FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 80599  de  M.   Jung Armand ( Socialiste - Bas-Rhin ) QE
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  écologie
Question publiée au JO le :  13/12/2005  page :  11404
Réponse publiée au JO le :  06/06/2006  page :  5907
Date de signalisat° :  30/05/2006 Date de changement d'attribution :  27/12/2005
Rubrique :  chasse et pêche
Tête d'analyse :  droits de chasse
Analyse :  réglementation. Alsace-Moselle
Texte de la QUESTION : M. Armand Jung appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les difficultés liées aux conditions d'exercice du droit de chasse en Alsace-Moselle. Les forêts périurbaines sont de véritables « poumons verts » dans lesquelles les citoyens aiment se promener à pied, à cheval ou à vélo ou encore faire du sport (jogging, parcours de santé...). Il semblait primordial de les protéger des risques liés à la présence de chasseurs. Il lui rappelle que dans cette optique l'article 63 de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 sur la forêt (LOF) a complété l'article L. 2541-12 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé : « Dans les communes appartenant à une agglomération de plus de 100 000 habitants, le conseil municipal délibère sur les conditions d'exercice du droit de chasse sur les terrains soumis à une forte fréquentation du public. » Il lui précise encore qu'au début du premier alinéa du I de l'article L. 429-7 du code de l'environnement, ont été insérés les mots : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 2541-12 du code général des collectivités territoriales, ». En d'autres termes, « la chasse sur le ban communal est louée pour une durée de neuf ans par adjudication publique » à condition que la commune intéressée l'autorise. La délibération du conseil municipal peut aller jusqu'à la reconnaissance du « droit de non-chasse », au regard notamment de l'intérêt général, de la protection de la faune et de la flore. Par conséquent, le conseil municipal peut refuser la location de la chasse sur tout ou partie du territoire visé. Mais l'expérience sur le terrain montre que des communes d'Alsace-Moselle concernées par cette disposition rencontrent des difficultés pour l'appliquer et que l'interprétation des différents conseils municipaux varie selon les situations et les contingences locales. Ces problèmes d'interprétation peuvent engendrer de longues procédures judiciaires entre les communes et les fédérations de chasseurs, cela au détriment de la protection des promeneurs et autres sportifs qui circulent dans les forêts périurbaines. Par ailleurs, il lui rappelle que depuis la promulgation de la LOF, le Parlement, réuni à Versailles le 28 février 2005, a adopté à une large majorité la révision de la Constitution pour permettre l'intégration de la charte de l'environnement dans laquelle est évoqué le principe de précaution. Le principe de précaution peut être invoqué directement devant les tribunaux. Les juges ont donc la responsabilité de définir les conditions de son application. En conséquence, il souhaite savoir de quelle manière l'article 63 de la LOF peut être précisé au regard du principe constitutionnel de précaution, cela pour éclairer les conseils municipaux d'Alsace-Moselle concernés par cette disposition. Il est nécessaire qu'ils sachent désormais comment appliquer l'article 63 de la LOF de manière à éviter des procédures judiciaires les opposant aux fédérations de chasseurs. - Question transmise à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Texte de la REPONSE : La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative aux conditions d'exercice de la chasse en Alsace-Moselle, et notamment dans les forêts périurbaines. En Alsace-Moselle, le droit de chasse sur les terres et sur les espaces couverts d'eau est administré par la commune, au nom et pour le compte des propriétaires en application de l'article L. 429-2 du code de l'environnement. À ce titre, la chasse sur le ban communal est louée pour une durée de neuf ans par adjudication publique (art. L. 429-7 du code de l'environnement). Depuis le renouvellement des baux de 1988, certaines communes ont fait le choix de ne pas louer la chasse sur leur ban communal. Chaque fois que diverses juridictions en ont été saisies, ce choix de non-mise en adjudication de la chasse a été condamné et ces décisions ont toujours été confirmées en Cour de cassation. La loi 2001-602 du 9 juillet 2001, dite loi d'orientation forestière (LOF), a introduit à l'article L. 2541-12 du code général des collectivités territoriales, un dernier alinéa qui précise que « Dans les communes appartenant à une agglomération de plus de 100 000 habitants, le conseil municipal délibère sur les conditions d'exercice du droit de chasse sur les terrains soumis à une forte fréquentation du public. » Ainsi, il est légitime d'organiser l'exercice de la chasse avec le souci de concilier les différentes activités qui s'exercent dans les forêts péri urbaines. La plupart des communes urbaines confrontées à cette question ont choisi d'ajouter des règles spéciales en clauses particulières aux prescriptions générales du cahier des charges des chasses communales. Selon les communes, ces règles limitent les jours de chasse ou prescrivent certains modes de chasse tels que la chasse à l'arc. Mais la rédaction de cet alinéa n'a, semble-t-il, jamais posé de problème d'interprétation, et il est clair qu'il ne fonde pas un « droit de non-chasse » à la discrétion des conseils municipaux. De plus, depuis l'introduction de cet alinéa, la haute juridiction a par deux fois (arrêts des 25 septembre 2002 et 24 mars 2004) confirmé « l'obligation de mettre en location les bans de chasse communaux » pour les communes de Schiltigheim, Bischeim, Hoenheim et Strasbourg, appartenant toutes quatre à une agglomération de plus de 100 000 habitants. Elle a souligné que « le droit local sur la chasse ne contrevenait pas aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que les loyers acquittés par les locataires de chasse sont réservés aux propriétaires fonciers, de telle sorte qu'il existe une contrepartie au mandat légal conféré aux communes et que les loyers ne peuvent être conservés par les communes sans décision adoptée à la majorité qualifiée par les propriétaires, lesquels peuvent par ailleurs échapper à la location de la chasse en clôturant leur propriété ». D'ailleurs, une telle décision de non-chasse engagerait financièrement toute commune qui, en ne mettant pas la chasse en adjudication, se trouverait civilement responsable de tous les désordres causés par le gibier aux cultures, responsabilité qui incombe légalement à l'adjudicataire. C'est ainsi que la seule commune du Bas-Rhin qui persiste dans la non-remise en adjudication n'a pu éviter un nouveau contentieux qu'en acceptant, par une délibération du conseil municipal, de prendre à sa charge l'indemnisation de tous les dégâts causés par le gibier. Enfin, le Parlement, réuni à Versailles le 28 février 2005, a adopté la charte de l'environnement et lui a donné une valeur constitutionnelle. L'article 5 de cette charte institue un principe de précaution mais limite clairement l'application de ce principe aux cas où « la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement ». La chasse, lorsqu'elle est exercée dans le cadre des lois et règlements en vigueur, ne peut pas être suspectée d'affecter de manière grave et irréversible l'environnement ; au contraire, elle participe à la maîtrise des populations animales, même dans les forêts périurbaines où son interdiction contribuerait sans nul doute à la prolifération de certaines espèces. C'est ainsi que dans l'une des communes du Bas-Rhin où la chasse n'est plus louée depuis bientôt vingt ans, la prolifération de sangliers et de chevreuils est telle que cette commune est devenue l'une de celles où le nombre de jours d'actions de chasse, menées par des lieutenants de louveterie, et le tableau d'animaux tués sont les plus élevés. Il ne paraît donc pas raisonnable d'envisager que la chasse dans les forêts péri urbaines puisse être interdite au nom du principe de précaution tel que prévu par la charte de l'environnement.
SOC 12 REP_PUB Alsace O