Texte de la QUESTION :
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M. Bernard Perrut appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions dans lesquelles une commune doit apporter sa protection à ses agents, ou aux élus de la collectivité, mis en cause dans le cadre d'une procédure pénale. L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, modifié par la loi du 10 juillet 2000, prévoit que « la commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions ». De même, l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 prévoit que « la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ». Ainsi, il apparaît clairement, au regard de ces dispositions, que la collectivité a l'obligation d'accorder sa protection à un agent ou à un élu mis en cause dans le cadre d'une procédure pénale, dès lors que les faits reprochés n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ou d'une faute détachable de l'exercice des fonctions. Néanmoins, l'application de ce principe ne va pas sans poser de difficultés au regard des dispositions et principes issus du code pénal et du code de procédure pénale. En effet, d'une part, le principe de présomption d'innocence semble devoir s'appliquer à toute personne mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale, qu'il soit élu, agent public ou simple citoyen, et d'autre part, l'article 11 du code de procédure pénale prévoit que « la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ». Au regard de ces observations, il lui demande comment une collectivité pourrait refuser d'accorder sa protection à un agent ou à un élu mis en cause, dès lors que, d'une part, en raison du secret de l'instruction, la collectivité n'a pas à connaître des faits reprochés à l'intéressé et ne peut donc utilement apprécier si ces faits revêtent ou non le caractère d'une faute détachable de l'exercice des fonctions, et que, d'autre part, et surtout en vertu du principe de présomption d'innocence, la collectivité ne semble pas fondée à se substituer au juge pénal pour apprécier s'il y a eu ou non faute, et plus encore faute détachable de l'exercice des fonctions, tant que la personne mise en cause n'a pas été condamnée par un tribunal correctionnel ou une Cour d'appel. Une commune qui refuserait d'accorder sa protection à un agent ou un élu mis en cause pénalement et qui serait ultérieurement mis hors de cause (ordonnance de non lieu ou relaxe), ne commettrait-elle pas une faute susceptible d'engager sa responsabilité ? Il lui demande si le principe ne devrait pas être que la collectivité accorde systématiquement sa protection à tout agent ou élu mis en cause pour des faits, de quelque nature qu'ils soient, commis dans le cadre ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, protection qui ne prendrait fin que lorsque la personne mise en cause serait condamnée par un tribunal correctionnel ou une Cour d'appel pour des faits ayant le caractère d'une faute détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité pouvant alors se retourner vers l'intéressé pour obtenir le remboursement des sommes engagées par la collectivité pour assurer sa protection et sa défense.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministre de la justice rappelle à l'honorable parlementaire que la loi
n° 2000-647 du 10 juillet 2000 a modifié l'article 2123-34
du code général des collectivités territoriales afin d'aligner le statut des
élus locaux agissant au nom de la collectivité locale sur celui des
fonctionnaires et des agents non titulaires de droit public. Ils bénéficient
d'une protection légale lorsqu'ils font l'objet de poursuites pénales à
l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de fautes personnelles. Cette
nouvelle disposition, qui reprend la proposition du rapport Massot sur la
responsabilité pénale des décideurs publics, n'est pas incompatible avec les
dispositions du code de procédure pénale relatives au secret de l'instruction.
En effet, le secret de l'instruction ne s'applique qu'aux personnes qui
concourent à l'instruction et non au mis en cause dans une procédure pénale. Par
conséquent, l'élu local ou l'agent mis en examen visé par l'article cité
ci-dessus peut avertir sa commune des charges pesant contre lui sans pour autant
violer les dispositions du code de procédure pénale. En revanche, l'appréciation
par la collectivité du caractère détachable de la faute au moment où elle
accorde sa protection est complexe dans la mesure ou pendant la période
d'instruction et avant jugement la commune ne dispose pas des éléments lui
permettant de se prononcer sur la question. Cette difficulté, conjuguée au souci
de garantir la présomption d'innocence, est mise en avant par les
administrations lorsqu'il s'agit d'appliquer l'article 11 de la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983. C'est pourquoi, comme le suggère
l'honorable parlementaire, la collectivité locale devrait accorder
systématiquement sa protection à l'élu ou à l'agent mis en cause à condition que
les faits qui lui sont reprochés aient été commis dans le cadre de ses fonctions
ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Ainsi, s'agissant de la mise en
couvre de la protection fonctionnelle des agents de l'Etat organisée par la loi
du 16 décembre 1996 les refus opposés par les administrations sont
rares et sont relatifs à des fautes commises en dehors du service ou dépourvues
de tout lien avec le service. La protection devrait prendre fin après la
décision du juge pénal qui reconnaîtrait le caractère personnel et détachable de
la faute, la collectivité locale pouvant alors se retourner contre le condamné
pour exiger le remboursement des sommes indûment engagées pour sa défense.
Toutefois, le résultat de l'enquête menée en novembre 1999 sur la
responsabilité pénale des agents de l'Etat montre que les actions récursoires
sont assez rarement engagées. Elles sont systématiquement initiées, après
jugement, par le ministère de l'éducation nationale pour des délits à caractère
sexuel et pour des faits contraires à la probité tandis que d'autres ministères
comme le ministère de l'intérieur et de l'équipement mettent en oeuvre de telles
actions en cas d'infractions graves commises à l'occasion de la conduite d'un
véhicule administratif ou de violences illégitimes. Ainsi, ces solutions
concourent à la mise en oeuvre d'un dispositif très protecteur pour les élus et
les agents des collectivités qui devraient se sentir confortés dans leur droit à
protection.
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