FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 40846  de  M.   Turinay Anicet ( Rassemblement pour la République - Martinique ) QE
Ministère interrogé :  équipement et transports
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  31/01/2000  page :  635
Réponse publiée au JO le :  05/06/2000  page :  3401
Date de signalisat° :  29/05/2000 Date de changement d'attribution :  28/02/2000
Rubrique :  outre-mer
Tête d'analyse :  DOM : Martinique
Analyse :  sécurité publique. risques naturels. évaluation. conséquences. POS
Texte de la QUESTION : M. Anicet Turinay appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la prise en compte des risques naturels dans le cadre de la délivrance des autorisations d'occupation des sols. En effet, le département de la Martinique ne dispose pas de plan de prévention des risques (PPR). Ces plans, adoptés par le préfet après enquête publique et avis des conseils municipaux, ont vocation à délimiter les risques d'inondations, les mouvements de terrains et les séismes et peuvent interdire tous types de construction dans les zones exposées ou prescrire des conditions spéciales dans lesquelles les constructions peuvent être édifiées. Afin de prendre en compte les risques majeurs de ce département (glissements de terrain, chutes de blocs, inondations, aléas cycloniques, effets de site et liquéfaction), la DDE se réfère à l'Atlas des risques naturels établi par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et publié en 1998. Or, il s'avère que les conclusions de cet ouvrage sont assez alarmantes et placent une bonne partie du territoire en zone d'aléas moyens ou forts selon le risque considéré sans qu'il soit tenu compte des dispositions des POS (plan d'occupation des sols) approuvés et rendus publics par les collectivités. Ainsi, de nombreuses personnes se voient systématiquement refuser leur demande d'autorisation d'occupation du sol si leur immeuble se trouve en zone d'aléas forts. Pour les dossiers concernant les zones à risques moyens, seule une étude géotechnique réalisée par un bureau d'étude technique, démontrant la constructibilité de l'édifice envisagé peut conduire à la délivrance d'un avis positif. Il lui demande donc si l'atlas des risques naturels du BRGM a une valeur juridique. S'il peut être assimilé au PPR et, si dans le cadre de la hiérarchie des normes, les POS ne sont pas supérieurs aux conclusions mentionnées dans cet atlas et si, par conséquent, la DDE est fondée à refuser les demandes d'autorisations du sol sur son seul fondement.
Texte de la REPONSE : La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative à la prise en compte des risques naturels dans le cadre de la délivrance des autorisations d'occupation des sols. La connaissance des phénomènes naturels dangereux susceptibles de provoquer des désordres graves sur les vies humaines et les biens matériels est un préalable indispensable à toute action de prévention et d'information des populations. Au moment de la parution de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, les services de l'Etat en Martinique, sous l'autorité du préfet, ont constaté une forte carence en matière de connaissance des risques. C'est pourquoi le préfet avait alors décidé de produire, sous un délai de deux ans, un outil efficace de présentation des aléas naturels majeurs : les atlas communaux des risques naturels. La réalisation de ces atlas a été confiée au bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), et un financement interministériel a été mobilisé à hauteur de 5 millions de francs. Les études ont été menées de 1996 à 1998. Elles ont été validées en fin d'année 1998 et portées à la connaissance des élus et du public dans le courant du premier semestre 1999. Ces atlas communaux d'aléas identifient, commune par commune, les zones exposées aux différents risques naturels en modulant ceux-ci en trois catégories : les aléas forts, moyens et faibles. Chaque atlas comprend une partie générale exposant la nature et les mécanismes des phénomènes naturels dangereux, un recueil de cartes à l'échelle 1/25 000 et un catalogue de recommandations propres à chaque nature d'aléa. Celles-ci portent sur la prévention, la prédiction, les mesures constructives et les dispositions d'urbanisme à mettre en oeuvre. L'atlas n'a pas de valeur réglementaire et il ne peut en aucun cas être assimilé à un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR), dans la mesure où il n'est pas fondé sur les dispositions de la loi n° 95-101 précitée. Toutefois, à partir de la publication des atlas, au premier semestre 1999, l'existence d'un éventuel risque naturel pouvant affecter une parcelle constructible ne pouvait plus être méconnue des acteurs de l'aménagement et de l'urbanisme. Les services de la direction départementale de l'équipement (DDE) ont donc préconisé aux élus de refuser les demandes d'urbanisme situées en zone d'aléa fort, et ils ont assorti leurs propositions d'accord à la production d'une étude particulière permettant de préciser l'aptitude de la parcelle à recevoir une construction en zone d'aléa moyen. Ces dispositions ont été adoptées conformément à l'avis du tribunal administratif de Fort-de-France, consulté par le préfet en application de l'article R. 242 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Elles sont fondées, non sur l'application des atlas, mais sur l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. L'article R. 111-1 du code de l'urbanisme précise bien que plusieurs articles, au nombre desquels on trouve l'article R. 111-2, s'appliquent nonobstant les dispositions spécifiques prévues au plan d'occupation des sols. L'ensemble de ces articles forment ce qu'il est admis d'appeler le règlement national d'urbanisme, accordant une habilitation au pouvoir réglementaire, indépendamment des règles adoptées à travers les plans d'occupation des sols. Cet article est donc applicable, même en l'absence de toute délimitation préfectorale, notamment en l'absence de PPR, et même si des dispositions spécifiques du plan d'occupation des sols lui sont éventuellement contradictoires. C'est ainsi que la présence d'un risque naturel, corroborée par le contenu des atlas communaux des risques, et combinée aux prescriptions des articles précités, aboutit parfois à des propositions de décisions défavorables. Cette disposition est d'ailleurs confirmée par la jurisprudence de la Haute Assemblée qui indique que c'est à la date à laquelle a lieu la délivrance de l'autorisation de construire que doit être appréciée, en fonction des connaissances, quelle qu'en soit leur nature, l'éventualité d'un risque naturel majeur. L'arrêt du Conseil d'Etat du 3 novembre 1989, Sanz-Samena, le confirme. Dans cette affaire, le risque connu par un rapport circonstancié d'un ingénieur subdivisionnaire de l'Etat a engagé la responsabilité de l'administration, dès lors que le préfet n'a pas tenu compte d'un tel rapport. De même, il résulte de l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 octobre 1987, Albout, que le refus d'un permis de construire a été jugé légal par référence à l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, abrogé par le décret n° 95-1085 du 5 octobre 1995. Enfin, dans un arrêt en date du 5 février 1990, SCI Les Terrasses de l'estuaire, le Conseil d'Etat a jugé que la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif est obligatoire lorsqu'un refus de permis de construire serait légal au regard du règlement national d'urbanisme. Par ailleurs, dès le 25 octobre 1999, le directeur départemental de l'équipement a proposé des réunions d'échanges aves les élus sur cette doctrine. Ces réunions sont organisées depuis le mois de mars 2000. S'il apparaît que certains élus en charge de délivrer les actes d'urbanisme admettent difficilement les propositions faites par la DDE, il paraît important de souligner également la responsabilité encourue par les communes et la responsabilité pénale des maires susceptible d'être mise en jeu en cas d'occurrence d'un risque naturel. Ainsi, en application de l'article 121-3 du code pénal, dès lors qu'un avis défavorable aurait été formulé par la DDE au moment de l'instruction d'un dossier de permis de construire ou de certificat d'urbanisme, le caractère intentionnel d'une éventuelle faute pourrait se déduire du fait que le maire disposait d'une proposition d'avis défavorable formulée par l'instructeur de la demande d'autorisation de construire. Enfin, on indiquera que les services de l'Etat en Martinique sont conscients que la couverutre du territoire par les atlas n'est qu'une étape intermédiaire dans le processus de connaissance et de prise en compte des risques naturels. C'est pour cette raison qu'ils ont déjà engagé un important travail de réalisation de PPR multirisques sur une dizaine de communes, dont les communes de Fort-de-France et de Schoelcher, dans l'agglomération foyalaise. Par ailleurs, il est envisagé de réaliser la trentaine de PPR nécessaires pour couvrir l'ensemble du territoire dans un délai de dix ans environ. Ce rythme de production est conditionné notamment par la nécessité d'engager une importante concertation avec les élus et les associations. Seule une adhésion forte de tous les acteurs concernés par les risques, et notamment des élus locaux, permettra de tenir cet objectif. Dès lors, les PPR pourront être annexés aux POS en tant que servitude d'utilité publique, après l'aboutissement d'une enquête publique et d'une consultation des élus, et ils s'imposeront indiscutablement aux demandes d'occupation des sols.
RPR 11 REP_PUB Martinique O