FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 75436  de  M.   Lefort Jean-Claude ( Député-e-s Communistes et Républicains - Val-de-Marne ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  11/10/2005  page :  9373
Réponse publiée au JO le :  31/01/2006  page :  1056
Date de signalisat° :  24/01/2006
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  code de procédure pénale
Analyse :  réforme. application
Texte de la QUESTION : M. Jean-Claude Lefort attire de nouveau l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application des nouvelles dispositions adoptées par la loi du 9 mars 2004, qui insère après l'article 29 du code de procédure pénale un nouveau chapitre ainsi rédigé : « Article 30. - Le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. Á cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique. Il peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre, par des instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes ». Cette adjonction au code de procédure pénale avait donné lieu à bien des débats, notamment à l'Assemblée nationale. Le rapporteur dans ce débat avait exprimé l'idée qu'il s'agissait là « d'une grande avancée » estimant que cet article nouveau « sera la preuve que le ministre joue tout son rôle (notamment) celle de veiller à la cohérence de la politique pénale sur l'ensemble du territoire ». Cette considération n'est pas seconde, en effet, si l'on veut que la République manifeste clairement qu'elle considère de manière identique tous ses citoyens et qu'elle ne crée non seulement pas, mais empêche des situations où, pour des faits identiques, d'aucuns pourraient être exonérés de rendre quelque compte que ce soit tandis que d'autres seraient légitimement poursuivis. Cela serait contraire à tout principe et aurait de lourdes conséquences en renforçant des sentiments extrêmement négatifs dans la société, spécialement si de pareilles pratiques concernaient des élus déjà largement suspectés par toute une campagne nauséabonde qui tend à projeter l'attitude de quelques-uns sur tous les élus dans leur ensemble. Ce serait donc tout à la fois la République et ses principes et la politique qui seraient atteints par des manquements de cette nature que la loi adoptée vise précisément à empêcher. Il convient donc d'être particulièrement strict en ce domaine si sensible et ne faire preuve d'aucune hésitation ni d'aucune faiblesse. On notera d'ailleurs que durant ce même débat parlementaire un amendement a été rejeté avec l'assentiment du ministre de la justice qui visait à empêcher le garde des sceaux d'intervenir « dans des affaires individuelles ». Cet ensemble est donc clair et ne laisse place ou prise à aucune interprétation possible. Si, par exemple, une situation révélée et non démentie faisait apparaître que de 1972 à 2000, une personne appartenant à un service public et qui aurait été payée par lui avait été mise gracieusement à la disposition d'un élu, il paraîtrait difficilement compréhensible que le garde des sceaux n'utilise pas ce nouvel article dès lors que cet élu ne ferait l'objet d'aucune poursuite. Il lui demande donc les suites qu'il entend donner à une situation qui lui a été dûment signalée depuis le mois de juin et qui recouvre très exactement la situation ci-dessus prise en exemple. Il rappelle une nouvelle fois que toute initiative en ce sens du ministre de la justice ne saurait, ainsi qu'il se doit, mettre en cause la présomption d'innocence dont chacun bénéficie.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que les articles 63 et suivants de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité consacrent le rôle du garde des sceaux et celui des parquets généraux en matière de conduite et de coordination de la politique d'action publique. Le nouvel article 30, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale résultant de cette loi dispose que : « le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique. ». Le dernier alinéa de ce même article reprend, sans les modifier, les dispositions de l'ancien article 36 relatif aux prérogatives du garde des sceaux en matière d'instructions individuelles. Si l'article 30 du code de procédure pénale a pour objet de rappeler le principe hiérarchique au sein du ministère public, il n'en demeure pas moins que le principe de l'opportunité des poursuites a été également consacré par la loi précitée, à l'article 40-1 du code de procédure pénale. Cette disposition indique clairement que le procureur décide ce qui lui apparaît « opportun », tout en soulignant que la réponse pénale que le procureur de la République peut apporter lorsqu'une infraction est commise par une personne identifiée doit consister soit en la mise en mouvement de l'action publique, soit en une procédure alternative. Ainsi, ce texte affiche clairement l'objectif de la généralisation de la réponse pénale puisque le classement sans suite en opportunité, lorsque l'auteur des faits est connu, ne doit intervenir que si des circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. Il demeure qu'il appartient au seul procureur de la République d'apprécier la nature de ces circonstances que la loi ne précise ni ne limite, pour décider d'un classement sans suite sous réserve d'instructions générales d'action publique qui lui ont été adressées. Le garde des sceaux rappelle enfin à l'honorable parlementaire qu'il n'est pas d'usage de répondre, dans le cadre des questions écrites, aux interrogations relatives à des situations particulières.
CR 12 REP_PUB Ile-de-France O