Texte de la QUESTION :
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M. Joël Giraud appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de délocaliser certains procès de presse afin de permettre aux juges d'arbitrer en toute sérénité. En effet, le magazine Lyon Mag' a été condamné en janvier 2003, par un tribunal situé au coeur d'une région viticole, à payer 350 000 euros pour avoir publié l'interview d'un expert mettant en cause la qualité du vin de cette appellation. Après appel de la décision, la cour d'appel, située à Lyon, a estimé quant à elle le préjudice subi à 113 000 euros. Il pourrait donc être considéré, et d'autres affaires de cette nature peuvent le laisser penser (en 1990, l'hebdomadaire Le Point contre Jacques Médecin, alors maire de la ville de Nice ; en 1998, les éditions Albin Michel lors de la parution du livre La Mafia des tribunaux de commerce d'Antoine Gaudino), que la sévérité des sanctions soit fonction de la distance géographique qui sépare le tribunal du lieu du « délit ». Loin de remettre en cause l'impartialité de certains magistrats, une des explications parfois avancées pour analyser ce phénomène est l'influence de certaines personnalités, institutions ou encore groupes de pression dans un secteur géographique précis sur les décisions de justice. Devant ce qu'elles considèrent comme des dérapages, de nombreuses associations de journalistes réclament ainsi une évolution de la législation. Elles souhaitent que les parties au procès - requérants comme parties adverses - aient la possibilité de demander la délocalisation de certains procès. Prévue par la loi, la décision de délocaliser ou pas est laissée au libre arbitrage du magistrat qui ne l'accorde que très rarement. Une solution souvent avancée pourrait être de rendre automatique et de plein droit la demande de délocalisation lorsqu'elle est demandée. Il lui demande quel est son avis sur ce sujet et s'il envisage de prendre les mesures en ce sens.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, a l'honneur de faire savoir à l'honorable parlementaire que les dispositions de l'article 665 du code de procédure pénale prévoient la possibilité de saisir la chambre criminelle de la Cour de cassation d'une demande de renvoi d'un dossier pénal d'une juridiction à une autre dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Cette requête peut être présentée par le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège, agissant d'initiative, ou à la demande des parties. Cette disposition est d'ailleurs appliquée sans difficulté toutes les fois qu'un intérêt légitime le commande, eu égard à la nature des faits, ou à la qualité des parties au procès pénal. En outre, le garde des sceaux souhaite rappeler qu'en matière de délit de presse, l'infraction est réputée commise partout où le document litigieux a fait l'objet d'une mise à disposition publique, ce qui élargit considérablement les choix de juridictions susceptibles d'être compétentes. En revanche, il n'apparaît ni opportun ni juridiquement fondé de prévoir la délocalisation systématique des dossiers d'infractions de presse au regard de simples considérations locales sans lien avec l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Une telle disposition reviendrait à jeter un discrédit a priori sur la probité et l'impartialité des magistrats qui auraient normalement à connaître de tels faits.
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