectivités employeurs. Pour sa part, l'Etat a prévu plusieurs dérogations successives au principe de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée qui réserve, sauf exceptions limitatives, l'exercice des emplois publics permanents aux fonctionnaires territoriaux. En dernier lieu, le décret n° 98-68 du 2 février 1998 a étendu les possibilités supplémentaires de titularisation en catégorie A d'agents non-titulaires, par voie de liste d'aptitude ou d'examen professionnel selon l'ancienneté, déjà ouvertes pour la catégorie B par le décret n° 93-986 du 4 août 1993. L'article 128 de la loi n° 84-53 prévoit que l'intégration directe dans les catégories C et D des agents non titulaires les moins qualifiés est la seule voie de titularisation retenue, sous condition d'ancienneté et sous réserve que les emplois correspondants soient juridiquement et budgétairement créés par les collectivités locales concernées. Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer a confirmé cette préoccupation gouvernementale à de nombreuses reprises, à l'occasion du débat budgétaire pour 1999 devant le Parlement ou encore du congrès annuel de l'association des maires de France et de chacun de ses déplacements dans les départements d'outre-mer. Prenant acte des diverses initiatives parlementaires sur le sujet et des accords locaux, décrits par l'honorable parlementaire, qui se multiplient dans l'ensemble des DOM entre les maires et les organisations représentatives des agents concernés, le Gouvernement développe une réflexion selon trois principes : assurer la protection légitime des personnels concernés, tenir compte des possibilités financières des collectivités et respecter la légalité.
|