FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 54613  de  M.   Jung Armand ( Socialiste - Bas-Rhin ) QE
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  28/12/2004  page :  10342
Réponse publiée au JO le :  24/05/2005  page :  5388
Date de changement d'attribution :  11/01/2005
Rubrique :  droits de l'homme et libertés publiques
Tête d'analyse :  défense
Analyse :  homophobie. sexisme. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Armand Jung attire l'attention de M. le Premier ministre quant à l'intégration des propos homophobes et sexistes au projet de haute autorité contre les discriminations (HALDE). Après moult tergiversations depuis des mois, le Gouvernement a finalement choisi d'intégrer au projet de haute autorité contre les discriminations (HALDE) le projet de loi pénalisant les propos homophobes et sexistes. Néanmoins, alors que ce texte devait permettre d'égaliser la pénalisation des propos haineux selon les différents motifs de discrimination définis par le code pénal, on retrouve une hiérarchie entre les types de propos : le projet du Gouvernement pénalise plus durement les propos racistes que les propos sexistes, lesquels le sont plus que les propos homophobes. Plus grave encore, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement vidant totalement de son effectivité cette nouvelle loi en restreignant la faculté de se constituer partie civile aux associations déclarées d'utilité publique : aucune association homosexuelle ou de lutte contre le sexisme ne dispose de cette reconnaissance particulièrement lourde et compliquée à obtenir. En conséquence, et au nom de la lutte contre les discriminations, il lui demande si une pénalisation semblable de tous les propos infamants est envisagée et quand elle interviendra. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que l'ensemble du Gouvernement partage ses préoccupations concernant la lutte contre l'homophobie et le sexisme, qui doivent être considérés comme des formes particulières de discrimination. Les comportements discriminatoires constituent dans une société démocratique des atteintes qui ne sauraient être tolérées parce qu'elles mettent directement en cause la dignité de la personne humaine. Des réformes récentes (loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure et loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité) sont venues très sensiblement améliorer l'arsenal législatif permettant de sanctionner de telles atteintes. Ces dispositions devaient toutefois être complétées afin de mieux réprimer, au-delà des actes discriminatoires et violents, la diffusion de propos ou messages de même nature, qui présente en effet un caractère d'autant plus odieux que ces messages peuvent inciter à commettre de tels actes. Or notre droit, en l'espèce la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, comportait à cet égard une évidente lacune. En effet, la provocation à la discrimination, à la haine et à la violence, qui constitue peut-être l'infraction la plus grave, de même que les diffamations et les injures commises envers une personne ou un groupe de personnes ne tombaient sous le coup de la loi que si elles étaient proférées à raison de leur origine, appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité modifier la loi de 1881, en y intégrant des dispositions relatives à la pénalisation des propos sexistes ou homophobes. L'intégration par voie d'amendement au projet de loi sur la HALDE de ces dispositions, qui faisaient initialement l'objet d'un projet de loi spécifique, a permis le vote d'un texte définitif avant la fin de l'année 2004, conformément aux engagements du Gouvernement, afin de répondre plus rapidement à une forte attente des citoyens touchés par de tels comportements. La loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité aligne les sanctions réprimant les provocations, diffamations et injures commises à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle sur celles prévues pour les propos de même nature à caractère raciste et antireligieux. Ainsi, pour le délit de provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination, un neuvième alinéa est inséré à l'article 24 de la loi de 1881. Cet article réprime désormais d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui auront publiquement provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ou qui auront provoqué, à l'égard de ces mêmes personnes, aux discriminations illicites et réprimées par le code pénal (art. 225-2 et 432-7). La peine d'affichage ou de diffusion de la condamnation pourra être prononcée, de même que la peine d'interdiction des droits civiques (sauf à l'égard des responsables des entreprises de presse écrite ou audiovisuelle, une telle exception étant déjà prévue en matière de racisme ou d'antisémitisme). Pour les diffamations et injures publiques, les articles 32 et 33 modifiés de la loi de 1881 aggravent les peines encourues par les auteurs d'une diffamation ou d'une injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. Les auteurs de tels propos diffamatoires encourront désormais une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, au lieu d'une simple peine d'amende de 12 000 euros. Pour leur part, les auteurs de propos injurieux sexistes ou homophobes seront passibles d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende au lieu des 12 000 euros d'amende prévus antérieurement. Dans les trois cas, les quanta retenus sont identiques à ceux applicables aux provocations, diffamations ou injures publiques à caractère racial, religieux ou ethnique. S'agissant de la capacité des associations de lutte contre l'homophobie ou le sexisme d'agir en justice, la loi du 30 décembre 2004 aligne les règles de mise en mouvement de l'action publique pour les délits de presse de nature sexiste ou homophobe sur celles existantes en matière de racisme ou d'antisémitisme. En conséquence, les associations de lutte contre les discriminations pourront se constituer partie civile pour l'ensemble des nouvelles infractions de sexisme ou d'homophobie. Ce droit d'ester en justice est néanmoins encadré. Les associations qui peuvent en bénéficier doivent répondre à certains critères. Tout d'abord, celles-ci doivent être déclarées depuis plus de cinq ans à la date des faits, et leur statut doit prévoir que leur objet est, notamment, de combattre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou d'assister les victimes de ces discriminations, s'agissant de l'homophobie, soit de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d'assister les victimes de ces discriminations, s'agissant du sexisme. Il convient de préciser que l'amendement limitant la constitution de partie civile aux seules associations reconnues d'utilité publique a été retiré lors des débats à l'Assemblée nationale. Aussi, les modifications législatives intervenues permettront-elles d'harmoniser les outils de droit pénal permettant de poursuivre et de réprimer tout propos discriminatoire et de permettre aux associations de lutte contre les discriminations de toute nature de remplir au mieux leurs missions.
SOC 12 REP_PUB Alsace O