FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 66515  de  M.   Jacquat Denis ( Démocratie libérale et indépendants - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  01/10/2001  page :  5538
Réponse publiée au JO le :  21/01/2002  page :  353
Erratum de la Réponse publié au JO le :  11/02/2002  page :  779
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  code pénal
Analyse :  prise illégale d'intérêts. ascendants ou descendants de maires. champ d'application
Texte de la QUESTION : M. Denis Jacquat expose à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, la situation d'un ancien maire d'une commune qui avait embauché un agent sur le fondement de l'article 3 alinéa 4 de la loi du 26 janvier 1984 pour une durée de 3 ans. Or, il s'avère que le père de cet agent est devenu maire de cette commune à l'issue des dernières élections municipales. Dans un tel cas d'espèce, il souhaiterait qu'elle lui indique si le maire est en droit de renouveler, dans les mêmes conditions de délai et de rémunération, le contrat d'employé communal de son fils ou de sa fille, sans commettre de délit de prise illégale d'intérêt mentionné à l'article 432-12 du code pénal. Il la remercie de bien vouloir l'informer à ce sujet.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article 432-12 du code pénal interdit à des personnes exerçant des fonctions ou des missions publiques de se placer dans une situation où leur intérêt particulier serait en contradiction avec l'intérêt général. Cette interdiction répond au double objectif d'éviter, d'une part, qu'elles ne tirent profit de leurs fonctions dans leur intérêt personnel, et négligent ainsi l'intérêt public qu'elles doivent servir, et d'autre part, qu'elles puissent seulement en être suspectées. Dans la situation envisagée par l'honorable parlementaire, le descendant du maire bénéficiait d'un contrat d'employé communal avant que son père ne soit élu maire. Il peut continuer bien évidemment à bénéficier des droits que lui confère ce contrat. En effet, au moment de la conclusion de ce contrat, son père n'avait pas la qualité de titulaire d'un mandat électif public, exigé par la loi comme élément constitutif du délit, et a fortiori aucun des pouvoirs de contrôle ou de surveillance sur l'opération exigés également par la loi pour caractériser le délit. La question est plus délicate s'agissant du renouvellement, dans les mêmes conditions de délai et de rémunération de ce contrat d'employé communal, conclu licitement sur le fondement de l'article 3, alinéa 4, de la loi du 26 janvier 1984, antérieurement à la nomination du père de l'employé en qualité de maire. L'alinéa 4 de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 ne crée en effet pour le titulaire d'un contrat d'employé communal aucun droit à être maintenu dans ses fonctions à l'expiration de son contrat ; la décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin aux relations contractuelles à l'échéance du contrat initial devant être regardée selon la jurisprudence comme un refus de renouvellement et non comme un licenciement. En outre, aux termes mêmes de la loi, un tel contrat, conclu pour une durée déterminée, ne peut être renouvelé que par reconduction expresse. Par ailleurs, selon la jurisprudence administrative, le maintien en fonction de l'agent en cause à l'issue de son contrat initial donne naissance à un nouveau contrat (Conseil d'Etat : 2 février 2000 - commune de La Grande-Motte). Certes, cet arrêt a été rendu dans une espèce où de façon contra legem le contrat avait été reconduit tacitement, mais il ne fait guère de doute que cette solution s'applique en cas de reconduction expresse. A l'expiration du contrat initial, la place laissée à la manifestation de volonté du maire est ainsi particulièrement importante puisqu'il peut légalement s'opposer à la reconduction d'un tel contrat pour des motifs légitimes, ou conclure un nouveau contrat avec une personne tierce, ou renouveler le contrat initial avec le même agent, dans des conditions similaires de durée et de rémunération, ou selon des modalités différentes. Le renouvellement d'un tel contrat, même dans des conditions similaires de durée et de remunération, place donc le maire dans une situation objective de conflit d'intérêts. A cet égard, il convient de préciser que, selon la Cour de cassation, la prise d'un intérêt purement moral suffit à caractériser le délit de prise illégale d'intérêts (cf. notamment cassation crim. 5 novembre 1998 Czmal). Dès lors, la plus grande prudence s'impose dans la situation envisagée par l'honorable parlementaire, même si, à ce jour, aucune jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation n'est disponible sur ce point précis.
DL 11 REP_PUB Lorraine O