FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 26837  de  M.   Tourtelier Philippe ( Socialiste - Ille-et-Vilaine ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  20/10/2003  page :  7966
Réponse publiée au JO le :  10/02/2004  page :  1071
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  détenus
Analyse :  extraction. réglementation
Texte de la QUESTION : Alerté par les cadres et les personnels des établissements pénitentiaires de Rennes, M. Philippe Tourtelier appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le problème de l'escorte et de la garde des détenus hospitalisés ou en consultation médicale en dehors du milieu pénitentiaire. Dans les conditions actuelles, lors du transfert et du séjour dans les services hospitaliers, la sécurité publique peut être mise en cause. Il en est de même de la sécurité et du bon fonctionnement dans les établissements pénitentiaires, pendant cette période, faute d'effectifs suffisants. Selon le code de procédure pénale (CPP), lorsque l'hospitalisation, ou l'extraction pour recevoir des soins (D. 291), d'un détenu s'impose, il revient à l'autorité préfectorale de prescrire l'escorte et la garde du détenu par les services de police ou de gendarmerie (D. 315 et D. 394). Il est à noter que le CPP distingue les « hospitalisations » des missions de diagnostic, de consultations et de soins ambulatoires, assurés dans les structures médicales en milieu pénitentiaire (art. D. 368 et suivants). Ce distinguo place toutes les hospitalisations, d'urgence ou de très courte durée, dans le cadre, notamment, des articles D. 291 et D. 315 (transfèrement et extraction), et donc de l'article D. 394 qui prévoit que les escortes et les gardes hors milieu carcéral relèvent de la police ou de la gendarmerie. L'administration pénitentiaire envisage une remise en cause de ces procédures après une expérimentation dans la région de Strasbourg, à compter du 1er janvier 2004. Ce transfert de compétence - et de responsabilité - signifie bien une définition et un nouveau métier pour les surveillants pénitentiaires. Ce qui s'apparente à une réforme devrait passer par une concertation et surtout par des moyens nouveaux, en termes humain et matériel. Il est prévu de concrétiser cette - lourde - mission pour les personnels pénitentiaires, en 2005, cette démarche préfigure la création d'une « force de sécurité pénitentiaire » capable d'assurer transfèrements et escortes des détenus. Dans la mesure où une nouvelle compétence est développée, quels sont les moyens humains et matériels d'ores et déjà envisagés ? Quelle sera la formation spécifique des intéressés ? Quels sont, dans le budget pour 2004 les crédits affectés à cette expérimentation et mise en oeuvre ? Quand est-il envisagé de débattre avec la représentation nationale de cette « force de sécurité pénitentiaire » et de ces changements de compétence des personnels pénitentiaires ? Sachant que les surveillants, en dehors des établissements pénitentiaires, ne sont pas armés, il lui demande par exemple s'ils le seront dans ce futur cadre. Ce débat est urgent car d'autre part, en dehors du CPP, il apparaît que l'administration pénitentiaire demande déjà au personnel pénitentiaire d'assurer les escortes et les gardes de détenus conduits en milieu hospitalier (sauf pour les détenus dangereux). Il s'agirait alors de « consultations médicales » ne relevant pas du CCP (article D. 394, hospitalisations) mais uniquement de circulaires (du 8 avril 1963 et du 29 juillet 1971). Si l'on comprend la distinction entre hospitalisation et consultation, on peut s'interroger sur le caractère uniquement organisationnel de ces circulaires et sur l'interprétation de la loi. En particulier en termes de sécurité publique et de sécurité des personnels affectés aux escortes, de responsabilité de l'administration en cas d'incident, de tentative d'évasion ou de violations du droit (contacts avec des tiers...), en termes de compétences des surveillants lors des mouvements de détenus et enfin de sécurité et de fonctionnement dans les établissements pénitentiaires pendant les sorties. En la matière, il demande où, quand et avec quels moyens (matériels et humains) ces escortes médicales ont été mises en oeuvre ? Quelles ont été les formations spécifiques des personnels affectés à ces nouvelles missions ? Dans la mesure où, afin d'alléger la charge des forces de police, des instructions auraient été données à l'autorité préfectorale de favoriser ces escortes de détenus en milieu hospitalier, il s'interroge sur le respect du distinguo entre extraction pour hospitalisation (avec forces de l'ordre) et celle pour consultation (sans police...) nécessitant des soins ambulatoires, voire plus. Il peut être tentant de céder aux pressions des représentants de la police ou de la gendarmerie, et de qualifier indûment de consultation certaines escortes. En transférant ainsi abusivement la charge sur les personnels pénitentiaires, on habille Pierre en déshabillant Paul avec, de plus, les risques de sécurité déjà évoqués. En conséquence il lui demande de clarifier où commence et où s'arrête le rôle des uns et des autres (forces de l'ordre et personnels pénitentiaires), de préciser les missions, les responsabilités des différentes administrations. D'indiquer les moyens respectifs de l'administration pénittentiaire, de la police et de la gendarmerie dans le cadre de ces missions d'escorte et de garde. Il souhaite également savoir si les dispositions réglementaires d'ordre organisationnel (hors CPP), relatives aux escortes médicales, seront rapidement débattues avec la représentation nationale. En particulier dans la mesure où il semble que ces escortes sont mises en oeuvre par anticipation des bonnes conditions requises, de la concertation et des moyens indispensables.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire l'intérêt qu'il porte au problème de l'escorte et de la garde des détenus hospitalisés ou en consultation médicale en dehors du milieu pénitentiaire. La loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 relative à la sécurité mentionne explicitement la mise à l'étude de la possibilité de transférer à l'administration pénitentiaire la charge d'assurer les transfèrements, les translations judiciaires et les extractions, opérations qui relèvent actuellement de la responsabilité de la police ou de la gendarmerie nationales. Le garde des sceaux, ministre de la justice s'est déclaré, le 16 septembre 2003, favorable à ce que l'administration pénitentiaire développe une nouvelle compétence en la matière, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays européens, comme par exemple l'Italie, et qu'elle puisse à terme se doter d'une véritable force de sécurité pénitentiaire, capable d'assurer les escortes et les transfèrements. Il s'agit pour les surveillants pénitentiaires d'un nouveau métier et tant sa définition que sa mise en oeuvre nécessiteront une large concertation et une intense préparation technique. Il est évident qu'une condition préalable à cette démarche tient à l'apport des moyens nouveaux à l'administration pénitentiaire, tant en terme humain que matériel, car il s'agirait d'une mission lourde qui ne peut être assurée par redéploiement. En effet, cette mission supplémentaire comporte des enjeux en terme de sécurité publique et induit une modification du rôle, de la nature et du sens des missions actuellement dévolues aux personnels pénitentiaires. Cela nécessite donc une nouvelle approche en terme d'organisation et de fonctionnement des services. La réussite de cette initiative passe donc par l'élaboration d'un calendrier énonçant les étapes nécessaires pour assurer une bonne préparation technique et appréhender progressivement l'ensemble des tâches qui incombent à l'administration pénitentiaire. C'est pourquoi, le garde des sceaux se déclare favorable à ce que soit expérimenté un tel concept qui doit être préparé et défini tout au long de l'année 2004 pour se réaliser en 2005. La région pénitentiaire de Strasbourg a été retenue pour une application expérimentale du transfert de charge des escortes médicales à compter du 1er janvier 2005. C'est à Nancy en effet que sera mise en service au mois de février 2004 la première unité hospitalière sécurisée interrégionale. Dans un premier temps, seules les escortes médicales seront assurées par l'administration pénitentiaire. La conduite aux soins en milieu ouvert et l'hospitalisation des personnes détenues s'intègrent dans le schéma national d'hospitalisation qui va se mettre en place dans les mois à venir. La création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) et dans le cas d'espèce à Nancy va entraîner des modifications dans l'exécution de la mission de garde et d'escorte. En ce qui concerne les effectifs, quinze postes de surveillants ont été créés et publiés à la commission administrative paritaire de mobilité qui s'est déroulée au mois de septembre, ainsi que trois postes de premiers surveillants, un poste de chef de service pénitentiaire et un poste d'adjoint administratif, soit au total vingt emplois nouveaux. Les nouvelles missions qui seront dévolues au personnel pénitentiaire correspondront principalement à un niveau de sécurité et de réactivité équivalent à celui de la police et de la gendarmerie et sont actuellement en cours d'évaluation. Le directeur de l'administration pénitentiaire ouvrira, le moment venu, des discussions avec les organisations syndicales concernées pour recueillir leurs positions sur ce projet et le voir aboutir.
SOC 12 REP_PUB Bretagne O