Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Marie Demange appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'expansion de l'algue Caulerpa taxifolia et Caulerpa racemosa en mer Méditerrannée. Ces algues, d'origine tropicale se sont très bien adaptées aux températures de la Méditerranée et colonisent très vite presque tous les types de fonds sous-marin (roche, sable, herbier à posidonies) et sont consdérées comme des espèces invasives. La Caulerpa taxifolia aurait une croissance exponentielle, qui serait même sous évaluée. Le repérage et l'évaluation des surfaces colonisées, souvent effectuée grâce aux pécheurs sous-marins, sont de plus en plus compliqués au fur et à mesure de l'expansion. Un plan d'action interministériel a été mis en oeuvre en 1998, en liaison avec les autres pays riverains. Son comité de pilotage a examiné les trois volets du plan d'action interministériel prévu pour cinq ans : la recherche, l'observation du phénomène et la prévention, le droit et la mise au point de moyens de lutte. Il lui demande de bien vouloir lui communiquer le bilan des recherches lancées pour connaître l'impact de l'expansion des Caulerpes sur les écosystèmes méditerranéen et sur les activités socio-économiques. Il souhaite notamment savoir si une étude a été menée pour connaître l'impact sur les ressources halieutiques et plus spécifiquement sur la population d'oursins. Leur habitat naturel est rapidement colonisé par la taxifolia, et il semble, qu'en aquarium, cette espèce préfère se laisser mourir de faim plutôt que de se nourrir de cette algue. Par ailleurs, il aimerait qu'elle lui communique l'ensemble des actions qui devraient alors être menées pour lutter contre la prolifération de cette algue et pour la protection de l'écosystème sous-marin méditerranéen.
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Texte de la REPONSE :
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La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative à l'expansion des algues Caulerpa taxifolia et Caulerpa racemosa. Dans le cadre de la préparation, puis de la mise en oeuvre du plan d'action interministériel relatif à l'expansion de l'algue Caulerpa taxifolia en mer Méditerranée, le ministère de l'écologie et du développement durable, appuyé par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, a soutenu financièrement huit programmes de recherche. Ceux-ci ont couvert tous les champs biologiques, génétiques et socio-économiques nécessaires à la compréhension du phénomène d'invasion et ses conséquences sur les milieux naturels. Sur l'origine de cette algue, les résultats permettent de reconstituer le scénario suivant : isolement génétique progressif d'un taxon dans la région de Brisbane, en Australie, sélection de ce taxon par les aquariophiles en raison de sa meilleure adaptation aux conditions d'aquarium et introduction en Méditerranée à deux reprises, puis dans d'autres régions du globe. En ce qui concerne les rapports entre Caulerpa taxifolia et les écosystèmes, les résultats obtenus par la modélisation de l'invasion, ceux relatifs aux bactéries endophytes et ceux sur la compétition entre caulerpes et posidonies se prêtent mal à des conclusions directement utilisables. Certains résultats mettent en évidence des fluctuations locales de Caulerpa taxifolia et permettent d'expliquer, par la bioaccumulation du plomb, du cuivre, du zinc et de l'arsenic, sa résistance en milieu pollué par les métaux lourds. Une recherche sur le recrutement des peuplements de poissons dans les prairies de Caulerpa taxifolia a montré le rôle de l'alimentation disponible et de la prédation, parallèlement au cycle des saisons, pour expliquer comment la simplification de l'habitat en zone de forte densité de caulerpe limite l'abondance de certaines espèces de poissons. En revanche, il n'y a pas eu d'étude sur l'évolution générale des ressources halieutiques méditerranéennes ni, plus spécifiquement, sur la population d'oursins. La recherche sur l'incidence économique et les représentations sociales examine différents modèles théoriques d'analyse, à partir d'une enquête réalisée sur la base de questionnaires soumis à des pêcheurs et à des clubs de plongée. Enfin, l'étude d'anthropologie comparative montre comment ces phénomènes invasifs renvoient à des représentations, des mythes, des symboles que les sociétés portent sur elles-mêmes. En matière de prévention, certains des objectifs et des mesures (les arrêtés réglementant le mouillage, par exemple) relèvent de l'échelle locale, alors que d'autres, comme les efforts de communication visant à généraliser un code de bonne conduite pour mettre un terme aux pratiques à risques d'usagers de la mer qui favorisent la dispersion des caulerpes, relèvent d'une échelle plus grande. De façon pratique, en l'état actuel des choses, la lutte relève fondamentalement de l'échelle locale, qu'il s'agisse de supprimer les caulerpes au fur et à mesure de leur arrivée là où elles sont encore absentes (comme l'algue Caulerpa taxifolia dans le parc national de Port-Cros) ou de les réduire là où elles sont installées. De telles actions cependant n'ont de sens que si elles sont pérennes, les succès n'étant que temporaires compte tenu de la contamination constante par de nouvelles propagules. Une longue expérience paraissant établir empiriquement que la technique de lutte contre Caulerpa taxifolia par découpage et enlèvement, puis destruction à terre (mise au point par le parc national de Port-Cros) semble dépourvue d'effets pervers lorsqu'elle est conduite avec toutes les précautions souhaitables, cette solution est recommandée dans les cas où les conditions techniques nécessaires sont réunies. Sinon, le recours provisoire à l'utilisation de procédés libérant des ions cuivriques est envisageable, sous des réserves et dans des conditions précisées par les avis de la commission d'évaluation de l'écotoxicité des substances chimiques, saisie à plusieurs reprises par le directeur de la prévention des pollutions et des risques. Ces avis permettent de guider utilement la mise en oeuvre de telles techniques. Parmi les autres voies explorées, la lutte biologique constitue une hypothèse séduisante, mais une hypothèse jugée « à risques » par la communauté scientifique.
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