FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 81738  de  M.   Evin Claude ( Socialiste - Loire-Atlantique ) QE
Ministère interrogé :  santé et solidarités
Ministère attributaire :  santé et solidarités
Question publiée au JO le :  27/12/2005  page :  11966
Réponse publiée au JO le :  09/05/2006  page :  4989
Rubrique :  bioéthique
Tête d'analyse :  déontologie
Analyse :  greffe du visage
Texte de la QUESTION : M. Claude Evin attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les conditions qui entourent la greffe partielle de visage qui a été réalisée le 27 novembre 2005 et notamment sur le fait que n'ont pas été respectées certaines des obligations contenues dans la loi de bioéthique du 6 août 2004 et que, par ailleurs, n'ont pas été respectées un certain nombre de règles définies dans le code de déontologie médicale. Tout d'abord, la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique a créé l'agence de la biomédecine, qui est compétente notamment dans les domaines de la greffe. L'une des missions de cette agence est de « participer à l'élaboration et, le cas échéant, à l'application de la réglementation et de règles de bonnes pratiques et de formuler des recommandations pour les activités relevant de sa compétence ». L'article L. 1418-4 du code de la santé publique a instauré un conseil d'orientation de cette agence dont les missions sont de veiller « à la qualité de l'expertise médicale et scientifique de l'agence en prenant en considération des questions éthiques susceptibles d'être soulevées ». Cet article précise que le conseil d'orientation « est obligatoirement consulté par le directeur général sur [...] les questions intéressant la recherche médicale ou scientifique et relevant de la compétence de l'agence ». Cette greffe partielle de visage s'inscrivait précisément dans le cadre d'une recherche biomédicale au sens de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique qui définit les recherches biomédicales comme « les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales ». Si l'agence de la biomédecine a bien été saisie de ce projet en juin 2005, le conseil d'orientation de l'agence n'a, lui, jamais été consulté par le directeur général, comme en fait obligation la loi. Le fait que ce conseil d'orientation n'était pas installé en juin 2005 ne saurait justifier cette absence de consultation dans la mesure où il s'est réuni à deux reprises depuis (le 21 septembre et le 3 novembre 2005) et que, compte tenu des débats qui avaient déjà entouré ce type de greffe et des avis rendus par le Comité consultatif national d'éthique, il était évident que le maximum de précautions devait être pris concernant les questions éthiques susceptibles d'être soulevées. Par ailleurs, plusieurs règles déontologiques n'ont manifestement pas été respectées. C'est ainsi que plusieurs médias ont diffusé des reportages et des images décrivant cette intervention chirurgicale après que nous eûmes appris que des journalistes avaient ainsi été admis dans le bloc chirurgical. Or le code de déontologie médical, outre qu'il demande aux médecins de « ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence, avoir le souci de ses propos auprès du public », interdit au médecin « toute attitude publicitaire personnelle » (art. R. 4127-13, C. Santé publ.), il interdit aux médecins de « divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner sa communication des réserves qui s'imposent » (art. R. 4217-14, C. Santé publ.). Le code de déontologie interdit par ailleurs aux médecins de « faire une telle divulgation dans le public non médical ». En conséquence, il lui demande tout d'abord de bien vouloir 1ui indiquer les raisons qui, dans le cas de cette greffe partielle de visage, ont conduit le directeur de l'agence de biomédecine à ne pas respecter la législation en vigueur. Il lui demande aussi l'appréciation qu'il porte sur la manière dont ont été respectées ou non les règles déontologiques telles qu'elles sont définies dans le code de la santé publique et s'il compte en ces circonstances faire usage de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique.
Texte de la REPONSE : L'attention du ministre de la santé et des solidarités a été appelée sur les conditions juridiques dans lesquelles a été réalisée la greffe partielle de face le 27 novembre 2005, concernant la compétence du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine et le respect de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Le conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine a pour mission de veiller à la qualité de l'expertise médicale et scientifique de l'agence en prenant en considération des questions éthiques susceptibles d'être soulevées et doit être obligatoirement consulté par le directeur général sur les questions intéressant la recherche médicale et scientifique relevant de la compétence de l'agence, mais ce conseil n'a pas vocation à se prononcer sur des cas individuels de greffe. La réflexion éthique sur la question de principe d'une greffe de face avait été préalablement menée au sein du comité consultatif national d'éthique (avis n° 82 du 6 février 2004). Le comité consultatif de protection des personnes dans les recherches biomédicales du CHU d'Amiens a été consulté sur le cas particulier de la patiente à greffer. L'allogreffe partielle de tissus composites de la face ne s'inscrivait pas dans le cadre légal d'une recherche biomédicale sur l'homme puisqu'il s'agissait d'une première chirurgicale. En effet, cette première allogreffe, réalisée pour une patiente donnée, ne répond pas à la définition de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique, qui définit les recherches biomédicales comme des recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales. Il s'agissait en l'espèce d'apporter une solution thérapeutique innovante à un cas bien précis de traumatisme, dans un cadre d'urgence liée aux délais de cicatrisation. Dans un souci de meilleure protection possible de la patiente, l'Agence de la biomédecine a toutefois recommandé aux équipes concernées de suivre une procédure similaire à celle des autorisations de recherche biomédicale qui, conformément à la loi 2004-806 du 9 août 2004, doivent désormais être délivrées par l'Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS). La réglementation ne prévoit pas de saisine du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine dans ce cadre. En revanche, l'étude des résultats de cette première chirurgicale et son appréciation scientifique relèvent bien de la compétence du conseil d'orientation. À cet égard, la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a d'ores et déjà saisi ce conseil d'une demande d'avis sur les recommandations de l'agence en matière de prélèvements d'éléments visibles du corps humain tels que la face et les membres. Concernant le respect du code de déontologie médicale, l'Agence de la biomédecine a fait des recommandations auprès des équipes médico-chirurgicales de façon que l'anonymat donneur-receveur soit préservé et, en ce sens, préconisé une très grande prudence vis-à-vis des médias. En revanche, il n'entre pas dans sa compétence d'apprécier si l'attitude de l'ensemble des intervenants, médecins ou non, a été compatible avec le respect du code de déontologie médicale. C'est le Conseil national de l'ordre des médecins qui est compétent dans ce domaine. Il a d'ailleurs rendu public, le 15 décembre 2005, un avis critique sur la médiatisation de cette greffe.
SOC 12 REP_PUB Pays-de-Loire O