FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 62260  de  M.   Le Déaut Jean-Yves ( Socialiste - Meurthe-et-Moselle ) QE
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  11/06/2001  page :  3346
Réponse publiée au JO le :  11/02/2002  page :  737
Date de signalisat° :  04/02/2002
Rubrique :  travail
Tête d'analyse :  médecine du travail
Analyse :  exercice de la profession
Texte de la QUESTION : M. Jean-Yves Le Déaut appelle l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'indépendance de l'exercice de la fonction du médecin du travail. Il lui rappelle les conséquences de l'utilisation de l'amiante ou les éthers de glycol qui ont montré que les médecins du travail n'étaient pas suffisamment indépendants vis-à-vis de l'employeur. Il souhaiterait savoir si elle envisage de modifier la loi protégeant les médecins du travail, notamment par l'instauration d'un délit d'entrave à l'exercice de la médecine du travail et si elle compte assurer l'indépendance des médecins du travail par la création d'un statut juridique spécifique, correspondant à la mission de service public, dévolue à la médecine du travail. La formule d'un contrat de travail ne lui semble pas adaptée, puisque ce contrat place le médecin du travail, qui a pour mission de prévenir les risques des accidents du travail et les maladies professionnelles, sous la subordination juridique de l'employeur, qu'il est censé contrôler.
Texte de la REPONSE : L'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a été appelée sur la question de l'indépendance des médecins du travail. Cette question est cruciale. En effet, le médecin du travail doit concilier la rigueur de sa démarche scientifique et praticienne, l'efficacité de son action de préventeur de terrain et un statut de salarié de l'entreprise ou du groupement d'entreprises dans lesquelles il intervient. En sa qualité de conseiller, à la fois du chef d'entreprise et des salariés, en matière d'amélioration des conditions de travail, d'adaptation des postes, procédés et rythmes de travail et de protection contre l'ensemble des nuisances, il assure un rôle clef, nécessairement ancré dans l'entreprise. Pour bien remplir sa mission, le médecin du travail est, déjà, un salarié doublement protégé par le code du travail et le code de déontologie médicale. Le médecin du travail jouit d'un statut particulier défini par le code du travail et qui de lui un salarié protégé. Ainsi, aux termes de l'article R. 241-30 du code du travail, « le médecin du travail est liè par un contrat passé avec l'employeur ou le président du service médical interentreprises. Ce contrat est conclu dans les conditions prévues par le code de déontologie médicale ». L'article 95 du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, modifié par le décret n° 97-503 du 21 mai 1997 précise, à cet égard, que la qualité de salarié d'un médecin et le lien de subordination qui caractérise cette qualité ne peuvent faire obstacle, sur le plan médical et technique, à l'indépendance du médecin qui doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises où il exerce. L'article 241-31 du code du travail prévoit, en outre, que le médecin du travail ne peut être nommé ou licencié qu'avec l'accord du comité d'entreprise ou de l'instance de contrôle du service médical interentreprises. A défaut d'accord, la nomination ou le licenciement est prononcé sur décision conforme de l'inspecteur du travail, prise après avis du médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'oeuvre. Le défaut d'accord du comité d'entreprise ou de l'instance de contrôle du servie médical ou l'absence de décision conforme de l'inspection du travail entraîne, selon les cas, la nullité du contrat ou la nullité du licenciement. Le juge des référés peut alors prononcer la réintégration du médecin irrégulièrement congédié. De plus, l'employeur ou le chef du service médical interentreprises pourra être condamné pour infraction à la réglementation sur la médecine du travail et, le cas échéant, pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise. La même procédure s'applique, dans les services médicaux interentreprises, en cas de changement de secteur d'un médecin du travail. Pourtant, l'indépendance du médecin doit être, à la mesure de sa mission, prioritairement renforcée. C'est pourquoi le Gouvernement a pris la décision d'inscrire, dans la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, trois mesures en ce sens : l'affirmation du principe de l'indépendance des médecins du travail ; l'interdiction du recours à des médecins du travail sous contrat de travail temporaire ; la subordination d'un éventuel licenciement de médecin du travail à une autorisation de l'inspection du travail (quelle que soit la position exprimée par le comité d'entreprise ou la commission de contrôle). Ces mesures, de nature législative, seront complétées par des dispositions réglementaires. Ces dernières ont été soumises à la commission spécialisée « médecine du travail » du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels les 25 juin et 15 janvier derniers ; elles seront prochainement soumises à l'examen du Conseil d'Etat. L'instauration d'un délit d'entrave à l'exercice des missions de médecin du travail n'a pas paru compatible avec l'exercice des missions du médecin du travail, telles qu'elles sont définies à l'article R. 241-41 du code du travail. La mission de conseiller des salariés, des représentants du personnel, mais aussi du chef d'entreprise, en matière de santé au travail, paraît en effet exclure la possibilité pour l'employeur de se voir attrait devant les tribunaux répressifs du fait d'un délit d'entrave qu'il aurait commis à l'exercice des missions du médecin du travail. Sur le plan fonctionnel, la mise en place d'une commission médico-technique au sein des services de santé au travail, conçue comme un lieu d'échanges entre les différentes composantes (médicale, technique, organisationnelle) de l'équipe pluridisciplinaire, constituera également une garantie d'indépendance indirecte mais concrète. L'ensemble de ces mesures permettra de renforcer l'indépendance des médecins du travail.
SOC 11 REP_PUB Lorraine O