FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 13807  de  M.   Le Guen Jacques ( Union pour un Mouvement Populaire - Finistère ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  10/03/2003  page :  1748
Réponse publiée au JO le :  28/07/2003  page :  6085
Rubrique :  déchets, pollution et nuisances
Tête d'analyse :  mer et littoral
Analyse :  hydrocarbures. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Jacques Le Guen attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les poursuites judiciaires engagées à l'encontre des auteurs de rejets illicites d'hydrocarbures en mer. Aujourd'hui, trop peu d'affaires de ce genre sont élucidées et le délai séparant les infractions des jugements est encore trop long. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il est susceptible de prendre pour renforcer les moyens des procureurs de la République et des juges en la matière. Par ailleurs, face aux difficultés que rencontrent les communes littorales touchées pour prouver le préjudice subi, il l'interroge sur l'opportunité de laisser aux juges compétents la possibilité de faire appel à des experts afin de disposer d'avis contradictoires qui permettraient ainsi d'équilibrer les procès.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, entend apporter à l'honorable parlementaire les éléments de réponse suivants. Le projet de loi portant adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité, tel qu'adopté le 23 mai 2003 en première lecture par l'Assemblée nationale, a notamment pour objet de renforcer l'efficacité de l'autorité judiciaire dans la lutte contre les rejets d'hydrocarbures, qu'ils soient volontaires (dégazages ou déballastages sauvages) ou involontaires. Il contient en premier lieu des, dispositions permettant d'améliorer le fonctionnement des tribunaux du littoral maritime spécialisés, issus de la loi du 3 mai 2001 et créés par le décret du 11 février 2002. A ce jour en effet, six juridictions sont spécialisées pour ce contentieux, par zone maritime. Il s'agit des tribunaux de grande instance de Brest (zone Atlantique), Le Havre (zone Manche - Nord) Marseille (zone Méditerranée), Fort-de-France, Saint-Denis-de-la-Réunion et Saint-Pierre et Miquelon. L'amélioration de leur fonctionnement concerne deux aspects. D'une part, ces juridictions exerceront une compétence concurrente avec les tribunaux de droit commun pour la poursuite, l'instruction et le jugement de ces infractions et non plus exclusive pour le jugement. Cette modalité procédurale permettra l'élaboration d'une jurisprudence stable et dissuasive, mais également la mise en oeuvre d'une direction d'enquête plus efficace, axée sur la recherche des preuves des dégazages et déballastages et la mise en cause des responsables pénaux adéquats. D'autre part, il est envisagé de faciliter la saisine de ces juridictions spécialisées en permettant le dessaisissement rapide à leur profit des juridictions initialement saisies. En second lieu, ce projet précise la compétence juridictionnelle et territoriale de ces juridictions spécialisées, initialement exclusivement compétentes pour le jugement des infractions de pollutions marines commises dans les eaux territoriales, les eaux intérieures et les voies navigables françaises (art. L. 218-29 du code de l'environnement). Ce champ de compétence a été élargi par la loi du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique (ZPE) au large des côtes du territoire de la République, qui étend la compétence des tribunaux du littoral maritime spécialisés pour le jugement des infractions de pollutions marines commises en ZEE (zone économique exclusive) et ZPE, ces juridictions ayant une compétence concurrente avec les juridictions de droit commun, pour la poursuite et l'instruction de ces infractions. Le projet de loi présenté par le garde des sceaux confirme cette extension globale de compétence aux espaces maritimes compris en ZEE et ZPE, mais affine les critères suivant le type d'infractions et suivant la complexité des dossiers : tout d'abord, le tribunal de grande instance de Paris, qui a toujours été désigné comme le tribunal compétent pour les faits de pollutions commis en haute mer par des navires français, sera également celui qui instruira et jugera les procédures visant des pollutions accidentelles (art. L. 218-22 du code de l'environnement) dès lors qu'elles sont commises en ZEE ou ZPE. L'Assemblée nationale a ici tenu compte de la complexité, à la fois technique, juridique et financière, inhérente à la gestion de procédures qui concernent des dommages écologiques très importants consécutifs à la pollution causée par un naufrage, comme le démontre la procédure judiciaire en cours, relative au naufrage de l'Erika le 12 décembre 1999. Il est en effet apparu que la juridiction parisienne, rompue aux techniques d'enquête à visée internationale et financière, était à même de gérer efficacement ces procédures de grande ampleur. Ensuite, dans la même logique, l'Assemblée nationale a estimé que les tribunaux du littoral maritime spécialisés, saisis de pollutions involontaires en eaux territoriales ou de pollutions volontaires en tout espace maritime excepté la haute mer, pouvaient se dessaisir au profit de la juridiction parisienne, en qualité de juridiction financière spécialisée, dès lors que leurs procédures présentaient une grande complexité. En troisième lieu, ce projet de loi entend porter aggravation des peines encourues en cas de rejets volontaires d'hydrocarbures, lesquelles doivent être portées à 10 ans d'emprisonnement et 1 million d'euros d'amende pour les navires les plus importants (contre 4 ans et 600 000 euros à l'heure actuelle). Il est également envisagé de permettre au tribunal de remplacer la peine d'amende par le paiement d'une somme équivalente aux deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du frêt. Il prévoit également de nouvelles peines complémentaires pouvant être prononcées à l'encontre des personnes physiques ou morales, et notamment des sanctions économiques et financières particulièrement dissuasives, telles la confiscation du bâtiment ou des biens du condamné. En quatrième lieu, afin d'améliorer l'efficacité de la réponse pénale apportée à ce type de délinquance, la chancellerie a diffusé à l'ensemble des procureurs généraux une circulaire en date du 1er avril 2003, visant à renforcer l'application du dispositif de répression des délits volontaires de pollutions marines. Cette circulaire a pour principal objectif de sensibiliser les parquets à compétence maritime sur la particularité de ce contentieux pénal et sur la compétence des tribunaux du littoral maritime spécialisés. Ces instructions de politique pénale concernent notamment la préparation et la coordination de l'action publique par la mise en oeuvre d'une politique partenariale avec les administrations compétentes chargées du contrôle en mer et amenées à constater ces infractions, ainsi que le renforcement de l'efficacité des poursuites, notamment lorsqu'elles sont dirigées contre des auteurs de nationalité étrangère. A cet égard, cette circulaire est accompagnée d'éléments techniques relatifs à la recherche des preuves matérielles et soulignant l'intérêt de recueillir très précisément les témoignages des agents de constatation. Enfin, s'agissant de la question de l'honorable parlementaire relative aux moyens dont disposent les collectivités territoriales du littoral touchées par une pollution pour démontrer leur préjudice lors d'une action en justice, il convient de distinguer les actions portées devant les juridictions civiles ou commerciales de celles portées devant les juridictions pénales. Dans le premier cas, en qualité de demandeurs, ces collectivités territoriales sont amenées à démontrer leur préjudice pour fonder leur action ; dans le second cas, pour asseoir leur qualité de victimes et obtenir le statut de parties civiles dans une procédure pénale, elles doivent faire état d'un préjudice personnellement subi et directement causé par l'infraction (art. 2 du code de procédure pénale). En tout état de cause, le code de procédure civile (articles 143 à 154) réglemente les cas dans lesquels le juge ordonne des mesures d'instruction, sous réserve que ces mesures ne suppléent pas « la carence de la partie dans l'administration de la preuve » ; de même, le code de procédure pénale (articles 60, 77-1 et 156) permet aux magistrats chargés de la poursuite, l'instruction et du jugement de faire procéder à des examens techniques ou scientifiques ou à des expertises ; en particulier, le juge d'instruction peut procéder à tout acte lui permettant d'apprécier la nature ou l'importance des préjudices subis par la victime (article 81-1 du code précité).
UMP 12 REP_PUB Bretagne O