FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 6866  de  M.   Perrut Bernard ( Union pour un Mouvement Populaire - Rhône ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  18/11/2002  page :  4249
Réponse publiée au JO le :  24/02/2003  page :  1452
Erratum de la Réponse publié au JO le :  24/03/2003  page : 
Date de signalisat° :  17/02/2003
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  collectivités territoriales
Analyse :  personnel et élus. poursuites pénales. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Bernard Perrut appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions dans lesquelles une commune doit apporter sa protection à ses agents, ou aux élus de la collectivité, mis en cause dans le cadre d'une procédure pénale. L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, modifié par la loi du 10 juillet 2000, prévoit que « la commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions ». De même, l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 prévoit que « la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ». Ainsi, il apparaît clairement, au regard de ces dispositions, que la collectivité a l'obligation d'accorder sa protection à un agent ou à un élu mis en cause dans le cadre d'une procédure pénale, dès lors que les faits reprochés n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ou d'une faute détachable de l'exercice des fonctions. Néanmoins, l'application de ce principe ne va pas sans poser de difficultés au regard des dispositions et principes issus du code pénal et du code de procédure pénale. En effet, d'une part, le principe de présomption d'innocence semble devoir s'appliquer à toute personne mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale, qu'il soit élu, agent public ou simple citoyen, et d'autre part, l'article 11 du code de procédure pénale prévoit que « la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ». Au regard de ces observations, il lui demande comment une collectivité pourrait refuser d'accorder sa protection à un agent ou à un élu mis en cause, dès lors que, d'une part, en raison du secret de l'instruction, la collectivité n'a pas à connaître des faits reprochés à l'intéressé et ne peut donc utilement apprécier si ces faits revêtent ou non le caractère d'une faute détachable de l'exercice des fonctions, et que, d'autre part, et surtout en vertu du principe de présomption d'innocence, la collectivité ne semble pas fondée à se substituer au juge pénal pour apprécier s'il y a eu ou non faute, et plus encore faute détachable de l'exercice des fonctions, tant que la personne mise en cause n'a pas été condamnée par un tribunal correctionnel ou une Cour d'appel. Une commune qui refuserait d'accorder sa protection à un agent ou un élu mis en cause pénalement et qui serait ultérieurement mis hors de cause (ordonnance de non lieu ou relaxe), ne commettrait-elle pas une faute susceptible d'engager sa responsabilité ? Il lui demande si le principe ne devrait pas être que la collectivité accorde systématiquement sa protection à tout agent ou élu mis en cause pour des faits, de quelque nature qu'ils soient, commis dans le cadre ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, protection qui ne prendrait fin que lorsque la personne mise en cause serait condamnée par un tribunal correctionnel ou une Cour d'appel pour des faits ayant le caractère d'une faute détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité pouvant alors se retourner vers l'intéressé pour obtenir le remboursement des sommes engagées par la collectivité pour assurer sa protection et sa défense.
Texte de la REPONSE : Le ministre de la justice rappelle à l'honorable parlementaire que la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 a modifié l'article 2123-34 du code général des collectivités territoriales afin d'aligner le statut des élus locaux agissant au nom de la collectivité locale sur celui des fonctionnaires et des agents non titulaires de droit public. Ils bénéficient d'une protection légale lorsqu'ils font l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de fautes personnelles. Cette nouvelle disposition, qui reprend la proposition du rapport Massot sur la responsabilité pénale des décideurs publics, n'est pas incompatible avec les dispositions du code de procédure pénale relatives au secret de l'instruction. En effet, le secret de l'instruction ne s'applique qu'aux personnes qui concourent à l'instruction et non au mis en cause dans une procédure pénale. Par conséquent, l'élu local ou l'agent mis en examen visé par l'article cité ci-dessus peut avertir sa commune des charges pesant contre lui sans pour autant violer les dispositions du code de procédure pénale. En revanche, l'appréciation par la collectivité du caractère détachable de la faute au moment où elle accorde sa protection est complexe dans la mesure ou pendant la période d'instruction et avant jugement la commune ne dispose pas des éléments lui permettant de se prononcer sur la question. Cette difficulté, conjuguée au souci de garantir la présomption d'innocence, est mise en avant par les administrations lorsqu'il s'agit d'appliquer l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. C'est pourquoi, comme le suggère l'honorable parlementaire, la collectivité locale devrait accorder systématiquement sa protection à l'élu ou à l'agent mis en cause à condition que les faits qui lui sont reprochés aient été commis dans le cadre de ses fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Ainsi, s'agissant de la mise en couvre de la protection fonctionnelle des agents de l'Etat organisée par la loi du 16 décembre 1996 les refus opposés par les administrations sont rares et sont relatifs à des fautes commises en dehors du service ou dépourvues de tout lien avec le service. La protection devrait prendre fin après la décision du juge pénal qui reconnaîtrait le caractère personnel et détachable de la faute, la collectivité locale pouvant alors se retourner contre le condamné pour exiger le remboursement des sommes indûment engagées pour sa défense. Toutefois, le résultat de l'enquête menée en novembre 1999 sur la responsabilité pénale des agents de l'Etat montre que les actions récursoires sont assez rarement engagées. Elles sont systématiquement initiées, après jugement, par le ministère de l'éducation nationale pour des délits à caractère sexuel et pour des faits contraires à la probité tandis que d'autres ministères comme le ministère de l'intérieur et de l'équipement mettent en oeuvre de telles actions en cas d'infractions graves commises à l'occasion de la conduite d'un véhicule administratif ou de violences illégitimes. Ainsi, ces solutions concourent à la mise en oeuvre d'un dispositif très protecteur pour les élus et les agents des collectivités qui devraient se sentir confortés dans leur droit à protection.
UMP 12 REP_PUB Rhône-Alpes O