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Texte de la QUESTION :
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M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le Premier ministre sur l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 11 janvier 2000 qui fait prévaloir en définitive une directive sur la Constitution de l'un des Etats membres de l'Union européenne. Dans son arrêt du 11 janvier 2000, la CJCE a déclaré incompatible avec la directive européenne 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976 sur l'égalité des sexes la Constitution allemande qui exclut les femmes des forces armées allemandes, tout en reconnaissant que les Etats membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité intérieure et organiser leurs forces armées. Si l'égalité homme-femme constitue l'un des principes juridiques fondateurs des démocraties européennes, il n'en demeure pas moins que l'histoire allemande très présente dans l'esprit de chacun peut largement expliquer une entorse limitée à ce principe. Cette jurisprudence devrait enfin déciller celles et ceux qui naïvement ou avec une fausse candeur prétendaient contre toute évidence que la construction européenne n'est pas fédérale mais constitue une union d'Etats souverains. La Cour de justice des Communautés européenne s'érige ainsi en Cour suprême et impose de manière totalement prétorienne son diktat aux Etats membres ramenés à de simples unités administratives totalement intégrées et soumises à l'ordre juridique triomphant et autoproclamé de la Cour de Luxembourg, qui n'a plus de limite et règne sans contre-pouvoir. Ce processus conduit inéluctablement à une impasse. Les peuples des Etats membres vont immanquablement rejeter cette construction-carcan, négation même de leur liberté. En conséquence, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour mettre un terme à une dérive mortelle de la construction européenne.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du Gouvernement sur l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes rendu dans l'affaire T. Kreil (affaire C-285/98) le 11 janvier 2000, pour déplorer le fait que cette institution a fait prévaloir une directive sur la Constitution de l'un des Etats membres de l'Union européenne. Dans cette affaire, la Cour a été saisie d'une question préjudicielle posée par le tribunal de Hanovre sur l'interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, notamment son article 2. En effet, alors que les dispositions nationales du droit allemand qui concernent le statut militaire et le règlement sur la carrière militaire, ayant pour base juridique la Loi fondamentale allemande, prévoient que les femmes ne peuvent travailler dans l'armée que sur la base d'un engagement volontaire et uniquement dans les services de santé et dans les formations de musique militaire, l'article 2, paragraphe 1, de la directive prévoit que le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de discrimination fondée sur le sexe. Selon l'article 2, paragraphe 2, de la directive, seules les activités professionnelles dans l'exercice desquelles le sexe constitue une condition déterminante peuvent justifier d'une dérogation. Et l'article 2, paragraphe 3, prévoit que cette directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité. C'est dans ce cadre juridique que la Cour a rendu son arrêt dans l'affaire C-285/98. Elle a alors dit pour droit que : « La directive 76/207/CEE (...) s'oppose à l'application de dispositions nationales, telles que celles du droit allemand, qui excluent d'une manière générale les femmes des emplois militaires comportant l'utilisation d'armes et qui autorisent seulement leur accès aux services de santé et aux formations de musique militaire. » La Cour avait déjà, dans les arrêts antérieurs, reconnu que les dérogations prévues à l'article 2, paragraphe 2, de la directive 76/207 CEE ne peuvent viser que des activités spécifiques. Ainsi le sexe peut constituer une condition déterminante pour des emplois tels que ceux de surveillants et surveillants-chefs de prison (arrêt Commission contre France, affaire 318/86 du 30 juin 1998), pour certaines activités de police exercées dans une situation de troubles intérieurs graves (arrêt Johnston, affaire 222/84 du 15 mai 1986) ou pour le service dans certaines unités combattantes spéciales (arrêt Sirdar, affaire C-273/97 du 26 octobre 1999). Il convient de rappeler, en outre, que la directive 76/207/CEE a pour base juridique l'article 308 du traité CE qui requiert l'unanimité des Etats membres. La disposition n'a donc pu être adoptée que parce que le Gouvernement allemand, ainsi que tous les gouvernements des Etats membres, ont donné leur accord à cette directive. Dans l'affaire citée par l'honorable parlementaire, la Cour de justice a été saisie d'une question émanant d'un juge national. Quant à la décision, elle a été rendue dans le cadre d'une procédure préjudicielle, procédure non contentieuse, qui institue une collaboration entre le juge communautaire et le juge national. Pareille coopération entre les juridictions des Etats membres et le juge communautaire montre bien que l'ordre juridique communautaire est éloigné de celui d'un système fédéral. Il revient néanmoins à la Cour de justice de contrôler le respect du droit par les institutions communautaires et de veiller au respect par les Etats membres de leurs obligations communautaires. Or cette mission ne peut être exercée de façon différente selon la place hiérarchique de la norme en cause dans l'ordre juridique interne. C'est la raison pour laquelle la possibilité d'opposer au droit communautaire une norme de rang constitutionnel a été écartée par une jurisprudence ancienne et constante de la Cour (arrêt Simmenthal rendu par la Cour de justice le 9 mars 1978, affaire 106/77, rec. p. 629).
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