FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 7152  de  M.   Yamgnane Kofi ( Socialiste - Finistère ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  01/12/1997  page :  4323
Réponse publiée au JO le :  04/05/1998  page :  2536
Rubrique :  communes
Tête d'analyse :  biens
Analyse :  vente à une entreprise
Texte de la QUESTION : M. Kofi Yamgnane appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences de la décision prise par le Conseil d'Etat, en date du 13 novembre 1997, entraînant annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 avril 1995 « commune de Fougerolle ». Cette commune avait cédé un terrain à une société moyennant le franc symbolique contre engagement de la création de cinq emplois sous trois ans ou une somme de 36 000 francs en cas de non-respect de l'accord. Le tribunal avait censuré cette délibération au motif de la violation du principe de propriété des collectivités (Conseil constitutionnel, 25 et 26 juillet 1986 - Privatisations) interdisant la cession de biens de leur patrimoine à un prix inférieur à leur valeur sous peine de se voir reprocher une libéralité. Le Conseil d'Etat a, pour sa part, estimé que les collectivités pouvaient agir de la sorte « lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes ». Il s'inquiète, face au manque de moyens des petites communes conjugué à la formation insuffisante de la plupart des élus en matière d'estimation de la valeur des biens industriels et commerciaux, du manque de garanties dont pourront se prévaloir les collectivités quant à la détermination des contreparties suffisantes. Il lui demande quelles pourraient être les aides apportées par les différentes administrations permettant de limiter l'insécurité entourant les prises de décisions communales.
Texte de la REPONSE : La question de savoir si les collectivités territoriales peuvent vendre un terrain de leur domaine privé à une entreprise pour un franc symbolique a fait l'objet d'une décision du Conseil d'Etat « Commune de Fougerolles » du 3 novembre 1997. Cet arrêt rendu par la section du contentieux, en appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 avril 1995, préfet de la Haute-Saône, tranche un point de droit qui a suscité des appréciations divergentes de la part des juridictions administratives. En rupture avec la doctrine administrative, confirmée par le tribunal administratif de Lyon dans un jugement « Tête » du 22 novembre 1989, le tribunal administratif de Besançon a considéré que la cession d'un terrain au franc symbolique constituait une aide directe non autorisée à une entreprise et contrevenait au principe de propriété des collectivités publiques, énoncé dans la décision du Conseil constitutionnel des 25, 26 juin 1986, selon lequel les personnes publiques ne peuvent pas céder des biens de leur patrimoine à un prix inférieur à leur valeur. Postérieurement au jugement du T.A. de Besançon, d'autres tribunaux ont, quant à eux, considéré que cette forme d'intervention en faveur du développement économique local était légale (cf. T.A. de Versailles 11 avril 1995 les amis de Persan ; T.A. de Montpellier 29 mai 1996 commune de Canet-en-Roussillon). La haute juridiction, a considéré que la cession ou la mise à disposition gratuite d'un terrain à une entreprise relevait de la catégorie des aides indirectes libres au sens de l'article L. 1511-3 du CGCT. A cette occasion, le Conseil d'Etat a rappelé que, parmi les aides indirectes pouvant être consenties par les collectivités territoriales aux entreprises, seuls les rabais sur les conditions de vente ou de location des bâtiments étaient réglementés par le décret n° 82-809 du 22 septembre 1982 relatif aux aides à l'achat ou à la location de bâtiments accordées par les collectivités territoriales, leurs groupements ou les régions. S'agissant de la cession moyennant le franc symbolique, le Conseil d'Etat, se fondant sur la théorie de la loi-écran, a refusé d'examiner la conformité de la loi à un principe de valeur constitutionnelle. De même la haute juridiction a rejeté le moyen tiré de la non-conformité de la cession au franc symbolique à l'article 92 du traité de Rome interdisant les aides publiques faussant ou menaçant de fausser la concurrence, au motif que les stipulations de cet article ne créent pas de droit dont les particuliers puissent se prévaloir devant une juridiction nationale. Cependant, les conditions de vente d'un terrain par une collectivité territoriale doivent respecter les conditions de forme et de fond prévues par la loi et rappelées par la jurisprudence. Sur le premier point, l'article L. 2241-1 du CGCT prévoit que toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants doit faire l'objet d'un avis préalable du service des domaines et d'une délibération du conseil municipal sur les conditions de la vente et de ses caractéristiques essentielles, quand bien même celle-ci serait réalisée moyennant le franc symbolique. S'agissant des conditions de fond, il convient d'assortir la cession d'un bien inférieure à sa valeur vénale de contrepartie pour la collectivité territoriale ou pour l'intérêt général dont elle a la charge, afin d'éviter que la vente au franc symbolique ne s'apparente à une libéralité. Au cas d'espèce, la commune de Fougerolles avait subordonné la vente de son terrain moyennant le franc symbolique à l'engagement de créer des emplois.
SOC 11 REP_PUB Bretagne O