FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 64861  de  M.   Hage Georges ( Député-e-s Communistes et Républicains - Nord ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  17/05/2005  page :  4946
Réponse publiée au JO le :  19/07/2005  page :  7169
Date de changement d'attribution :  02/06/2005
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  tribunaux administratifs et cours administratives d'appel
Analyse :  erreurs matérielles. rectification. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Georges Hage attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réglementation en matière de rectification d'erreurs matérielles commises par les juridictions administratives. L'article R. 231 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel stipule : « Lorsqu'un arrêt d'une cour administrative d'appel est entaché d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la cour un recours en rectification. Ce recours doit être présenté dans les mêmes formes que celles dans lesquelles devait être introduite la requête initiale. Il doit être introduit dans un délai de deux mois qui court du jour de la notification de l'arrêt. » Cette disposition est reprise à l'article R. 833-1 du code de justice administrative. Nous sommes face à un double problème de droit, d'abord en termes de respect des articles 6, paragraphes 1, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, une erreur matérielle peut ne pas avoir influencé un jugement mais n'en constituer pas moins un préjudice pour la réputation et l'honneur d'un citoyen. Or, dans l'état actuel de cette réglementation, il semble ne pas exister de voie de recours. En second lieu, il est pour le moins surprenant que le droit soit à ce point différent en matière publique et en matière civile. En droit civil, en effet, le recours en rectification de l'erreur matérielle suppose qu'elle n'ait pas influé sur le sens de la décision. Dans le cas contraire, le fond de l'affaire étant affecté, la voie de recours est naturellement celle de l'appel ou du pourvoi en cassation. En droit public, en revanche, le recours en rectification de l'erreur matérielle suppose qu'elle ait influé sur la décision, si bien que ce recours fait double emploi avec la voie de l'appel et du pourvoi en cassation alors que la simple erreur matérielle, pourtant susceptible de porter préjudice à un particulier, ne peut être rectifiée. Il serait nécessaire d'unifier les normes sur le modèle du droit civil qui apparaît le mieux adapté au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il souhaiterait connaître son point de vue à ce sujet et savoir s'il est disposé à modifier l'actuelle réglementation.
Texte de la REPONSE : En application des dispositions de l'article R. 833-1 du code de justice administrative, lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'État est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. Ce recours doit être présenté dans les mêmes formes que celles dans lesquelles devait être introduite la requête initiale. Il doit être introduit dans le délai de deux mois qui court du jour de la notification ou de la signification de la décision dont la rectification est demandée. L'honorable parlementaire estime que l'absence de disposition ouvrant la voie du recours en rectification d'erreur matérielle, dans le cas où l'erreur en cause n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision, est contraire aux stipulations des articles 6, paragraphes 1, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette erreur matérielle étant susceptible, selon lui, de porter préjudice à l'honneur et à la réputation d'un citoyen. Toutefois, les dispositions du code de justice administrative, qui n'ouvrent la possibilité d'un recours en rectification d'erreur matérielle que dans le cas où cette erreur est susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, ne peuvent être regardées comme incompatibles avec les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance de toute personne. La circonstance qu'un jugement soit entaché d'une erreur matérielle qui n'a exercé aucune influence sur le jugement de l'affaire ne constitue pas, en soi, une violation de la vie privée d'une personne ni une ingérence d'une autorité publique dans le droit de toute personne au respect de sa vie privée, de son domicile et de sa correspondance. En effet, l'autorité de la chose jugée s'attache uniquement au dispositif du jugement et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. En conséquence, une erreur matérielle n'ayant pas influencé le jugement de l'affaire ne peut préjudicier aux droits de la personne. Les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, et de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant le droit de toute personne respectivement à un procès équitable et à un recours effectif devant une instance nationale, ne sont pas non plus méconnues. En effet, si le recours en rectification d'erreur matérielle est encadré par des conditions strictes, la personne concernée conserve la possibilité, à la suite d'une décision juridictionnelle qui aurait entraîné un préjudice, de former un recours indemnitaire. En ce sens, par une décision n° 261620, en date du 30 mars 2005, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a considéré que : « la circonstance qu'un recours en rectification d'erreur matérielle ne soit recevable que dans le cas où une erreur matérielle qui entache une décision juridictionnelle a exercé une influence sur le sens de cette décision, n'est en rien contraire, alors d'ailleurs que le recours en rectification d'erreur matérielle prend place dans un ensemble de recours, aux stipulations des articles 6, paragraphes 1, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
CR 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O