FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 53103  de  M.   Cochet Yves ( Radical, Citoyen et Vert - Val-d'Oise ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  30/10/2000  page :  6203
Réponse publiée au JO le :  22/01/2001  page :  462
Date de signalisat° :  15/01/2001
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  renseignements médicaux. confidentialité
Texte de la QUESTION : M. Yves Cochet attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétude qu'a fait naître, parmi les personnes aidant les toxicomanes, la perquisition menée par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise dans un centre de soins appliquant le programme de méthadone. En effet, sous prétexte d'enquêter sur un patient impliqué dans un trafic de stupéfiants, le juge a saisi la liste de tous les patients ainsi que des informations confidentielles contenues dans leur dossier médical. Il est évident que la justice doit suivre son cours, mais les conséquences d'une telle méthode sont désastreuses : rupture de la confidentialité, mise à mal de la nécessaire confiance entre les patients et l'équipe de soins, d'autant qu'il est déjà difficile de convaincre les usagers d'entrer dans une démarche de soins. Ce type de procédure risque de mettre en danger tous les centres de méthadone, ce qui entraverait la politique de santé menée depuis cinq ans en direction des toxicomanes, dont les résultats sont encourageants. En conséquence, il lui demande si elle envisage de prendre des mesures pour que les pratiques judiciaires n'entravent pas l'accès aux soins et le travail des équipes. Il aimerait également savoir si elle compte prendre des dispositions pour veiller à ce que la confidentialité des patients soit respectée. Enfin, il souhaite connaître son avis sur la nécessité de réviser la loi du 31 décembre 1970 afin de lever l'ambiguïté entre répression et soins aux usagers de drogue.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que les patients suivis dans les centres de soins aux toxicomanes peuvent trouver dans l'application des règles relatives au respect du secret professionnel la garantie que les informations les concernant portées à la connaissance des professionnels qui animent ces structures, tels que les médecins ou les assistantes sociales, resteront confidentielles. Toutefois, certaines informations couvertes par le secret professionnel et plus précisément, s'agissant d'un centre de soins, couvertes par le secret médical peuvent s'avérer utiles à la manifestation de la vérité. En conséquence, dans certaines conditions strictement définies par la loi, il peut arriver que le principe du secret médical cède devant les nécessités d'une procédure judiciaire pénale. L'article 56-1 du code de la procédure pénale prévoit ainsi la possibilité d'opérer une perquisition dans un cabinet médical et de saisir des dossiers médicaux, sous réserve que la perquisition soit diligentée par un magistrat et en présence d'un membre du conseil de l'ordre des médecins. Il convient de souligner en outre que les dispositions de l'article L 355-21 du code de la santé publique permettent aux toxicomanes qui se présentent spontanément dans un centre de soins ou un établissement hospitalier en vue d'une désintoxication de bénéficier, s'ils en font expressément la demande, de l'anonymat au moment de l'admission. Cet anonymat ne peut être levé que pour des causes autres que la répression de l'usage illicite de stupéfiants. Ainsi, la levée de l'anonymat ne trouve pas à s'appliquer lorsqu'il s'agit d'une procédure judiciaire relative à des faits de trafic de stupéfiants ou à tout autre infraction de droit commun. La garde des sceaux fait connaître enfin à l'honorable parlementaire qu'il ne lui appartient pas, en raison du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, de commenter une décision de justice et qu'à cet égard seul le magistrat à qui avait été confiée l'instruction de la procédure à laquelle il fait référence était compétent pour apprécier l'opportunité de recourir à une perquisition en vue de la manifestation de la vérité. Elle tient par ailleurs à l'assurer de la pleine implication du ministère de la justice dans la mise en oeuvre du plan triennal du Gouvernement de lutte contre la drogue et la toxicomanie et de prévention des dépendances, qu'illustrent notamment les orientations de politique pénale définies par la circulaire du 17 juin 1999 relative aux réponses judiciaires aux toxicomanies, qui tendent à poser les principes d'une politique pénale plus adaptée, intégrant les objectifs de santé publique. Il s'agit tout à la fois de donner une réponse à la transgression de l'interdit fixé par la loi, une légalisation de l'usage des stupéfiants n'entrant pas dans les intentions du Gouvernement, et de respecter les impératifs de santé publique, de prévenir l'usage de drogues et d'éviter, lorsque cet usage existe, le passage à l'usage abusif. Il a donc été demandé aux procureurs de la République de diversifier les réponses pénales à tous les stades de la procédure, en intégrant non seulement la gravité des faits commis mais aussi la personnalité de l'usager de drogue, majeur ou mineur, ainsi que ses besoins de soins ou d'insertion sociale. La distinction entre des comportements d'usage occasionnel, d'abus ou de dépendance est un critère permettant d'opérer des choix entre les différentes options procédurales. Les procureurs de la République ont notamment été invités à réserver l'injonction thérapeutique aux cas de dépendance avérée et à développer d'autres formes d'alternatives aux poursuites, telles que les classements avec avertissement et surtout les classements avec orientation, qui permettent de mettre l'usager en contact avec des structures sanitaires ou sociales. Il apparaît, au vu du rapport annuel de politique pénale présenté aux procureurs généraux le 22 avril 2000, que ces instructions sont appliquées par les procureurs de la République, dont beaucoup participent activement, dans cet esprit, au dispositif des conventions départementales d'objectifs justice/santé. Dans de très nombreux départements, ce dispositif a permis à l'autorité judiciaire de nouer un partenariat fructueux avec les centres de soins spécialisés aux toxicomanes, afin de développer des actions de prise en charge médico-sociale des usagers placés sous main de justice.
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O