FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 108338  de  M.   Warsmann Jean-Luc ( Union pour un Mouvement Populaire - Ardennes ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  31/10/2006  page :  11237
Réponse publiée au JO le :  06/03/2007  page :  2475
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  juridictions administratives
Analyse :  jugements. délais
Texte de la QUESTION : M. Jean-Luc Warsmann prie M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir lui faire connaître sa position sur la possibilité d'accroître le rôle du conseiller rapporteur dans la maîtrise de la procédure contentieuse devant les juridictions administratives, afin de limiter, voire résorber, le retard de traitement des affaires examinées par celles-ci.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire s'interroge sur les pouvoirs dont dispose le rapporteur pour réduire les délais de jugement devant la juridiction administrative. Les dispositions du code de justice administrative confèrent d'ores et déjà au rapporteur des prérogatives importantes pendant la phase d'instruction de la requête. Conformément aux articles R. 611-9 et R. 611-16 du code de justice administrative, l'instruction est conduite, en lien avec le greffe, par le rapporteur désigné, pour chaque affaire, par le président de la juridiction. Le rapporteur fixe, sous l'autorité du président de la juridiction ou du président de chambre, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut leur demander, pour être joints à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige (art. R. 611-10 et R. 611-17). La juridiction peut également, si elle le juge utile, procéder à diverses mesures d'investigation telles qu'une expertise (art. R. 621-1), une visite des lieux afin d'y faire toute constatation ou vérification (art. R. 622-1), ou encore une enquête sur des faits dont la constatation paraît nécessaire à l'instruction de l'affaire, (art. R. 623-1). Si la juridiction administrative a connu ces dernières années une augmentation des délais de jugement, il est toutefois inexact d'affirmer qu'un délai de vingt-quatre mois est nécessaire au jugement d'une requête. Il convient, tout d'abord, de relever l'impressionnante progression du contentieux administratif sur une longue période. Le nombre total d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs (en « données brutes »), qui était voisin de 20 000 par an au début des années 70, a depuis doublé tous les dix à douze ans. La barre des 40 000 entrées a ainsi été franchie en 1980, celle des 80 000 en 1991 et celle des 160 000 en 2004. En 2006, le nombre total d'affaires enregistrées a atteint 172 557. Il est à noter qu'à partir de 1992, le développement des séries a entraîné une progression par à-coups, ce qui a conduit à suivre les statistiques, sur la période récente, également en « données nettes », c'est-à dire en faisant abstraction des séries de requêtes comportant une argumentation quasi identique, par exemple en matière de fonction publique. Ainsi, en données nettes, sur les quatre dernières années, les tribunaux administratifs ont enregistré une augmentation de 48 % du nombre des requêtes introduites, qui est passé de 112 703 en 2002 à 166 785 en 2006. Les cours administratives d'appel, quant à elles, ont connu une augmentation de 38 % du nombre des entrées, passant, en données nettes, de 15 267 en 2002 à 21 083 en 2006. La situation des cours administratives d'appel, en particulier, s'était progressivement dégradée depuis 1989, en raison d'un déséquilibre structurel entre le nombre d'affaires nouvelles et le nombre d'affaires jugées dû, d'une part, à l'insuffisance des effectifs de ces juridictions, et, d'autre part, à la forte augmentation du contentieux. Ainsi, le nombre d'affaires en instance devant les cours administratives d'appel au 31 décembre 2002 était de plus de 40 000, pour un nombre d'affaires jugées de 14 281 au cours de l'année 2002. Toutefois, depuis 2003, le Gouvernement a consenti des efforts budgétaires importants, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, pour remédier à cette situation. 166 postes de magistrats, 134 postes d'agents de greffe et 197 postes d'assistants de justice ont été créés. Sur la même période, 98 millions d'euros supplémentaires ont été accordés aux juridictions administratives en dépenses ordinaires et 35 millions d'euros ont été ouverts à leur profit en dépenses en capital. Cet effort a permis de créer deux nouvelles juridictions, une cour administrative d'appel à Versailles en septembre 2004 et un tribunal administratif à Nîmes en novembre 2006. Il a également permis de doter de moyens supplémentaires les juridictions existantes, et notamment les cours administratives d'appel, dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens conclus entre le Conseil d'État et chacune d'entre elles. Différentes réformes de procédure ont également été adoptées pour renforcer l'efficacité de la juridiction administrative. C'est ainsi que le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 a supprimé l'appel, au profit d'un recours direct en cassation, dans certaines matières de faible importance, et rendu le ministère d'avocat obligatoire devant les cours administratives d'appel. Le décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 a élargi la possibilité de statuer par ordonnance sur des requêtes relevant d'une même série, dès lors que seules des questions d'exactitude matérielle des faits restent à trancher. La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration devrait avoir pour effet de réduire le nombre de mesures de reconduite à la frontière déférées aux tribunaux administratifs du fait de la nouvelle procédure permettant de prendre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, rendant inutile l'adoption ultérieure d'un arrêté de reconduite à la frontière notifié par voie postale. Enfin le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 a élargi le champ de compétence du juge statuant seul au contentieux des permis de conduire et ouvert la possibilité d'un rejet par ordonnance d'un certain nombre de requêtes manifestement dépourvues de chances de prospérer. Ces efforts ont d'ores et déjà été récompensés par une amélioration très notable des délais de jugement. Les tribunaux administratifs ont jugé 118 915 affaires, en données nettes, en 2002, 127 035 en 2003, 137 189 en 2004, 155 562 en 2005 et 164 342 en 2006. Le nombre d'affaires jugées par magistrat est passé de 209 en 2002 à 222 en 2003, 240 en 2004, 261 en 2005 et 258 en 2006. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, qui s'établissait à 1 an 7 mois 27 jours en 2002, a été ramené à 1 an 3 mois et 14 jours en 2006. Ainsi, les tribunaux administratifs ont accru de 38 %, pendant cette période, le nombre d'affaires jugées. Cette progression a été obtenue, en grande partie, grâce à une augmentation du nombre d'affaires jugées par magistrat, qui a permis de retrouver, à peu de choses près, l'équilibre entre les entrées et les sorties et d'améliorer le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock de plus de quatre mois sur la période. Les cours administratives d'appel ont jugé 14 281 affaires en 2002, 16 700 en 2003, 19 820 en 2004, 23 553 en 2005 et 25 890 en 2006. Le nombre d'affaires jugées par magistrat est passé de 87 en 2002 à 92 en 2003, 96 en 2004, 98 en 2005 et 104 en 2006. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, qui s'établissait à 2 ans 10 mois 17 jours en 2002, a été ramené à 1 an 18 jours en 2006. Le nombre d'affaires jugées par les cours s'est donc accru, pendant cette période, de 81 %. Cet effort a permis de réduire le stock des affaires en instance de 34 %, pour le ramener à 27 153 au 31 décembre 2006. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock a été amélioré d'un an et dix mois sur la même période et l'objectif fixé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, consistant à ramener ce délai à un an à la fin de l'année 2007, paraît désormais atteignable. Enfin, devant le Conseil d'État, la situation reste tout à fait satisfaisante, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock étant voisin d'un an depuis plusieurs années. Calculé à partir des chiffres obtenus après déduction des séries et des affaires appelées à être réglées par ordonnance du président de la section du contentieux, il s'établit à dix mois en 2006. Ce redressement confirme ainsi la pertinence des démarches engagées dans le sens de la réduction de ces délais.
UMP 12 REP_PUB Champagne-Ardenne O