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Texte de la QUESTION :
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M. Michel Charzat attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés d'application de l'article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Cette loi était censée mettre fin à la « double peine », peine ou sanction complémentaire qui conduit les ressortissants étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement à être expulsés du territoire français dès leur sortie de prison, sans considération pour les attaches culturelles et familiales qui les lient à notre pays. L'article 38 prévoit la protection de certaines catégories d'étrangers à l'encontre desquelles une mesure d'éloignement du territoire ne peut plus être prononcée (sauf pour les cas prévus à ce même article). L'article 86 donnait aux ressortissants étrangers, remplissant les conditions énoncées à l'article 38, la possibilité d'obtenir l'abrogation d'un arrêté d'expulsion antérieur au vote de la loi, ou la levée d'une interdiction du territoire prononcée après le 1er mars 1994, à condition d'en faire la demande avant le 31 décembre 2004. Or, selon les associations de défense des droits des étrangers, le bilan de l'application de ces dispositions transitoires est particulièrement insatisfaisant. De nombreux étrangers, concernés par l'article 86, n'ont pas obtenu l'abrogation de leur arrêté d'expulsion ou la levée de leur interdiction du territoire pour diverses raisons : pour certains, impossibilité de fournir suffisamment de preuves de leur « résidence habituelle » en France, pour d'autres, déjà expulsés, difficultés à obtenir un visa pour rentrer en France et déposer le dossier requis dans les délais fixés par la loi. En règle générale, les associations soulignent la lenteur des procédures, tant au niveau des préfectures que des tribunaux chargés d'instruire les appels, ainsi que les nombreux refus opposés à des demandes d'étrangers - qui remplissent pourtant les conditions requises - quant il ne s'agit pas de non-réponses. Elles dénoncent une application trop restrictive de la loi et les inégalités territoriales dues aux exigences différenciées des services préfectoraux d'un département à l'autre du territoire français. De plus, entre 5 000 et 10 000 personnes, concernées par les mesures transitoires de la loi, n'auraient pas déposé de recours par manque d'information sur les conditions requises et sur l'existence d'une date butoir. Il lui rappelle que les conditions faites aux détenus sous le coup d'une mesure d'expulsion sont particulièrement difficiles : ils ne peuvent prétendre, au même titre que les autres détenus, à des autorisations de sortie, à une libération conditionnelle ou à des aménagements de peine ; ils n'ont pas accès à certains services de formation et de recherche d'emploi, ce qui compromet considérablement leurs chances de réinsertion dans la société. En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte mettre en place afin d'assurer une application rapide, efficace et juste de l'article 86 de la loi du 26 novembre 2003 et de régulariser la situation des centaines d'étrangers « non expulsables » qui se trouvent actuellement sur le territoire français ou dans leur pays d'origine.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a défini et restreint de manière importante les conditions dans lesquelles une juridiction peut prononcer à l'encontre d'un étranger coupable d'un crime ou d'un délit une peine d'interdiction du territoire français. En effet, d'une part, cette loi a rendu impossible le prononcé d'une peine d'interdiction du territoire français dans un certain nombre de situations, et notamment s'il s'agit d'un étranger qui justifie résider en France habituellement depuis qu'il a atteint l'âge de treize ans ou d'un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ou encore d'un étranger résidant en France depuis plus de dix ans et marié à une Française à condition que le mariage soit antérieur aux infractions commises. D'autre part, la loi a également entendu limiter le prononcé d'une interdiction du territoire français en imposant à la juridiction de rendre une décision spécialement motivée lorsqu'elle envisageait une mesure d'interdiction du territoire français dans un certain nombre de situations limitativement énumérées. S'agissant des conditions d'application de cette loi, une circulaire du 9 janvier 2004 a appelé l'attention de l'ensemble des magistrats sur ces nouvelles dispositions en explicitant point par point chacune des situations administratives limitant ou interdisant le prononcé d'une interdiction du territoire français. Dans le même sens, une circulaire du 21 février 2006 d'application immédiate relative au contrôle des conditions de séjour des étrangers hébergés dans des foyers de travailleurs renforce les termes de la circulaire du 9 janvier 2004 en indiquant que les réquisitions du parquet à l'audience tendant au prononcé de la peine d'interdiction du territoire français doivent être envisagées au cas par cas afin de tenir compte du caractère exceptionnel de cette peine. En toute hypothèse, une personne qui contesterait sa condamnation à une interdiction du territoire français dispose de la plénitude des voies de recours. En ce qui concerne la procédure de relèvement automatique des peines d'interdiction du territoire français prononcées à titre de peine complémentaire telle que prévue dans l'article 86 de la loi du 27 novembre 2003 pour les personnes condamnées postérieurement au 1er mars 1994, même s'il n'existe pas de données statistiques, elle a permis à nombre de condamnés qui pouvaient justifier de leur situation administrative de se voir relevés de cette peine. Cette procédure a été également clairement explicitée dans la circulaire du 9 janvier 2004. Si cette procédure de relèvement automatique est aujourd'hui close, les personnes condamnées à une interdiction du territoire français prononcée à titre de peine complémentaire conservent la possibilité de solliciter auprès de la juridiction de condamnation un relèvement de cette peine à condition qu'elles soient assignées à résidence ou qu'elles aient quitté le territoire français.
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