FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 120903  de  M.   Raoult Éric ( Union pour un Mouvement Populaire - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  intérieur et aménagement du territoire
Ministère attributaire :  intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Question publiée au JO le :  20/03/2007  page :  2821
Réponse publiée au JO le :  19/06/2007  page :  4747
Date de changement d'attribution :  18/05/2007
Rubrique :  sécurité publique
Tête d'analyse :  sécurité des biens et des personnes
Analyse :  appels à témoin. recours. développement
Texte de la QUESTION : M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le développement de la loi du silence dans les quartiers. En effet, comme plusieurs journaux l'ont récemment rappelé, malgré une amélioration incontestable des conditions de sécurité dans les quartiers difficiles, la peur continue souvent à sévir sous la forme d'une « loi de la crainte ». Ce mutisme de la population la conduit parfois à refuser de participer, de témoigner, voire de donner simplement son nom quand la police intervient sur le terrain. Pour beaucoup, le simple fait de révéler un lieu, un acte, un coupable, est perçu comme une trahison. Les gardiens d'immeuble sont souvent les seuls à faire preuve d'un véritable courage. Les habitants se trouvent donc livrés à eux-mêmes et perdent confiance dans les institutions, notamment la police et la justice, malgré toute la bonne volonté des élus locaux des villes concernées. Dès lors, le témoignage sous X est une possibilité qu'il convient de promouvoir dans la population, pour qu'il puisse être utilisé. Il conviendrait aussi d'envisager des formules d'appel à témoin plus efficaces, où la production de sécurité par un engagement plus actif et où elle serait plus partenaire des enquêtes que témoin passif. L'appel à témoin pourrait être promu, voire gratifié, et il devrait être prévu d'éventuels déménagements en cas de menaces. Il lui demande donc de lui préciser sa position sur ce dossier.
Texte de la REPONSE : La recherche et le recueil de témoignage constituent des actes essentiels de l'enquête criminelle. Du simple citoyen, témoin lors d'une enquête ou d'un procès, au criminel qui espère l'indulgence de la justice, tous sont susceptibles de faire l'objet, directement ou indirectement, de mesures d'intimidation ou de représailles de la part de tiers. Le législateur a donc prévu un dispositif qui permet de les protéger et de les inciter à coopérer avec les services d'enquête et la justice. Ainsi, le dispositif du témoignage anonyme a été introduit dans le code de procédure pénale (CPP) par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Le décret n° 2003-455 du 16 mai 2003 relatif à la protection des témoins et à l'utilisation des moyens de télécommunication a inséré dans le CPP les articles R. 23-22 et suivants qui précisent les modalités d'application. Le témoignage anonyme (art. 706-58 et R. 23-27 et suivants du CPP) est à distinguer de la domiciliation du témoin au service de police ou de gendarmerie (art. 706-57 et R. 53-22 à 53-26 du CPP). Dans ce dernier cas, l'identité de la personne peut être mentionnée dans un procès-verbal d'audition. L'article 706-58 du CPP définit les conditions selon lesquelles un témoin peut être autorisé à garder l'anonymat durant la procédure. Cette protection est accordée par le juge des libertés et de la détention sur requête motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction. Les magistrats recourent de plus en plus souvent à cette possibilité lorsque les infractions sont des crimes ou délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement. La mise en oeouvre de ces articles a contribué récemment à la résolution d'affaires particulièrement délicates. Ainsi, le 28 octobre 2006, au cours d'un incendie criminel perpétré contre un autobus de la régie des transports marseillais, l'une des passagères, aspergée de liquide inflammable, a été très grièvement brûlée et trois autres passagers ont été légèrement intoxiqués par les fumées. Les témoignages sous X, recueillis par la direction interrégionale de la police judiciaire de Marseille, de deux témoins oculaires de l'agression et de deux passagères de la ligne qui avaient observé, avant les faits, un groupe de jeunes au comportement suspect ont permis l'interpellation des personnes impliquées. Le 19 septembre 2006, deux fonctionnaires de police d'une compagnie républicaine de sécurité ont été violemment agressés par un groupe de jeunes alors qu'ils effectuaient une patrouille dans un quartier sensible à Corbeil-Essonnes (91). L'enquête, diligentée par la sûreté départementale de l'Essonne, a rapidement évolué notamment grâce au témoignage sous X de deux témoins oculaires des faits. Une dizaine de personnes ont été mises en cause. L'aide et la protection des témoins sont aussi particulièrement nécessaires et importantes dans les affaires qui relèvent de la criminalité organisée. C'est pourquoi la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a prévu des dispositions pénales nouvelles relative aux « repentis ». Non seulement la loi a clarifié et étendu le dispositif des exemptions et réductions de peines (article 132-78 nouveau du code pénal - CP -) mais elle a organisé également la protection des personnes qui bénéficient de ces mesures (article 706-63-1 nouveau du CPP). Toutes les personnes mentionnées à l'article 132-78 du CP ainsi que les membres de leur famille et leurs proches peuvent bénéficier, en tant que de besoin, d'une protection destinée à assurer leur sécurité, de mesures destinées à favoriser leur réinsertion et être autorisées, en cas de nécessité, par ordonnance motivée du président du tribunal de grande instance, à faire usage d'une identité d'emprunt. Un décret en conseil d'Etat doit préciser les modalités de fonctionnement et la composition de la commission nationale chargée de mettre en ceuvre ces mesures. La mise en place de cette nouvelle législation applicable à cette catégorie particulière de témoins qu'il est convenu d'appeler « repentis » répond aux règles fixées par la convention des Nations unies qui impose aux Etats parties l'obligation d'assurer une protection aux personnes qui témoignent. Dans l'esprit de cette convention, qui vise à asseoir l'efficacité du dispositif de protection des témoins en lui donnant une dimension internationale, les pays européens se dotent progressivement d'une législation spécifique sur « les repentis ». En complément de ce système de protection des témoins dont la finalité est de faciliter le recueil des témoignages, les services répressifs peuvent régulièrement recourir à la procédure « d'appel à témoin » auprès de la population. Il en est ainsi dans les cas suivants : par voie de presse écrite et via les chaînes de télévision lorsqu'il s'agit, notamment dans le cadre d'affaires de meurtres, d'identifier une victime ou bien un suspect (diffusion d'un portrait-robot). Ces appels à témoin se font toujours avec l'autorisation des magistrats chargés des dossiers ; dans le cadre d'enlèvements de mineurs, un dispositif national appelé « alerte enlèvement » a été élaboré en 2006. Il complète utilement les moyens traditionnels d'enquête par l'utilisation d'un message d'alerte demandant à toute personne possédant une information permettant de retrouver la victime, ou qui est en train d'observer le suspect ou son véhicule, d'appeler les autorités via un numéro de téléphone spécifique. Enfin, l'association d'aide aux parents d'enfants victimes (APEV), en lien avec l'office central pour la répression des violences aux personnes placé au sein de la sous-direction chargée de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière de la direction centrale de la police judiciaire prépare un projet qui a pour objet la diffusion, sur certaines chaînes de télévision, des photographies d'enfants disparus. Elle devrait permettre, en démontrant l'efficacité de la démarche, de sensibiliser la population à l'importance qu'il y a à apporter son témoignage. Les informations, très nombreuses et de qualités diverses, seront en effet systématiquement exploitées par les services d'enquête. Le public sera tenu informé des résultats de son concours.
UMP 12 REP_PUB Ile-de-France O