FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 73606  de  M.   Loncle François ( Socialiste - Eure ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  20/09/2005  page :  8657
Réponse publiée au JO le :  28/02/2006  page :  2188
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  détenus
Analyse :  pécule. réglementation. réforme
Texte de la QUESTION : M. François Loncle attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences des termes du décret n° 2004-1072 du 5 octobre 2004 relatif au compte nominatif des détenus ouvert par les établissements pénitentiaires pour la gestion de leurs valeurs pécuniaires. En effet, le plafonnement à 1000 euros des économies pouvant être réalisées pendant la détention par les prisonniers limite drastiquement les possibilités de réinsertion sociale après la détention. Comment en effet reprendre pied dans la vie avec un si maigre apport ? Par ailleurs, le prélèvement désormais effectué sans distinction sur toutes les rémunérations perçues semble contraire au caractère insaisissable de certaines allocations. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir abroger ce décret au plus vite et en redéfinir les dispositions en ouvrant la concertation aux différents partenaires que sont les magistrats, les acteurs sociaux, les représentants associatifs, l'administration pénitentiaire...
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire que si un des objectifs assignés à l'administration pénitentiaire par la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 est de favoriser la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, ce doit être, en application de l'article 707 du code de procédure pénale, « dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes ». La mise en oeuvre de l'indemnisation des parties civiles fait partie des missions de l'administration pénitentiaire et ce à un double titre : elle se doit d'une part, d'assurer l'exécution des peines prononcées et d'autre part, de favoriser la réinsertion du condamné, celle-ci ne pouvant se faire au détriment de la réparation du préjudice subi par la victime. Il appartient alors au condamné, lorsque des dommages et intérêts ont été prononcés par la juridiction, dans le même temps qu'il exécute sa peine, quelle qu'en soit la modalité, de procéder à l'indemnisation des parties civiles. Le décret n° 2004-1072 du 5 octobre 2004 relatif au compte nominatif des détenus ouvert par les établissements pénitentiaires a modifié les modalités de gestion du compte nominatif, en vertu de l'habilitation donnée par l'article 728-1 du code de procédure pénale. Le fonctionnement du compte nominatif est désormais régi par les articles D. 320 à D. 320-3 du code de procédure pénale qui prévoient notamment l'extension de la provision alimentaire mensuelle aux produits du travail et l'augmentation de son montant, l'instauration d'un système de prélèvements progressifs sur la part réservée à l'indemnisation des parties civiles et des créanciers d'aliments, et enfin l'instauration d'un système dit des vases communicants. Si l'objectif principal de la réforme est d'améliorer l'indemnisation des parties civiles par une augmentation des prélèvements, elle a également pour but de garantir aux détenus un revenu acceptable, par l'augmentation du montant de la provision alimentaire mensuelle, désormais fixée à 200 euros, montant en deçà duquel aucune répartition n'est effectuée. Elle étend cette protection à l'ensemble des revenus du détenu, y compris ceux provenant du travail, contrairement à la législation antérieure et prend en compte leurs facultés contributives grâce à l'instauration d'un système de prélèvements progressifs. L'article D. 320-2 fixe effectivement un plafond de 1 000 euros au pécule de libération. Cette part, constituée par un prélèvement représentant 10 % des sommes perçues par le détenu après déduction de la provision alimentaire mensuelle, doit permettre au détenu libéré de faire face à ses premières dépenses lors de sa libération. Il constitue un minimum. Il appartient au condamné, dans le cadre de sa démarche d'insertion entreprise en détention avec l'assistance des services compétents, d'élaborer un projet de sortie qui repose notamment sur la recherche d'un emploi ou d'une formation professionnelle et d'un hébergement. Enfin, on ne peut raisonnablement prétendre que les prélèvements affectent toutes les sommes perçues par les détenus sans distinction et sans respect du caractère insaisissable de certaines d'entre elles. En effet, le code de procédure pénale garantit au détenu, quelle que soit l'origine de son revenu, une provision alimentaire mensuelle, exempte de tout prélèvement, fixée à 200 euros contre 183 euros avant la réforme, qu'il s'agisse des subsides adressés par les proches ou des revenus du travail. Enfin, concernant le respect du caractère insaisissable des sommes reçues, l'article D. 320 du code de procédure pénale prévoit que « toutes les sommes qui échoient aux détenus sont considérées comme ayant un caractère alimentaire, dans la mesure où elles n'excèdent pas chaque mois 200 euros. [...]. Elles sont dès lors entièrement versées à la part disponible, jusqu'à concurrence de cette provision alimentaire et, pour le surplus, elles sont soumises à répartition dans les proportions ci-après déterminées, sous réserve des dispositions particulières concernant les rentes, les pensions et les indemnités ». Une instruction de l'administration pénitentiaire du 21 juin 2002 a précisé les critères de répartition des pensions, rentes et allocations diverses sur le compte nominatif, et rappelé que, lorsque la loi déclare une allocation insaisissable, celle-ci est entièrement versée sur la part disponible du compte nominatif ; lorsque la loi la déclare saisissable, elle doit être répartie en application des articles D. 320 et suivants du code de procédure pénale. Aussi, le décret du 5 octobre 2004 qui concilie les garanties offertes aux détenus et le droit des victimes à une meilleure indemnisation ne saurait en conséquence être abrogé.
SOC 12 REP_PUB Haute-Normandie O