FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 53705  de  Mme   Aurillac Martine ( Union pour un Mouvement Populaire - Paris ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  21/12/2004  page :  10170
Réponse publiée au JO le :  22/03/2005  page :  3046
Rubrique :  travail
Tête d'analyse :  droit du travail
Analyse :  sous-traitance
Texte de la QUESTION : Mme Martine Aurillac appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'activité de sociétés de services dites « SSII », qui ont pour objet de mettre à la disposition d'entreprises utilisatrices, à but lucratif, par des contrats dits prestation de services, des salariés, et notamment des ingénieurs que ces sociétés emploient. De tels contrats ne sauraient être qualifiés de contrats de sous-traitance. En effet, ainsi qu'il résulte de la réponse de madame le ministre de l'emploi et de la solidarité à la question écrite de M. Léonce Deprez, n° 29546, du 20 mars 2000, « le sous-traitant encadre et dirige son personnel qui demeure soumis à sa seule autorité : le personnel du sous-traitant ne doit pas être intégré de fait chez le donneur d'ordre, en jouissant notamment des mêmes conditions de travail que les salariés de ce dernier ». En effet, certaines sociétés prestataires de services, telles qu'Alten ou Altran, n'apportent aucun savoir-faire spécifique aux entreprises utilisatrices, ce savoir-faire n'étant en réalité apporté que par les salariés eux-mêmes. Il ressort de la comptabilité des sociétés prestataires de services que ces dernières n'effectuent aucun investissement de nature à justifier leur prétendu savoir-faire, et ne semblent participer à aucune action de formation. Au surplus, les salariés ainsi mis à disposition ne reçoivent, pendant la durée de leur mission, aucun ordre de leur employeur, mais sont placés directement sous l'autorité des sociétés au sein desquelles ils exercent leur activité. Enfin, le personnel des prétendus sous-traitants est intégré de fait chez les donneurs d'ordre, en jouissant notamment des mêmes conditions de travail que les salariés de ce dernier. En conséquence, ces contrats de prestation, qui ne sont même pas communiqués aux salariés concernés, ne peuvent être qualifiés que de prêt de main-d'oeuvre, qui est nécessairement illicite, puisque les sociétés « SSII » ne sont pas immatriculées en qualité d'entreprises de travail temporaire. Bien plus, l'activité de ces sociétés semble constitutive du délit de marchandage. En effet, les salariés concernés sont lésés, dans la mesure où, en faisant appel à des sociétés « SSII », les entreprises utilisatrices les privent ainsi d'avantages dont ils pourraient bénéficier s'ils étaient directement employés par elles. Le caractère illicite de cette activité est prévu et réprimé par les articles L. 1, L. 125-3 et L. 152-3 du code du travail. Mais les salariés concernés ont peur, semble-t-il, de s'en plaindre, dans la mesure où ils craignent de perdre leur emploi. Quant aux organisations syndicales, si l'article L. 125-3-1 du code du travail leur confère la qualité pour agir en justice, elles ont besoin, pour ce faire, de l'accord des salariés concernés. Puisque les plaintes des salariés sur le fondement du délit de marchandage sont très rares, alors que l'activité précitée est très répandue, dès lors qu'elle lui paraîtrait avérée, elle lui demande s'il envisage de donner des instructions pour la poursuivre, ou s'il entend entamer une réflexion dans ce domaine.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les dispositions des articles L. 125-3, L. 152-3 et L. 152-3-1 du code du travail prévoient et répriment toute opération ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre réalisée dans un but lucratif, hors du cadre légal du travail temporaire. Afin de caractériser cette infraction, la jurisprudence retient différents éléments, notamment l'absence de technicité propre des personnels mis à disposition au regard des compétences mises en oeuvre au sein de l'entreprise utilisatrice, la spécificité insuffisante des tâches qui leur sont dévolues, leur soumission à l'autorité hiérarchique de l'entreprise utilisatrice, ou le fait que celle-ci conserve la responsabilité de l'exécution de l'ouvrage et de l'organisation du travail. En revanche, le prêt de main-d'oeuvre n'est pas pénalement sanctionné lorsqu'il est la conséquence nécessaire de la transmission d'un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d'une technicité qui relève de la spécificité propre de l'entreprise prêteuse. Par ailleurs, les articles L. 125-1, L. 152-3 et L. 152-3-1 interdisent et répriment les opérations à but lucratif ayant pour objet la fourniture de main-d'oeuvre, même à titre non exclusif, qui ont pour effet de priver le salarié concerné d'avantages potentiels tels que les dispositions d'un accord collectif, le bénéfice d'oeuvres sociales ou la participation, ou d'éluder l'application de dispositions impératives. Les parquets veillent attentivement à la stricte application de cette législation qui permet de poursuivre efficacement le délit de marchandage et qui assure une protection renforcée des salariés.
UMP 12 REP_PUB Ile-de-France O