Texte de la QUESTION :
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M. Denis Jacquat expose à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, la situation d'un ancien maire d'une commune qui avait embauché un agent sur le fondement de l'article 3 alinéa 4 de la loi du 26 janvier 1984 pour une durée de 3 ans. Or, il s'avère que le père de cet agent est devenu maire de cette commune à l'issue des dernières élections municipales. Dans un tel cas d'espèce, il souhaiterait qu'elle lui indique si le maire est en droit de renouveler, dans les mêmes conditions de délai et de rémunération, le contrat d'employé communal de son fils ou de sa fille, sans commettre de délit de prise illégale d'intérêt mentionné à l'article 432-12 du code pénal. Il la remercie de bien vouloir l'informer à ce sujet.
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable
parlementaire que l'article 432-12 du code pénal interdit à des personnes
exerçant des fonctions ou des missions publiques de se placer dans une situation
où leur intérêt particulier serait en contradiction avec l'intérêt général.
Cette interdiction répond au double objectif d'éviter, d'une part, qu'elles ne
tirent profit de leurs fonctions dans leur intérêt personnel, et négligent ainsi
l'intérêt public qu'elles doivent servir, et d'autre part, qu'elles puissent
seulement en être suspectées. Dans la situation envisagée par l'honorable
parlementaire, le descendant du maire bénéficiait d'un contrat d'employé
communal avant que son père ne soit élu maire. Il peut continuer bien évidemment
à bénéficier des droits que lui confère ce contrat. En effet, au moment de la
conclusion de ce contrat, son père n'avait pas la qualité de titulaire d'un
mandat électif public, exigé par la loi comme élément constitutif du délit, et a
fortiori aucun des pouvoirs de contrôle ou de surveillance sur l'opération
exigés également par la loi pour caractériser le délit. La question est plus
délicate s'agissant du renouvellement, dans les mêmes conditions de délai et de
rémunération de ce contrat d'employé communal, conclu licitement sur le
fondement de l'article 3, alinéa 4, de la loi du
26 janvier 1984, antérieurement à la nomination du père de l'employé
en qualité de maire. L'alinéa 4 de l'article 3 de la loi du
26 janvier 1984 ne crée en effet pour le titulaire d'un contrat
d'employé communal aucun droit à être maintenu dans ses fonctions à l'expiration
de son contrat ; la décision par laquelle l'autorité administrative compétente
met fin aux relations contractuelles à l'échéance du contrat initial devant être
regardée selon la jurisprudence comme un refus de renouvellement et non comme un
licenciement. En outre, aux termes mêmes de la loi, un tel contrat, conclu pour
une durée déterminée, ne peut être renouvelé que par reconduction expresse. Par
ailleurs, selon la jurisprudence administrative, le maintien en fonction de
l'agent en cause à l'issue de son contrat initial donne naissance à un nouveau
contrat (Conseil d'Etat : 2 février 2000 - commune de
La Grande-Motte). Certes, cet arrêt a été rendu dans une espèce où de façon
contra legem le contrat avait été reconduit tacitement, mais il ne fait guère de
doute que cette solution s'applique en cas de reconduction expresse. A
l'expiration du contrat initial, la place laissée à la manifestation de volonté
du maire est ainsi particulièrement importante puisqu'il peut légalement
s'opposer à la reconduction d'un tel contrat pour des motifs légitimes, ou
conclure un nouveau contrat avec une personne tierce, ou renouveler le contrat
initial avec le même agent, dans des conditions similaires de durée et de
rémunération, ou selon des modalités différentes. Le renouvellement d'un tel
contrat, même dans des conditions similaires de durée et de remunération, place
donc le maire dans une situation objective de conflit d'intérêts. A cet égard,
il convient de préciser que, selon la Cour de cassation, la prise d'un intérêt
purement moral suffit à caractériser le délit de prise illégale d'intérêts (cf.
notamment cassation crim. 5 novembre 1998 Czmal). Dès lors, la plus
grande prudence s'impose dans la situation envisagée par l'honorable
parlementaire, même si, à ce jour, aucune jurisprudence de la chambre criminelle
de la Cour de cassation n'est disponible sur ce point précis.
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