FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 37085  de  M.   Montebourg Arnaud ( Socialiste - Saône-et-Loire ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  06/04/2004  page :  2828
Réponse publiée au JO le :  10/08/2004  page :  6335
Rubrique :  professions judiciaires et juridiques
Tête d'analyse :  notaires
Analyse :  rémunérations
Texte de la QUESTION : M. Arnaud Montebourg appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la rémunération des notaires, Dans sa question écrite n° 13640 publiée au Journal officiel de la République en date du 10 mars 2003, il lui demandait s'il était envisageable de modifier le barème des rémunérations des notaires en substituant un émolument fixe à l'émolument proportionnel prévu au n° 39 du tableau 1 annexé au décret du 8 mars 1978, de manière à faire supporter aux usagers, qui sont actuellement soumis au même tarif, qu'ils déposent chez un notaire un acte signé sous seing privé ou qu'ils lui demandent de rédiger l'acte authentique contenant la même convention, la juste rémunération du travail fourni par les notaires. Dans sa réponse, il lui indiquait qu'il ne pouvait répondre favorablement à cette requête en raison du « caractère redistributif » inscrit dans le tarif de ces officiers ministériels, « déterminé de manière à répercuter une partie du prix des services peu facturés sur les prestations portant sur des montants plus élevés » et de l'identité de la rémunération (qui) tient au fait que les diligences du notaire sont les mêmes et qu'il encourt la même responsabilité, qu'il rédige l'acte ou qu'il le reçoive au rang de ses minutes ». Or, dans un rapport sur la concurrence, dans le secteur des professions libérales, adopté le 10 février 2004, la Commission européenne constate pour chacun des États membres, s'agissant des métiers de juriste, notaire, ingénieur, architecte, comptable et pharmacien, des restrictions en matière de prix, de publicité, d'accès à certaines professions, qui privent l'économie en général et les consommateurs en particulier des avantages de la concurrence et invite, avant toute implication de la commission, les gouvernements, les autorités nationales chargées de la concurrence et les organisations professionnelles à réexaminer, voire à supprimer ou à remplacer par des règles plus souples, les restrictions qui ne seraient pas clairement justifiées par l'intérêt général. S'agissant plus particulièrement de la profession de notaire, la commission constate que « la règlementation des prix est associée à d'autres formes de régulation, notamment des restrictions quantitatives à l'entrée et une interdiction de publicité, qui restreignent considérablement la concurrence » et suggère, pour ce marché, d'adopter une « démarche plus globale de la réforme » pour laquelle « il serait peut-être nécessaire de combiner la suppression de la régulation des prix avec d'autres réformes visant à renforcer la concurrence, notamment l'assouplissement des restrictions quantitatives à l'entrée et de l'interdiction de faire de la publicité ». Aussi, au vu des conclusions et des recommandations de ce rapport de la Commission européenne, qui se réserve le droit d'engager des procédures en infraction contre les États membres qui ne satisferaient pas aux dispositions relatives aux règles de concurrence européenne applicables aux professions libérales et des récentes décisions de la Cour de justice des communautés européennes qui a condamné à plusieurs reprises des États membres pour infraction aux règles communautaires de concurrence, il lui demande s'il envisage de reconsidérer la question de la rémunération des missions relevant de la charge des notaires de manière à rapprocher les émoluments qui leur sont versés du service effectivement rendu.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'en adoptant les conclusions du rapport sur la concurrence, dans le secteur des professions libérales auquel il fait référence, la Commission européenne a mis en oeuvre un raisonnement consistant à établir un lien direct entre la dérégulation des professions libérales et l'amélioration de la compétitivité du secteur des services, moteur principal de la croissance de l'Union. Un tel raisonnement semble remettre en cause la conformité des réglementations professionnelles avec les règles du droit européen de la concurrence. S'agissant de la profession de notaire, il convient de souligner la spécificité de la mission d'intérêt général confiée par la loi française à ces officiers publics et ministériels : le service de la preuve et de la conservation des contrats. À ce titre, l'activité des notaires français se rattache à l'exercice de prérogatives de puissance publique tant par sa nature que par son objet et par les règles qui lui sont applicables. La jurisprudence élaborée par la Cour de justice des communautés européennes dans de nombreux litiges concernant le traitement par les États membres des missions d'intérêt général qui relèvent des fonctions essentielles de l'État, montre que cette haute juridiction tient compte des spécificités de la matière au regard de l'application des règles de concurrence du traité. Dans ce contexte, la tarification est le corollaire indispensable de la mission d'intérêt public assumée par le notariat. En effet, ainsi qu'il résulte de la réponse à laquelle fait référence l'honorable parlementaire, le principe d'égal accès au droit justifie la mise en place de mécanismes de péréquation et de redistribution. Là encore, la Cour de justice des communautés européennes a défini les conditions auxquelles devait satisfaire l'autorité publique dans l'exercice de la tarification de certaines professions maintien du caractère étatique de la réglementation, absence de délégation à des opérateurs privés du contrôle de la mise en oeuvre et prise en compte de l'intérêt général. À ce jour, le Gouvernement français n'a jamais été condamné pour avoir fait obstacle, par aucun aspect de ces tarifs, à l'application des règles de concurrence du traité. S'agissant des modalités de fixation des émoluments notariaux, la détermination de leur montant tient compte de l'étendue de la mission des notaires, dont la prestation ne se limite pas à la rédaction des actes, mais s'étend à la vérification des actes et au conseil des parties. Elle doit tenir compte également de la responsabilité qu'encourent les notaires à raison des actes qu'ils rédigent. Dès lors, la structure du tarif est marquée par son caractère forfaitaire et redistributif et sa logique doit s'apprécier globalement d'un point de vue économique.
SOC 12 REP_PUB Bourgogne O