FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 23408  de  M.   Montebourg Arnaud ( Socialiste - Saône-et-Loire ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  11/08/2003  page :  6245
Réponse publiée au JO le :  23/03/2004  page :  2336
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  détention provisoire
Analyse :  droit de visite. parlementaires
Texte de la QUESTION : M. Arnaud Montebourg attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 720-1-A du code de procédure pénale inséré par l'article 129 de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui autorise les députés et les sénateurs « à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires ». Il prend pour illustration la visite effectuée par un député à la maison d'arrêt de Nice le 16 juillet dernier, sur le fondement de l'article 720-1-A du code de procédure pénale. Pendant sa présence dans la maison d'arrêt, le parlementaire a accompli une démarche jusqu'alors inédite dans un tel cadre, en s'entretenant en tête à tête avec un détenu mis en examen pour les chefs de « corruption passive, trafic d'influence commis par un dépositaire de l'autorité publique et favoritisme » dans l'affaire des marchés publics de la ville de Nice et placé en détention provisoire depuis le mois de mars 2003. Cette étonnante initiative à laquelle ni la direction et le chef de détention de la maison d'arrêt de Nice, ni le directeur de l'administration pénitentiaire avec lequel le député avait organisé cette visite à la maison d'arrêt, n'ont cru devoir s'opposer, révèle de leur part, comme de celle du parlementaire, une interprétation hardie des dispositions législatives adoptées par le Parlement et plus gravement, une interprétation audacieuse des dispositions de notre code de procédure pénale relatives à l'instruction. Le législateur a introduit l'article 129 de la loi du 15 juin 2000 dans son chapitre II relatif à l'exécution des peines. L'article 720-1-A du code de procédure pénale insérant l'article 129 de la loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes est placé dans le titre II du code intitulé « De la détention », sous son chapitre II traitant de « l'exécution des peines privatives de liberté ». Il ressort de cette architecture normative que le législateur n'a entendu permettre aux parlementaires d'entrer en contact direct qu'avec les seuls détenus à l'encontre desquels une peine a été prononcée. Par ailleurs, par une circulaire en date du 4 décembre 2000 présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 et concernant la garde à vue et l'enquête de police judiciaire, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) a précisé, s'agissant des visites par les parlementaires des locaux de garde à vue prévues par l'article 720-1-A du code de procédure pénale, que « la loi n'apporte aucunes limites à l'exercice par les parlementaires de leur droit, autres que celles liées au respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale selon lesquelles l'enquête et l'instruction sont secrètes ». La circulaire ajoute que « les parlementaires ne pourront entrer en contact avec les personnes gardées à vue, ni évidemment être présents lors des auditions de ces dernières ou prendre connaissance des procès verbaux effectués par les enquêteurs, y compris ceux relatifs aux mesures de garde à vue ». Le parlementaire observe que la limite à l'exercice par les parlementaires de leur droit s'applique aux locaux de garde à vue, locaux qui par définition même accueillent précisément des personnes non encore condamnées. Cette limite imposée aux parlementaires doit être étendue dans les établissements pénitentiaires aux personnes placées en détention provisoire, pour lesquelles un juge des libertés et de la détention a en effet jugé, en droit et en fait, du caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire pour les placer sous mandat de dépôt. En raison des circonstances inusitées dans lesquelles s'est déroulé le tête à tête du parlementaire avec le détenu placé en détention provisoire, il est utile de rappeler les termes de l'article 145-4 du code de procédure pénale qui conditionne les visites à toute personne placée en détention provisoire à une autorisation délivrée par le juge d'instruction. Or, en l'espèce, aucune demande d'autorisation n'a été formulée auprès du juge d'instruction, ce dernier n'ayant à aucun moment été sollicité pour autoriser cet entretien. Le déroulement de la visite de la maison d'arrêt de Nice par un parlementaire, le 16 juillet dernier, s'est donc accompli en violation de la loi sans qu'à aucun moment la direction de la maison d'arrêt de Nice n'ait tenté de faire cesser cette violation et, plus gravement, sans que même la direction de l'administration pénitentiaire, qui a pourtant supervisé l'organisation de cette visite, n'ait tenté de la prévenir. Il lui demande en conséquence quelle sanction il entend prendre contre sa direction de l'administration pénitentiaire qui a, pour le moins, agi avec la plus grande des négligences. De surcroît, afin qu'il soit mis clairement et précisément un terme au précédent particulièrement préoccupant qui s'est déroulé à la maison d'arrêt de Nice, il lui demande de bien vouloir lui indiquer avec diligence la doctrine développée par la Chancellerie et applicable à l'exercice par les parlementaires de leur droit de visite prévu par l'article 720-1-A du code de procédure pénale.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les dispositions de l'article 720-1-A du code de procédure pénale prévoient un large droit d'accès pour les députés et sénateurs aux locaux de garde à vue, centres de rétention, zones d'attente et établissements pénitentiaires. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de l'intitulé du deuxième chapitre du titre deuxième portant sur « l'exécution des peines privatives de liberté ». De plus, elles ne sauraient déroger aux contraintes résultant de l'article 11 du code de procédure pénale tendant à assurer le secret de l'enquête et de l'instruction. Cela a notamment été rappelé par la circulaire du 4 décembre 2000. Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de retenir que les dispositions de l'article 720-1-A du code de procédure pénale n'ont vocation à s'appliquer que lors de contacts entre le parlementaire et un condamné. La loi exclut donc tout contact entre une personne placée en détention provisoire et un parlementaire, dès lors que le juge d'instruction ne l'a pas autorisé en vertu de l'article 145-4 du code de procédure pénale. Ce principe a été rappelé par le garde des sceaux dans une instruction du 9 janvier 2004.
SOC 12 REP_PUB Bourgogne O