FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1623  de  M.   Demilly Stéphane ( Union pour la Démocratie Française - Somme ) QOSD
Ministère interrogé :  écologie
Ministère attributaire :  écologie
Question publiée au JO le :  30/05/2006  page :  5566
Réponse publiée au JO le :  31/05/2006  page :  3774
Rubrique :  agroalimentaire
Tête d'analyse :  boissons et alcools
Analyse :  bouteilles et canettes. consigne. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Stéphane Demilly souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la nécessité d'instaurer un système de consigne pour les bouteilles de bière en verre, pour lequel il a déposé une proposition de loi. Les bouteilles de bière vides abandonnées dans la nature, qui représentent de très loin la majorité des bouteilles que l'on retrouve, constituent en effet un véritable fléau pour nos communes, et chaque semaine les services municipaux des villes et villages de France ramassent en quantité impressionnante des canettes jonchant les espaces publics, les chemins, ou encore le pied des murs et des édifices. Vestiges de libations sur la voie publique, ces canettes représentent une importante source de pollution, puisque le verre met très longtemps à se dégrader, sont un danger lorsque le verre est brisé et constituent un risque pour les récoltes des agriculteurs. Face à ce problème qui n'est pas spécifique à la France, d'autres pays, comme le Canada avec le dispositif Recyc-Québec, ont mis en place pour la collecte des bouteilles de bière en verre un système qui a fait ses preuves : celui de la consigne. C'est un système écologique, efficace et surtout citoyen. Qu'importe que la bouteille récupérée soit ensuite réemployée ou qu'elle soit recyclée, l'important est que la consigne incite financièrement le consommateur à la rapporter plutôt que de la jeter dans la nature, via un principe de dépôt de garantie remboursable au moment de l'achat. Il souhaite donc savoir si le Gouvernement entend faire inscrire l'instauration de ce système à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ou s'il entend prendre lui-même une initiative en ce sens.
Texte de la REPONSE :

INSTAURATION D'UN SYSTEME DE CONSIGNE
POUR LES BOUTEILLES DE BIERE EN VERRE

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 1623, relative à l'instauration d'un système de consigne pour les bouteilles de bière en verre.
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, c'est en tant que député, mais aussi en tant que maire depuis dix-sept ans d'une ville de Picardie que je souhaite évoquer la question de l'instauration d'un système de consigne pour les bouteilles de bière en verre.
Je ne suis pas un grand théoricien de l'environnement, mais un praticien de l'écologie au quotidien. Je me fais en tout cas l'avocat des gestes simples qui, additionnés les uns aux autres, contribuent aussi et de façon concrète à préserver notre planète !
C'est ainsi que j'ai soutenu l'interdiction au 1er janvier 2010 de la distribution aux consommateurs de sacs de caisse en plastique non biodégradables. C'est ainsi également que je compte prendre prochainement une initiative pour lutter contre le fléau que représentent les emballages de fast-food abandonnés dans la nature.
Mais la question que je voudrais évoquer plus spécifiquement aujourd'hui est celle des bouteilles de bière en verre. Depuis que j'ai déposé une proposition de loi visant à ce que ces bouteilles soient obligatoirement consignées, il ne se passe pas une semaine sans que des élus locaux, des agriculteurs, des randonneurs ou d'autres habitants de ma circonscription ne m'en parlent pour saluer cette initiative.
Comme vous le savez, chaque semaine, les services municipaux des villes et villages de France ramassent des quantités impressionnantes de canettes de bière jonchant ça et là les espaces publics, les chemins, ou encore le pied des murs et des édifices. Sans compter ce que les agriculteurs retrouvent dans leurs champs, au risque de leur faire perdre des contrats avec l'industrie agroalimentaire !
Certes, il existe d'autres emballages et d'autres bouteilles que celles visées par ma proposition, mais ce sont les canettes de bière qui figurent en première place, et de loin, du palmarès des vestiges de la consommation extérieure. Et je le dis tout net, madame la ministre : c'est devenu insupportable !
On me dit que réintroduire la consigne est compliqué, qu'il y a des filières déjà en place, que d'importants intérêts industriels sont en jeu. J'entends bien tout cela. Pour autant, le bon sens doit l'emporter !
Que les bouteilles soient réutilisées ou qu'elles soient recyclées, peu importe. L'essentiel est que, comme cela se pratique avec succès dans d'autres pays tels l'Allemagne ou le Canada, le consommateur ait une incitation financière, même modique, à rapporter ses bouteilles plutôt que de les jeter dans la nature.
Autrement dit, il faut que le prix d'achat comprenne une sorte de dépôt de garantie de citoyenneté, qu'un geste civique simple permettra de récupérer sous forme de monnaie sonnante et trébuchante ou d'une déduction lors de l'achat suivant.
Madame la ministre, ma question est extrêmement simple : le Gouvernement entend-il faire inscrire l'instauration de la consigne pour les bouteilles de bière en verre à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ou entend-il prendre lui-même une initiative de portée plus générale en ce sens, par voie réglementaire ou parlementaire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous évoquez un sujet qui fait l'objet de débats car il touche au quotidien des Français : faut-il introduire la consigne pour certains emballages, notamment les emballages en verre de certaines boissons ?
Comme vous le savez, la gestion des emballages ménagers s'est considérablement améliorée au cours des quinze dernières années avec la mise en place du dispositif prévu par le décret du 1er avril 1992 : les producteurs de produits emballés versent une contribution à une société agréée par les pouvoirs publics qui apporte des soutiens aux collectivités locales effectuant le tri sélectif des déchets d'emballages. En tant qu'élue d'une grande ville, je sais à quel point les maires sont impliqués dans la mise en pratique de l'écologie et du développement durable au quotidien et je tiens à saluer leurs efforts insuffisamment reconnus.
Grâce à ces actions, la France a pu respecter en 2001 les objectifs en termes de recyclage et de valorisation des déchets d'emballages fixés par la Commission européenne en 1994.
Ce dispositif a su évoluer vers une plus grande efficacité : les deux sociétés agréées se sont enfin rapprochées, ce qui permet une plus grande cohérence, et l'industrie du médicament, qui avait jusqu'à présent son propre système de reprise, a décidé de rejoindre le dispositif commun.
Si ce bilan est globalement positif, les efforts doivent néanmoins être poursuivis : il nous faut encore davantage recycler nos déchets et, bien sûr, absolument éviter qu'ils ne soient abandonnés. Cela n'ira évidemment pas sans une plus grande implication et une meilleure information de nos concitoyens, donc un effort de pédagogie en leur direction.
Aussi, et comme je l'avais annoncé en septembre dernier, une convention sera signée demain mercredi, notamment avec le ministère de l'emploi, l'Association des maires de France et les sociétés agréées. Elle prévoit de faire passer de 1 300 aujourd'hui à 3 000 en 2008, le nombre d'ambassadeurs du tri chargés d'informer les Français sur ce sujet.
La mise en place d'un système de consigne pour certains emballages, comme vous le proposez, permettrait effectivement d'assurer un meilleur taux de retour des déchets d'emballages concernés et de sensibiliser le consommateur, notamment pour réduire l'abandon de ces déchets.
S'agissant des sacs de caisse, des dispositifs reposant sur la consigne ou des principes similaires sont mis en place par les enseignes, qui réduisent les quantités de sacs jetables qu'elles distribuent à leur client, voire cessent de le faire. Les éléments dont je dispose me laissent penser que l'objectif que j'avais fixé de diminution par deux des quantités de sacs de caisse distribués gratuitement sera bien atteint d'ici à la fin 2006.
Concernant les emballages de boisson, les implications sont plus lourdes pour les professionnels concernés comme pour les consommateurs. Par exemple, il faut au préalable savoir si le consommateur pourra rapporter l'emballage vide et récupérer la consigne dans n'importe quel point de vente.
Rendre obligatoire la consigne, c'est aussi faire peser sur les producteurs la responsabilité de mettre en place une logistique assez lourde. Une telle contrainte peut être jugée comme une entrave disproportionnée aux échanges de biens et marchandises au sein du marché unique. C'est ce que montre le cas d'un récent arrêt de la Cour de justice des communautés européennes concernant le système de nos voisins allemands. Elle peut aussi entraîner des surcoûts pour nos concitoyens.
Au total, il me semble que beaucoup d'incertitudes et d'interrogations méritent d'être éclaircies avant de prendre une initiative dans le sens que vous préconisez. L'intérêt de votre proposition est évident pour ce qui concerne la diminution des quantités de déchets d'emballages de boissons abandonnés sur la voie publique mais les inconvénients potentiels peuvent être importants. Un examen plus approfondi est donc nécessaire, notamment au vu de l'expérience accumulée par certains de nos voisins européens. Sachez en tout cas que je retiens votre proposition sur laquelle nous allons à nouveau travailler.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Merci, madame la ministre, d'avoir salué l'important travail effectué par les collectivités locales en ce domaine. Je préside également une communauté de communes qui a la compétence en matière de gestion des déchets ménagers. Bien sûr, nous avons mis en place le tri sélectif et développé les points d'apport volontaire. Mais face à la triste réalité que j'ai décrite, il faut aller au-delà. Vous parlez de pédagogie à l'égard de nos concitoyens. Certes, la prévention c'est bien mais ce n'est pas suffisant, sinon il n'aurait pas été utile de placer des radars sur les routes ! Sans vouloir faire preuve de pessimisme, il me paraît donc nécessaire de mener des actions un peu plus exigeantes vis-à-vis des consommateurs. Enfin, vous dites que le dispositif impliquerait une logistique lourde pour les producteurs. Ce ne sera pas forcément pas le cas. Il est en effet possible de mettre en place un protocole d'accord avec la distribution, voire la grande distribution.
Je pense véritablement que ces mesures, simples et de bon sens, seront efficaces. Je sais aussi que des lobbies vont s'élever contre cette proposition de loi mais le bon sens doit parfois savoir l'emporter.

UDF 12 REP_PUB Picardie O