FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 46900  de  M.   Biessy Gilbert ( Communiste - Isère ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  29/05/2000  page :  3214
Réponse publiée au JO le :  11/09/2000  page :  5285
Rubrique :  droits de l'homme et libertés publiques
Tête d'analyse :  défense
Analyse :  formes actuelles d'esclavage. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Gilbert Biessy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur toutes les formes d'esclavage contemporain. Si nous pouvons nous réjouir du vote unanime du Parlement français sur la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité qui intervient un siècle et demi après l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, des preuves nous sont quotidiennement fournies que des formes d'esclavage diverses subsistent toujours envers les faibles dans de nombreux pays, y compris en Europe et en France. Des hommes et des femmes peuvent être amenés à travailler dans des conditions indignes : travail jusqu'à 18 heures par jour pour des salaires dérisoires, avec confiscation des papiers, séquestration, violences de toutes sortes et sans couverture sociale. C'est pourquoi il lui demande les dispositions qu'elle entend prendre pour que tout soit fait pour freiner une recrudescence de l'esclavage sous des formes nouvelles qui sont autant d'atteintes aux droits fondamentaux de l'homme, à sa dignité et à son identité.
Texte de la REPONSE : la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la France dispose d'un arsenal juridique complet permettant de condamner efficacement l'esclavage sous toutes ses formes contemporaines. Ainsi, l'article 212-1 du code pénal réprime la réduction en esclavage au titre des crimes contre l'humanité. En effet, le législateur français a entendu, à l'occasion de l'élaboration du nouveau code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994, réprimer au plus haut degré cette atteinte à une valeur essentielle de la civilisation qui révèle une violation intolérable des droits fondamentaux de la personne humaine. S'agissant plus généralement du phénomène qualifié d'« esclavage moderne », il convient de souligner que les dispositifs juridiques, tant sur le plan civil que sur le plan pénal, protègent les personnes des différentes formes d'exploitation portant atteinte à la dignité humaine. En premier lieu, cette protection joue en faveur des mineurs de seize ans dont l'activité professionnelle est en principe prohibée, tant qu'ils ne sont pas libérés de l'activité scolaire ou très strictement réglementée par la subordination à l'autorisation préalable de l'administration prévue par l'article L. 211-6 du code du travail. Les activités professionnelles des mineurs de seize à dix-huit ans font l'objet d'un régime particulier prévoyant l'interdiction des tâches jugées dangereuses, aux termes des articles R. 234-11 et suivants du code du travail. Le code du travail protège également les salariés de toute forme de discrimination. Enfin, l'article 1780 du code civil prohibe les engagements perpétuels, assimilables à l'asservissement. En second lieu, il convient de souligner que l'efficacité de ces dispositions est assurée par un régime pénal complet, les incriminations prévues aux articles 225-13 à 225-15 du code pénal permettant d'appréhender les manifestations de l'esclavage « moderne ». En effet, ces délits sanctionnent le fait de soumettre une ou plusieurs personnes, en abusant de leur vulnérabilité ou de leur situation de dépendance, soit à des conditions de travail ou d'hébergement contraires à la dignité humaine, soit à l'obligation de fournir des services non rétribués ou en échange d'une rétribution sans rapport avec l'importance du travail fourni. La sanction infligée, qui est de deux années d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende, peut être portée à cinq ans d'emprisonnement et 1 000 000 de francs en cas de pluralité de victimes, signifiant une pratique coutumière et organisée en véritable trafic d'êtres humains. En outre, diverses peines complémentaires sont prévues, telles l'interdiction des droits civiques, civils ou de famille, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle les infractions ont été commises, ou l'interdiction de séjour. De même, la responsabilité pénale des personnes morales est encourue. Enfin, en cas de soumission d'une personne à des conditions de travail ou d'hébergement indignes, les tribunaux correctionnels peuvent prononcer, depuis la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions, la confiscation du fonds de commerce destiné à l'hébergement des personnes et ayant servi à commettre l'infraction. S'agissant des condamnations prononcées par les juridictions pénales, il y a lieu d'observer que le délit de rétribution inexistante ou insuffisante du travail d'une personne vulnérable ou dépendante, créé en 1994, a donné lieu à dix condamnations définitives en 1997, celui de soumission d'une ou plusieurs personnes vulnérables à des conditions de travail indignes ayant fait l'objet de sept condamnations définitives en 1998. A l'occasion des procédures ayant abouti à ces condamnations pénales, il a été constaté que la mobilisation des services de police judiciaire, le cas échéant spécialisés en matière de travail illégal, pour lutter contre ces formes d'asservissement par le travail est réelle, de même que les fonctionnaires et agents publics habilités à rechercher le délit de travail dissimulé - souvent connexe aux infractions du code pénal précitées - sont sensibilisés à ces situations lorsqu'elles sont portées à leur connaissance.
COM 11 REP_PUB Rhône-Alpes O