FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 72345  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  16/08/2005  page :  7773
Réponse publiée au JO le :  27/09/2005  page :  8992
Rubrique :  propriété intellectuelle
Tête d'analyse :  brevets
Analyse :  logiciels. politiques communautaires
Texte de la QUESTION : Avant de partir en vacances, le Parlement européen devait se prononcer, le 6 juillet 2005, sur un texte aux enjeux éthiques et financiers considérables : la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur. Ce dossier l'a divisé très fortement. Le texte sur lequel le Parlement européen se penche constitue une nouvelle pièce de l'héritage décidément controversé laissé par M. Frits Bolkestein, l'ancien commissaire libéral en charge du marché intérieur, à l'origine du projet de directive sur la libéralisation des services. C'est sur sa proposition que la Commission de M. Prodi avait, en 2002, décidé de légiférer, afin de mettre fin à la situation d' « insécurité juridique » qui caractérise l'Union européenne. Cette insécurité est liée à la politique que mène l'Office européen des brevets. Cet organisme intergouvernemental, basé à Munich, a déjà délivré plus de 30.000 brevets concernant des inventions mises en oeuvre par ordinateur, lorsque leur programme apportait « une contribution à l'état de la technique ». Il les a ainsi protégées pour une durée de vingt ans. Pourtant, il est censé appliquer une convention de 1977 (dite convention de Munich) qui exclut de son champ les programmes d'ordinateurs « en tant que tels ». Les partisans du logiciel libre souhaitaient que la Commission confirme le contenu de la convention de Munich : les oeuvres de l'esprit ne doivent pas être brevetées, sous peine d'interdire l'innovation. Ils estiment qu'un brevet sur les logiciels rendrait impossible l'écriture de nouvelles formules, puisque celle-ci utilise des modules existants en les combinant de différentes manières. Du côté des partisans de la brevetabilité, la Business Software Alliance, qui réunit les grandes entreprises américaines éditrices de logiciels, et notamment Microsoft, réclamait le droit de breveter les programmes d'ordinateur « en tant que tels ». Les entreprises européennes, représentées par l'UNICE (Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe, qui représente tous les secteurs utilisateurs de logiciel), mais aussi l'EICTA, association professionnelle représentant les entreprises de technologies de l'information, comme Nokia, Siemens, Philips ou Alcatel, souhaitaient que la Commission rende obligatoire la jurisprudence de l'Office européen des brevets. Il est évident que breveter les oeuvres de l'esprit va freiner considérablement la diversité de la créativité et de la recherche. Il semble donc essentiel que la possibilité de breveter les programmes d'ordinateur soit exclue. En conséquence, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui indiquer s'il entend défendre cette vision et, de fait, agir fortement auprès de ses collègues européens dans ce sens.
Texte de la REPONSE : Le 6 juillet dernier, le Parlement européen a rejeté par 648 voix contre 14 le projet de directive européenne sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur. Ce vote, qui exprime des points de vue très contradictoires, met un terme à l'examen de ce texte suivant la procédure de codécision. L'objectif du projet de directive n'était pas d'ouvrir la voie au « brevet logiciel » tel qu'il a pu se développer aux États-Unis, mais, bien au contraire, de préciser les limites de la brevetabilité pour ces inventions sur une base restrictive réaffirmée, confirmant qu'un logiciel en tant que tel ne peut être une invention brevetable. Il convient cependant de respecter les accords de l'Organisation mondiale du commerce (accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) qui définissent les obligations minimales des États en matière de protection des droits de propriété intellectuelle et interdisent notamment toute discrimination entre domaines technologiques en matière de brevetabilité. L'enjeu de cette directive était d'induire, à partir de ces principes, une jurisprudence européenne unifiée qui s'imposerait aux brevets délivrés par tous les offices nationaux et par l'Office européen des brevets, source de sécurité juridique pour l'ensemble des acteurs économiques européens. La volonté de la plupart des États membres de l'Union européenne, et particulièrement de la France, est bien qu'en Europe un logiciel en tant que tel reste exclu du champ de la brevetabilité : ne doit pouvoir être brevetable qu'une solution technique innovante apportée à un problème technique, solution pouvant être mise en oeuvre par des moyens matériels et logiciels. Cette question est essentielle pour l'industrie, dont les investissements en recherche et développement doivent être encouragés, protégés et justement rémunérés. Elle concerne non seulement le secteur des nouvelles technologies, mais tous les secteurs industriels (automobile, aéronautique, industries de santé, imagerie médicale...) pour lesquels les innovations technologiques comportent de plus en plus de logiciels. Il est donc important de pouvoir définir le nécessaire équilibre entre la protection de l'innovation et la non-brevetabilité du logiciel en tant que tel, et le Gouvernement français ne peut que regretter le maintien du statu quo actuel et de ses ambiguïtés.
SOC 12 REP_PUB Midi-Pyrénées O